Notes d'information pour la CM12

La réforme de l'OMC — tour d'horizon

La question de la réforme de l'OMC est vaste et englobe de nombreux aspects des travaux de l'Organisation. Le débat à ce sujet n'a rien de nouveau. Depuis la création de l'OMC, les Membres ont réfléchi à la manière dont elle pourrait être améliorée et devenir mieux à même de relever les défis auxquels est confronté le système commercial multilatéral. Cela étant, la pression en faveur de la réforme de l'OMC s'est accentuée ces dernières années, reflétant les quatre préoccupations générales exposées ci-après.

Préoccupations générales

  1. Les difficultés que les Membres de l'OMC connaissent pour instaurer, négocier et conclure des accords commerciaux, tant pour les questions en suspens que pour les nouvelles questions.
  2. La nécessité de renforcer les travaux des organes permanents et des comités de l'OMC et les disciplines en matière de notification et de transparence au titre des Accords existants.
  3. La question de savoir si les économies émergentes plus avancées de l'OMC devraient contracter des obligations plus importantes dans le cadre des Accords de l'OMC, le cas échéant dans quelle mesure, et si les dispositions existantes en matière de traitement spécial et différencié pour les pays en développement et les moins avancés sont suffisantes ou efficaces.
  4. L'amélioration du fonctionnement du système de règlement des différends de l'OMC et la résolution des quatre années d'impasse concernant la désignation de nouveaux membres de l'Organe d'appel.

Communications

Plus de 30 communications ont été présentées par des Membres de l'OMC ou, souvent, par des groupes de Membres de l'OMC qui examinent la question de la réforme de l'OMC, soit horizontalement soit sur certains sujets spécifiques. L'un des premiers instigateurs de la réforme de l'OMC a été le Groupe des 20 plus grandes économies (G-20). À leur sommet de Buenos Aires, fin 2018, les dirigeants du G-20 ont publié une communication dans laquelle ils ont déclaré ce qui suit: "[p]our l'instant, le système n'atteint pas ses objectifs et des améliorations pourraient être apportées". Au cours des sommets suivants, ils ont réaffirmé qu'ils soutenaient la réforme de l'OMC en vue d'améliorer ses fonctions et se sont engagés à travailler de manière constructive avec d'autres Membres de l'OMC sur la question, y compris dans la période qui précède la douzième Conférence ministérielle (CM12).

À ce jour, les communications concernant la réforme de l'OMC ont été examinées aux réunions ordinaires du Conseil général ainsi que dans les différents conseils et comités où des propositions portant sur des domaines spécifiques ont été présentées. D'après un projet de document final pour la CM12 distribué le 9 juin, le Conseil général de l'OMC serait chargé de superviser les travaux concernant la réforme de l'OMC après la CM12 et d'examiner les progrès accomplis ainsi que les décisions à soumettre à la treizième Conférence ministérielle.

Consultations

Dans les observations qu'il a faites à une réunion du Conseil général en juillet 2021, le Président du Conseil général, l'Ambassadeur Dacio Castillo (Honduras), a fait savoir qu'à l'occasion de ses consultations à ce sujet avec les Membres, plusieurs délégations ont déclaré que la question de la réforme de l'OMC devait être abordée à la CM12 et être reflétée dans un document final. En outre, il a relevé que certaines délégations ont évoqué la suggestion tendant à ce que soit créé un groupe de travail sur la réforme de l'OMC, chargé d'examiner les questions pertinentes, y compris, mais sans s'y limiter, la fonction de négociation de l'OMC, les notifications et le suivi et un certain nombre d'améliorations institutionnelles.

Au mois d'octobre suivant, la Directrice générale, Ngozi Okonjo-Iweala, a informé le Conseil général qu'il ressortait des discussions entre les Membres clés de l'OMC et des groupes de Membres que ceux-ci étaient disposés à s'atteler à ces réformes mais que des différences subsistaient quant à ce qu'est et ce que devrait être une réforme. Elle a indiqué que les Membres doivent déterminer ce qu'implique la réforme des fonctions fondamentales de l'OMC et quelles procédures doivent être mises en place.

