NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG ROBERTO AZEVÊDO


POUR EN SAVOIR PLUS:
> Allocutions: Roberto Azevêdo

> Séminaire de l’OMC sur les questions transversales dans les accords commerciaux régionaux

Bonjour à tous. Je suis certain que vous avez passé une journée fructueuse à examiner cette question particulièrement complexe.

Je suis heureux de cette occasion de pouvoir vous parler des ACR et des nombreuses questions transversales qu’ils soulèvent.

Il est clair que les ACR ne sont pas un phénomène nouveau.

En fait, ils ont précédé le système multilatéral car, dans un certain sens, ils ont jeté les bases de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. On peut dire que le GATT incarnait la multilatéralisation du réseau d’accords commerciaux réciproques que les pays s’efforçaient de créer depuis quelques années.

C’est ainsi que le système que nous connaissons aujourd’hui a ses racines dans ces accords - et nous avons toujours autorisé la conclusion de nouveaux accords. Le GATT et aujourd’hui l’OMC ont des règles spécifiques qui les permettent.

Ces initiatives ont donc leur importance: elles coexistent avec le système multilatéral et peuvent le renforcer de façon notable.

Les ACR sont des blocs qui contribuent à mettre en place l’édifice des règles commerciales mondiales et de la libéralisation des échanges.

Mais, bien sûr, les choses ont changé ces dernières années.

Le nombre des ACR s’accroît beaucoup plus vite depuis que l’OMC existe qu’à l’époque du GATT.

Deux cent cinquante-trois ACR actuellement en vigueur ont été notifiés à l’OMC.

Cela équivaut à 24 notifications par an en moyenne depuis la création de notre Organisation, contre 3 en moyenne pendant les années du GATT. C’est un accroissement considérable.

Ces accords ne sont pas seulement plus nombreux: ils sont aussi de plus en plus complexes.

Si plus de 80% des ACR notifiés sont des accords bilatéraux, les accords régionaux faisant intervenir plus de deux pays sont de plus en plus nombreux.

En outre, on compte toujours plus d’accords conclus entre pays de régions différentes plutôt qu’entre voisins. La situation est très différente de ce qu’elle était au temps du GATT.

En outre, les pays en développement qui négocient des ACR sont bien plus nombreux aujourd’hui.

Cette prolifération d’accords, qui ont chacun leur propre ensemble de règles, a été surnommée le "bol de spaghetti" - et il ne fait aucun doute que nous assistons à une augmentation notable du niveau de complexité des accords eux-mêmes ainsi que de leurs interactions.

La plupart des ACR d’aujourd’hui comportent des engagements plus profonds et plus étendus, qui vont au-delà du seul accès aux marchés pour les marchandises.

Des recherches effectuées par le Secrétariat sur la base des ACR notifiés depuis 2000 révèlent ce qui suit:

  • Environ 60% de ces ACR prévoient des engagements portant sur les marchandises et sur les services.
  • Plus de la moitié d’entre eux prévoient des règles concernant les investissements.
  • De même, plus de la moitié des ACR notifiés comportent des dispositions relatives à d’autres domaines comme les marchés publics, la concurrence, les mesures SPS, les OTC, les mesures de défense commerciale et les droits de propriété intellectuelle.
  • Enfin, une plus petite part de ces accords contient des dispositions concernant des domaines tels que les normes environnementales et du travail ou le commerce électronique, qui ne sont pas couverts par l’OMC.

Comment les dispositions des ACR et le système commercial multilatéral peuvent-ils être complémentaires? C’est là une question qu’il faut examiner plus avant.

Les communications qui ont été présentées aujourd’hui tentent de combler ce manque de connaissances.

Ces communications traitent des similitudes et des différences entre les dispositions des ACR et les Accords de l’OMC.

Et, comme vous l’avez vu, il s’agit d’un tableau très contrasté.

Dans certains domaines, comme l’accès aux marchés pour les marchandises et les services, la plupart des ACR accordent à leurs membres des possibilités élargies par rapport à l’OMC.

Dans d’autres domaines, les choses sont moins claires.

Tel est le cas, par exemple, des dispositions des ACR en matière de règles antidumping. En général, les ACR ne semblent pas aller beaucoup plus loin que ce que prévoit l’OMC aujourd’hui.

De même, s’agissant des dispositions relatives aux droits de propriété intellectuelle, près de la moitié de l’ensemble des ACR examinés ne font que réaffirmer des droits qui existent déjà dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC.

Enfin, pour des questions telles que l’investissement, dont traitent certains ACR, il n’existe pas de règles à l’OMC.

De plus, bien que certains ACR comportent des dispositions concernant le règlement des différends, la plupart des mécanismes prévus en la matière sont rarement utilisés. Dans le même temps, le niveau d’activité de l’ORD s’accroît très vite - et un cinquième des différends portés devant l’Organisation fait intervenir des parties qui sont elles-mêmes membres d’un ACR.

L’ouverture de négociations susceptibles d’aboutir au regroupement de plusieurs ACR existants, dans le cadre de négociations dites "mégarégionales", constitue une autre tendance observée ces dernières années.

Ces négociations visent à consolider des relations préférentielles déjà en place, et leur effet potentiel sur le niveau de complexité global appelle des recherches et analyses plus approfondies.

La tendance à négocier de nouveaux ACR se poursuit mais la libéralisation du commerce à l’échelon bilatéral ou régional ne forme qu’une partie du tableau.

