DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE ANABEL GONZÁLEZ

Pour en savoir plus

  

Merci beaucoup Doaa et merci beaucoup à tous les excellents orateurs pour leurs commentaires précédents, et pour avoir accepté de rejoindre l'OMC pour cet important débat.

Permettez-moi de commencer par dire que le commerce “licite” et le commerce “illicite” sont les deux faces d'une même pièce.

C'est à dire que tout ce que l'OMC ou la communauté internationale font pour asseoir le commerce sur des bases saines contribue par définition à éliminer le commerce illicite et la fraude.  Rien ne serait “illicite” si nous n'avions pas un point de référence pour ce qui est “licite”. 

En matière de droit commercial, ce point de référence, ce sont les règles de l'OMC et toutes les lois, règles et réglementations commerciales régionales et nationales qui en découlent.  C'est donc le point numéro 1.

Le point numéro 2 est que le corpus de règles de l'OMC comprend une variété d'instruments différents conçus pour permettre aux Membres d'exercer un contrôle sur leurs frontières et de faire appliquer leurs lois commerciales.   Je ne vous donnerai que quelques exemples, car une liste exhaustive risquerait de nous faire perdre des lecteurs!

  • L'OMC dispose d'un Accord sur l'évaluation en douane qui vise une approche équitable, uniforme et neutre de l'évaluation des marchandises à des fins douanières.  Appliqué correctement et de manière cohérente, il permet d'éliminer la fraude.  
  • L'OMC a également conclu un Accord sur l'inspection avant expédition. Les activités d'inspection avant expédition sont toutes les activités en rapport avec la vérification de la qualité, de la quantité, du prix, du taux de change et/ou de la classification douanière des marchandises destinées à être exportées.  Une fois encore, utilisées efficacement, elles peuvent contribuer à éliminer la fraude, la corruption et toute une série d'activités illicites.
  • Les dispositions relatives à l'“évaluation de la conformité” inscrites dans les accords de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les obstacles techniques au commerce revêtent une importance particulière dans le domaine de la sécurité sanitaire des produits alimentaires.  Il s'agit des mesures qui permettent aux gouvernements de vérifier la conformité des produits importés par rapport aux réglementations sur les produits (qui peuvent inclure l'échantillonnage des importations, les tests en laboratoire et d'autres prescriptions de ce type).

Il ne s'agit là que d'un aperçu de l'infrastructure d'application inscrite dans les règles de l'OMC que je viens d'évoquer.

Le point numéro 3 est peut-être moins évident.  Chaque fois que l'OMC prend des mesures pour libéraliser le commerce, elle réduit les “incitations”à la fraude.   Permettez-moi de prendre un exemple ancien et bien connu de beaucoup d'entre vous, celui de la prohibition au début du siècle dernier. La prohibition aux États-Unis était une interdiction constitutionnelle à l'échelle de la nation frappant la production, l'importation, le transport et la vente de boissons alcoolisées de 1920 à 1933.  À la suite de cette interdiction, des bandes criminelles ont pris le contrôle de l'approvisionnement en bière et en alcool de nombreuses villes, ce qui a finalement conduit à l'abrogation de la prohibition.

Bien sûr, il existe de nombreuses raisons éthiques et morales légitimes pour interdire divers produits et je ne remets nullement cela en question; et le respect des coutumes et traditions locales est bien sûr essentiel.

Ce que je veux dire, cependant, c'est que les restrictions poussent au contournement des règles; elles font du contournement une activité lucrative.   Cela vaut aussi bien pour les droits de douane élevés que pour tous les autres types de restrictions ou les environnements réglementaires excessivement complexes.

Les droits de douane élevés à l'importation et à l'exportation dans certains pays sont connus pour avoir encouragé la contrebande de certains aliments et alcools. Les dispositions relatives à la distribution et à l'octroi de licences d'importation, les normes onéreuses de réglementation des produits et l'absence de normes uniformes en matière de sécurité sanitaire des aliments et de commerce sont autant d'éléments qui tendent à créer des opportunités incitant des criminels à mener des activités illégales dans le domaine agroalimentaire.

Par conséquent, dans une perspective globale, il serait important d'être conscient que l'ouverture du commerce est en soi l'une de nos principales armes dans la lutte contre le commerce illégal.  Il faut évidemment garder à l'esprit que l'application correcte des contrôles, règles et réglementations aux frontières restera toujours nécessaire. 

Les négociations sur l'agriculture en cours à l'OMC visent précisément à réduire les droits de douane parfois astronomiques (appelés “pics tarifaires” dans notre jargon) et les subventions qui non seulement faussent les échanges, mais sont également propices à toute une série d'activités illicites et de fraudes.

