Cancún, Mexique - 2003

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L’OMC, CANCÚN 2003: NOTES D’INFORMATION

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

La force de l’argument et non l’argument de la force

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Le mandat:

“Nous convenons de négociations sur les améliorations et clarifications à apporter au Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Les négociations devraient être fondées sur les travaux effectués jusqu’ici ainsi que sur toutes propositions additionnelles des Membres, et viser à convenir d’améliorations et de clarifications au plus tard en mai 2003, date à laquelle nous prendrons des mesures pour faire en sorte que les résultats entrent en vigueur ensuite dès que possible.”

— Paragraphe 30 de la Déclaration ministérielle de Doha du 14 novembre 2001

 

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Généralités

Le “Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends” (Mémorandum d’accord) établit les étapes et le calendrier détaillés de la procédure à suivre pour régler les différends opposant les gouvernements Membres. Il a été négocié pendant le Cycle d’Uruguay et constitue un accord juridiquement contraignant qui oblige les gouvernements Membres à régler leurs différends de manière ordonnée et dans un cadre multilatéral. C’est le premier mécanisme de ce type qui permet de régler les différends commerciaux entre gouvernements. Lorsque le Cycle d’Uruguay a pris fin en avril 1994 à la Conférence ministérielle de Marrakech, les Ministres sont convenus que leurs gouvernements procéderaient à un réexamen complet de ce nouveau système d’ici à janvier 1999 et décideraient s’il devait être maintenu, modifié ou supprimé. Au cours du réexamen, plusieurs Membres ont proposé des améliorations et des clarifications pouvant être apportées au Mémorandum d’accord. Toutefois, même après avoir repoussé l’échéance du réexamen à juillet 1999, les Membres ne sont pas parvenus à s’entendre sur une conclusion.

 

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Le mandat de Doha

Le mandat de Doha tient compte des travaux effectués pendant ce réexamen puisqu’il dispose que les négociations devraient être fondées sur les travaux effectués jusqu’ici ainsi que sur toutes propositions additionnelles des Membres et viser à convenir d’améliorations et de clarifications au plus tard en mai 2003. Plus important peut-être, la Déclaration de Doha (paragraphe 47) dispose également que ces négociations ne feront pas partie de l’engagement unique — autrement dit, elles ne seront pas subordonnées à la réussite ou à l’échec des autres négociations prescrites par la Déclaration.

 

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Évolution depuis Doha

Les gouvernements Membres ont été plus nombreux à participer activement à ces négociations qu’ils ne l’ont été pour n’importe laquelle des autres négociations (à l’exception de l’agriculture) prescrites par la Déclaration de Doha, ce qui témoigne du rôle capital que joue le Mémorandum d’accord dans l’ensemble du système commercial multilatéral de l’OMC. Bien plus de 80 Membres ont souscrit à plus de 40 propositions, contenant chacune plusieurs modifications, qui concernaient pratiquement toutes les étapes de la procédure de règlement des différends.

Certaines des modifications proposées concernent des questions d’organisation interne, comme le traitement des affaires qui restent en suspens pendant plusieurs années sans que l’on sache si les parties plaignantes souhaitent y donner suite. Dans ces cas, les pays seraient censés retirer formellement leurs plaintes. D’autres propositions portent sur l’introduction de nouvelles étapes, comme la possibilité de renvoyer l’affaire au groupe spécial initial si une question factuelle qui n’a pas été examinée par le groupe spécial est soulevée pendant l’appel. Plusieurs propositions suggèrent des moyens d’améliorer le traitement spécial et différencié accordé aux pays en développement et aux pays les moins avancés.

La question concernant laquelle les Membres sont probablement le plus largement favorables à des modifications est la question procédurale de la “chronologie”. Elle est liée à un manque de clarté dans le texte du Mémorandum d’accord quant à l’ordre dans lequel deux étapes de la procédure devraient se dérouler lorsqu’un Membre estime qu’un autre ne s’est pas conformé pleinement aux décisions finales.

En revanche, la question sur laquelle les Membres sont probablement le plus fortement divisés est celle de la transparence externe — comment le public pourrait avoir accès aux procédures des groupes spéciaux ou comment il pourrait contribuer à ces procédures moyennant des mémoires d’amici curiae (voir l’explication ci-dessous).

Bien que les Membres aient présenté de nombreuses propositions d’améliorations ou de clarifications, celles-ci reposent sur la conviction, partagée par tous, que le Mémorandum d’accord a globalement bien servi leurs intérêts depuis son entrée en vigueur en janvier 1995. Presque 300 affaires ont été soumises à l’Organe de règlement des différends en moins de neuf ans, et ce contre un total de 300 affaires soumises pendant les 47 ans d’existence de l’ancien GATT.