Comme je l’ai dit souvent, ces initiatives sont importantes pour le système commercial multilatéral, mais elles ne sauraient le remplacer.

Je mentionnerai quelques éléments à cet égard.

Pour commencer, beaucoup de grandes questions ne peuvent être traitées efficacement à l’échelle multilatérale que dans le cadre de l’OMC.

La facilitation des échanges a été négociée avec succès à l’OMC parce que cela n’a aucun sens, du point de vue économique, de réduire les formalités administratives ou de simplifier les procédures commerciales à la frontière pour un pays ou deux: si on le fait pour un pays, on le fait, en pratique, pour tous.

Et ce n’est pas la seule question intrinsèquement multilatérale.

La réglementation financière ou celle des télécommunications ne peuvent pas être libéralisées efficacement pour un seul partenaire commercial, de sorte qu’il vaut mieux négocier des compromis sur les services au niveau mondial à l’OMC.

De même, les subventions à l’agriculture ou à la pêche ne peuvent être traitées par la voie bilatérale.

Les disciplines sur les mesures correctives commerciales telles que l’application de droits antidumping ou de droits compensateurs ne peuvent guère aller au-delà des règles de l’OMC.

Le fait est que presque aucun des grands problèmes auxquels le commerce mondial est confronté aujourd’hui ne peut être résolu en dehors du système mondial. Il s’agit de problèmes mondiaux qui exigent des solutions mondiales.

Outre la teneur des accords, leur champ d’application géographique est important. Les ACR tendent à exclure les pays les plus petits et les plus vulnérables. C’est là une source majeure de préoccupation.

De plus, alors que nos économies sont de plus en plus étroitement liées au-delà des frontières et des régions, les ACR ne prennent pas et ne peuvent probablement pas prendre pleinement en compte les avantages pouvant découler du commerce par le biais des chaînes de valeur mondiales. De fait, les règles d’origines strictes et spécifiques à des produits, qui accompagnent souvent les ACR, peuvent en pratique être préjudiciables aux chaînes de valeur et, par conséquent, avoir un effet d’exclusion. Plus la taille d’un pays, d’une entreprise ou d’un opérateur commercial est réduite, plus la probabilité d’exclusion augmente.

Autre inquiétude: en instaurant différents ensembles de règles et de réglementations, les ACR peuvent devenir contraignants pour les opérateurs commerciaux et les entreprises. C’est ici que la complexité devient préoccupante pour de nombreux acteurs.

Enfin, bien que ces initiatives montrent que les Membres de l’OMC continuent de libéraliser les échanges, la fragmentation du système commercial ne saurait remplacer les avantages qu’il y a à négocier un même ensemble de règles pour tous.

Dans l’idéal, c’est là-dessus que nous devrions mettre l’accent.

Mais s’il y a une chose que nous devons faire à cet effet, c’est bien d’honorer les engagements dont nous sommes convenus à Bali.

Nous sommes à présent à mi-parcours d’une période d’intenses consultations visant à sortir de l’impasse actuelle sur ce point. Toutefois, à ce stade, nous n’avons pas de solution.

Tant que cette situation persistera, je pense que le risque d’un désengagement grandira de façon exponentielle. Et c’est ce qui ressort de la prolifération de ces "autres approches" que vous avez examinées aujourd’hui.

Dans l’intérêt du système multilatéral, et de tous ceux qui ont à y gagner, je crois que nous devons trouver une solution à nos problèmes actuels et relancer nos travaux ici à l’OMC. Et nous devons le faire vite. Le temps ne joue pas en notre faveur.

Pour conclure, j’espère que la réunion d’aujourd’hui vous a permis d’examiner certaines de ces questions en détail - et vous a donné matière à réfléchir. J’espère aussi que son déroulement a été très interactif.

Comme je l’ai dit, les ACR ne sont pas nouveaux, mais leur nombre et leur étendue s’accroissent à un rythme sans précédent, et il est clair qu’il reste des lacunes considérables à combler dans nos connaissances.

Il est essentiel de noter qu’il n’existe que très peu de données d’information sur les avantages découlant des préférences instaurées dans le cadre des ACR.

Je ne saurais donc trop souligner l’intérêt du Mécanisme de l’OMC pour la transparence des ACR. Je vous félicite pour l’importance de l’information que vous avez fournie. C’est cette information qui permet le type de recherches qui vous ont été présentées aujourd’hui.

Toutefois, cette information n’est pas complète. Un certain nombre d’ACR actuellement en vigueur n’ont pas encore été notifiés. Il nous faut donc combler cette lacune également.

C’est pourquoi je compte vivement sur votre coopération, et espère que vous présenterez les notifications concernant les ACR dans les délais, car cela nous aidera à répondre à ce problème.

C’est ainsi que nous pourrons mieux comprendre l’incidence des ACR: comment ils interagissent, comment ils complètent ou non le système multilatéral, et ce qu’ils signifient pour nous tous.

C’est donc avec un sentiment de gratitude que je me joins à vous aujourd’hui.

Lorsque je me rends dans un pays - et j’en visite beaucoup dans le cadre de mes fonctions - chaque fois que je tiens une conférence de presse ou participe à une manifestation publique, une question récurrente est: "Que signifient les ACR pour le commerce mondial - quelle est leur incidence sur le système multilatéral?"

Il s’agit vraiment d’une question importante. Et je vous suis reconnaissant d’y avoir consacré votre temps aujourd’hui.

Merci de votre attention.

 

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