Plus tard au cours du webinaire…

Encore une fois, merci Doaa et merci à nos intervenants pour la richesse des informations qu'ils nous ont fournies.

Doaa, dans ma première réponse, j'ai essayé de présenter dans les grandes lignes le rôle de l'OMC en matière de commerce illicite. Ce que je voudrais maintenant faire, c'est zoomer sur les “crimes alimentaires” plus spécifiquement, comme vous me l'avez demandé.

D'après ce que j'ai entendu au cours de ce webinaire de la part des éminents orateurs qui nous accompagnent, et d'après ce que nous savons, à l'OMC, de la criminalité alimentaire, celle-ci peut être classée dans les catégories suivantes:

  • Dilution d'ingrédients
  • Substitution d'ingrédients
  • Dissimulation du contenu réel du produit
  • Inclusion d'améliorations non approuvées
  • Étiquetage erroné ou trompeur
  • Contrefaçon et donc atteinte à la marque de commerce; et enfin
  • Vol et détournement sur le marché gris

Tout ce qui précède s'applique aux denrées alimentaires, mais s'appliquerait également au domaine complexe des produits agrochimiques mentionnés dans ce dialogue.

J'ai déjà fait référence à deux accords clés de l'OMC dans les domaines de la sécurité sanitaire des produits alimentaires et de la protection des consommateurs.  Il s'agit de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce. La sécurité sanitaire des produits alimentaires relève entièrement de l'accord SPS. Cet accord permet aux gouvernements de réglementer les importations de denrées alimentaires sur la base de données scientifiques et de techniques d'évaluation des risques, et leur permet également de garantir la conformité des importations avec les règles et réglementations nationales.  L'un de ses principaux axes est d'encourager les gouvernements à adhérer aux normes internationales (telles que celles du Codex et d'autres organismes internationaux de normalisation), et à participer activement à l'élaboration de ces normes internationales lorsqu'elles n'existent pas. 

Par conséquent, la dilution, la substitution, la dissimulation et les améliorations non approuvées peuvent toutes être combattues grâce à l'environnement réglementaire que l'Accord SPS autorise et encourage les Membres de l'OMC à mettre en place.

L'Accord sur les obstacles techniques au commerce, quant à lui, traite spécifiquement de la prévention des pratiques trompeuses et s'attaque à l'étiquetage des produits.  Il permet aux gouvernements de réglementer l'étiquetage, ce qui leur donne un instrument essentiel pour lutter contre les étiquettes fausses ou trompeuses sur les produits alimentaires.

L'OMC dispose également d'un Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC dans notre jargon).  Cet accord permet aux Membres de l'OMC de protéger le contenu de la propriété intellectuelle des produits qu'ils commercialisent, y compris les noms de marque, et leur donne les outils juridiques nécessaires pour lutter contre les infractions.  Là encore, il s'agit d'un outil essentiel pour lutter contre les contrefaçons de produits alimentaires ou agrochimiques.

Quant au vol et au détournement sur le marché gris, comme je l'ai dit plus tôt dans ce Dialogue, plus les Membres de l'OMC réussiront à ouvrir le commerce, moins il y aura d'incitations au vol ou au détournement.  Je m'en voudrais également de ne pas mentionner l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges, qui a été créé pour réduire les formalités administratives aux frontières, lesquelles peuvent parfois s'avérer plus coûteuses que les droits de douane réels.   Cet accord aussi, s'il était correctement appliqué, réduirait la fraude et la corruption qui se cachent souvent dans les complexités réglementaires.   La complexité réglementaire permet à la fraude de se camoufler, si vous voulez.

Les négociations en cours au sein de l'OMC portent sur toute une série de sujets différents, certains anciens comme l'agriculture (mais toujours extrêmement pertinents, bien sûr) et d'autres nouveaux (comme le commerce électronique et la facilitation de l'investissement, comme vous l'avez mentionné Doaa).   Je le répète, toute ouverture commerciale, qu'elle concerne un domaine ancien ou nouveau, nous aide à faire un pas en avant dans la lutte contre le commerce illicite.  Le commerce électronique et, plus généralement, la numérisation, s'ils sont correctement utilisés, peuvent éliminer de manière significative la fraude et le commerce illicite en supprimant les intermédiaires.  Des processus et des modes de commerce plus simples et plus propres peuvent également rendre le commerce lui-même plus propre, avec des garanties appropriées bien sûr.

Sur ce, permettez-moi de conclure et de répondre aux questions du public.

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