À ce jour, plus de 40 différends ont été complètement réglés et les décisions juridiques y afférentes pleinement respectées. Presque 70 différends en sont actuellement au stade de l’examen juridique. Dans quelque 70 autres affaires, des consultations bilatérales sont en cours ou, bien souvent, le différend est considéré comme réglé. Ce qui est peut-être encore plus significatif, c’est que bien plus d’une centaine de différends ont été clairement réglés ou désamorcés à la suite des consultations bilatérales. C’est ce caractère quasi juridictionnel — mélange de flexibilité politique et d’intégrité juridique — qui fait de ce système une procédure unique permettant de régler les différends internationaux pacifiquement grâce à la force de l’argument et non à l’argument de la force.

 

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État d’avancement des négociations

Le 16 mai 2003, le président de l’organe chargé des négociations a distribué un projet de texte juridique sous sa propre responsabilité. Le texte reprenait les propositions des Membres sur un certain nombre de questions, y compris le renforcement des droits des tierces parties; l’introduction d’un réexamen intérimaire et d’une procédure de “renvoi” (consistant à renvoyer une affaire à un groupe spécial) au stade de l’appel; la clarification et l’amélioration de l’ordre des procédures pendant la phase de mise en œuvre; l’amélioration de la compensation; le renforcement des prescriptions en matière de notification pour les solutions convenues d’un commun accord; et le renforcement du traitement spécial et différencié pour les pays en développement aux différents stades de la procédure.

Le président a indiqué qu’un certain nombre d’autres propositions de Membres n’avaient pas été incluses dans son texte faute d’un soutien suffisant. Ces propositions concernaient notamment les procédures accélérées pour certains différends; l’amélioration de la procédure de sélection des membres des groupes spéciaux; le renforcement du contrôle des Membres sur les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel; la clarification du traitement des mémoires d’amici curiae; et la modification des procédures de rétorsion, y compris la rétorsion collective ou le renforcement de la surveillance de la rétorsion.

Les Membres ont poursuivi leur examen du texte du président jusqu’à la fin de mai 2003. Certains estimaient que ce texte contenait les éléments essentiels à un accord final; d’autres estimaient qu’il présentait de sérieuses lacunes. Toutefois, tous se sont dits disposés à poursuivre les travaux au-delà du 31 mai 2003 afin de parvenir à un accord.

A sa réunion du 24 juillet 2003, le Conseil général est convenu de prolonger le délai de la Session extraordinaire du 31 mai 2003 au 31 mai 2004.

 

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Quelques termes fréquemment utilisés dans les négociations sur le Mémorandum d’accord

Mise en œuvre (articles 21 et 22 du Mémorandum d’accord) Une fois que l’Organe de règlement des différends a adopté les décisions finales dans une affaire donnée, la partie défenderesse doit les mettre en œuvre en modifiant ou en supprimant totalement la mesure commerciale qui a été jugée illégale.

Délai raisonnable (article 21:3 du Mémorandum d’accord) Si la partie défenderesse ne peut se conformer aux décisions immédiatement, un “délai raisonnable” lui est ménagé pour les mettre en œuvre. Ce délai est mutuellement convenu par les deux parties ou, en l’absence d’un tel accord, est déterminé par arbitrage. L’article 21:3 c) dispose que l’arbitre devrait partir du principe que le délai raisonnable “ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d’adoption du rapport”.

Chronologie (articles 21:5, 22:2 et 22:6 du Mémorandum d’accord) Le terme “chronologie” renvoie aux étapes procédurales et aux délais nécessaires pour remédier à la situation dans laquelle la partie plaignante allègue que la partie défenderesse n’a pas mis les décisions en œuvre.

  • L’article 21:5 dispose que lorsque les deux parties sont en désaccord sur le point de savoir si les décisions ont été mises en œuvre ou non, un groupe spécial examine le différend et remet son rapport dans les 90 jours.
     
  • L’article 22:2 dispose que si la partie défenderesse ne procède pas à la mise en œuvre, la partie plaignante peut demander à l’Organe de règlement des différends l’autorisation de prendre des mesures de rétorsion. L’article 22:6 dispose que, dans un délai de 30 jours à compter de l’expiration du délai raisonnable fixé pour la mise en œuvre, l’Organe de règlement des différends autorise la partie plaignante à prendre des mesures de rétorsion.
     

Il y a donc deux étapes fondamentales assorties de leurs propres délais: un groupe spécial a 90 jours pour examiner si une décision a été mise en œuvre; et l’Organe de règlement des différends a 30 jours pour autoriser la rétorsion. Le texte du Mémorandum d’accord ne précise pas si ces étapes doivent se dérouler l’une après l’autre. Par conséquent, conformément au texte actuel, il apparaît que le délai de 30 jours ménagé à l’Organe de règlement des différends pour autoriser la rétorsion expire avant que le Groupe spécial ait examiné si la partie défenderesse avait procédé ou non à la mise en œuvre.

Détermination de la conformité (article 21:5 du Mémorandum d’accord) L’article 21:5 traite de la situation dans laquelle les deux parties sont en désaccord sur le point de savoir si les décisions ont été mises en œuvre ou non. Il dispose qu’un tel différend “sera réglé suivant les présentes procédures de règlement des différends, y compris, dans tous les cas où cela sera possible, avec recours au groupe spécial initial”, qui dispose de 90 jours pour faire part de ses constatations. Le groupe spécial est appelé “groupe spécial de la mise en conformité” puisqu’il examine si la partie défenderesse s’est conformée aux décisions.

Hormis faire référence aux “présentes procédures de règlement des différends” et fixer un délai de 90 jours au groupe spécial, l’article 21:5 n’établit aucun autre élément ou délai pour déterminer la conformité. Toutefois, les procédures normales établies par le Mémorandum d’accord prévoient également une période de 60 jours pour tenir des consultations, la possibilité de n’établir le groupe spécial qu’à la deuxième réunion de l’Organe de règlement des différends à laquelle la demande est présentée, la possibilité de faire appel des constatations du groupe spécial, et une procédure d’appel durant deux à trois mois, ce qui représente au total plus de 90 jours.

Compensation (articles 3:7, 22:1 et 22:2 du Mémorandum d’accord) Une compensation peut être négociée entre les deux parties à un différend si le défendeur ne se conforme pas aux décisions dans le délai raisonnable fixé pour la mise en œuvre. Toutefois, les articles 3:7 et 22:1 disposent que la compensation est une mesure temporaire en attendant la mise en œuvre pleine et entière. L’article 22:2 fixe un délai de 20 jours à compter de la fin du délai de mise en œuvre pour achever les négociations. Si ces négociations n’aboutissent pas, le plaignant peut demander à l’Organe de règlement des différends l’autorisation de prendre des mesures de rétorsion.

Suspension de concessions ou d’autres obligations (articles 3:7 et 22 du Mémorandum d’accord) Elle est communément désignée par les termes “rétorsion” ou “sanctions”. Une concession est, par exemple, l’engagement juridique pris par un pays importateur de ne pas relever le droit de douane qu’il applique à un produit importé donné au-dessus d’un taux de droit déterminé convenu. La suspension de cette concession signifie que le pays importateur relève le droit de douane. Une obligation est, par exemple, la responsabilité juridique qui incombe à un pays de protéger les droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets et le droit d’auteur, etc. La suspension de cette obligation signifie que le pays n’est plus juridiquement tenu d’accorder cette protection. Conformément au Mémorandum d’accord, la partie plaignante ne devrait recourir à la suspension de concessions ou d’autres obligations qu’en dernier ressort, sous réserve évidemment que l’Organe de règlement des différends l’y autorise (article 3:7), et cette suspension est une mesure temporaire en attendant la mise en œuvre pleine et entière (article 22:1).

Rétorsion croisée (article 22:3 du Mémorandum d’accord) L’expression “rétorsion croisée” n’apparaît pas dans le Mémorandum d’accord mais elle est utilisée pour décrire la situation dans laquelle la partie plaignante prend des mesures de rétorsion (c’est-à-dire suspend des concessions ou d’autres obligations) dans un secteur ou au titre d’un accord concernant lesquels la partie défenderesse n’a commis aucune infraction. Les circonstances dans lesquelles la rétorsion croisée peut être autorisée sont exposées à l’article 22:3 du Mémorandum d’accord. Lorsqu’elle se prépare à demander à l’Organe de règlement des différends l’autorisation de suspendre des concessions ou d’autres obligations (c’est-à-dire de prendre des mesures de rétorsion), la partie plaignante devrait d’abord chercher à prendre ces mesures dans le secteur visé par l’infraction. Si cela n’est pas possible ou efficace, elle peut chercher à prendre des mesures de rétorsion dans un autre secteur mais au titre de l’accord qui a été enfreint. Si cela n’est pas non plus possible ou efficace, elle peut chercher à prendre des mesures de rétorsion au titre d’un autre accord.

Carrousel En ce qui concerne les procédures et disciplines régissant la rétorsion, le Mémorandum d’accord n’impose pas au pays prenant les mesures de rétorsion de communiquer une liste des produits visés. Il n’indique pas non plus si le pays peut modifier cette liste. Le terme “carrousel” fait référence à la possibilité pour le pays de modifier la liste des produits visés quand et comme il le souhaite, tant qu’il ne dépasse pas le niveau de rétorsion autorisé.

Transparence (articles 10, 14, 17:4, 17:10, 18 et paragraphes 2 et 3 de l’Appendice 3 du Mémorandum d’accord) Les procédures de règlement des différends sont confidentielles et seules y participent les principales parties et, le cas échéant, les tierces parties à un différend. La transparence signifie ouvrir le processus de règlement des différends au public (transparence externe) ou aux Membres de l’OMC autres que ceux qui sont déjà parties au différend (transparence interne).

Mémoires d’amici curiae Amicus curiae signifie “ami de la cour” ou “conseiller désintéressé”.

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