Lors d'une réunion informelle du CNC/des Chefs de délégation le 4 mai, le Président du Conseil général l'Ambassadeur Didier Chambovey (Suisse) a dit que les délégations reconnaissaient la nécessité d'avancer davantage et de régler les questions qui restaient en suspens dans un projet de document final pour la CM12 de l'année précédente, y compris sur la question de la réforme de l'OMC. La Directrice générale a également exhorté les Membres à faire porter leurs efforts sur un processus allant de l'avant pour mener à bien la réforme de l'OMC et a dit que, au minimum, les Membres devraient convenir d'un tel processus à la CM12, en vue de fournir des résultats pour la treizième Conférence ministérielle.

Règlement des différends/Organe d'appel

À ce jour, le règlement des différends est au centre de l'action en faveur de la réforme de l'OMC, déclenchée par la crise relative à l'avenir de l'Organe d'appel. En août 2017, les États-Unis ont déclaré qu'ils n'accepteraient pas de lancer les processus de sélection visant à pourvoir des postes vacants à l'Organe d'appel tant que leurs préoccupations d'ordre systémique concernant le système de règlement des différends de l'OMC n'étaient pas traitées.(1)

Certains Membres de l'OMC ont exprimé les mêmes préoccupations que les États-Unis et nombre de Membres de l'OMC se sont dits prêts à examiner cette question, mais, de l'avis de presque tous, la réponse à ce problème et la sélection de nouveaux membres de l'Organe d'appel ne devraient pas être liées.

À des réunions de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, plus de 120 Membres ont lancé un appel conjoint à débuter immédiatement le processus de sélection; une bonne part de ces Membres a tenu à faire savoir que l'impasse dans laquelle se trouvait toujours la désignation de nouveaux membres de l'Organe d'appel, en plus de nuire au système de règlement des différends de l'OMC dans son ensemble et à la crédibilité de l'OMC en soi, privait tous les Membres de l'OMC de leur droit légal à un processus de règlement des différends contraignant et en deux étapes, qui est un pilier fondamental du système de l'OMC.

En vue de sortir de l'impasse, le Président du Conseil général Junichi Ihara (Japon) a désigné l'Ambassadeur David Walker (Nouvelle-Zélande) en janvier 2019 pour l'aider à collaborer avec les Membres de l'OMC en vue de surmonter leurs divergences. En décembre 2019, au terme d'une année de consultations informelles avec les Membres, l'Ambassadeur a présenté aux Membres un projet de décision sur le fonctionnement de l'Organe d'appel, sur la base de contributions reçues pendant le processus informel. Néanmoins, la décision n'a pas fait consensus, les États-Unis ayant fait part de leur objection.

Compte tenu de la position des États-Unis concernant les procédures de désignation et de reconduction de membres de l'Organe d'appel et l'expiration des mandats des membres de l'Organe d'appel, depuis décembre 2019, cet organe n'est plus en mesure d'examiner les nouveaux appels ni ceux en cours. Pour l'heure, plus de 20 décisions des groupes spéciaux ont fait l'objet d'un appel formé "dans le vide", ce qui veut dire que l'achèvement de ces procédures de règlement des différends est impossible tant que de nouveaux membres de l'Organe d'appel ne sont pas désignés. En outre, toutes les futures décisions des groupes spéciaux risquent de faire l'objet d'un appel "dans le vide" à moins qu'une solution à l'impasse ne soit trouvée.

Pour sortir de cette impasse, un groupe de 24 Membres plus l'Union européenne ont établi un "Arrangement multipartite concernant une procédure d'appel provisoire" (AMPA), au titre duquel une décision de groupe spécial dans un différend auquel les deux parties sont des participants à l'AMPA peut être examinée par des arbitres indépendants qui interviennent conformément aux dispositions relatives à l'arbitrage des différends au titre de l'article 25 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends de l'OMC. Jusqu'à présent, les arbitres de l'AMPA n'ont publié aucune décision, bien que les parties à plusieurs différends aient convenu de recourir à ces procédures si un différend approche de la phase d'appel. Dans un différend, les deux parties sont convenues de procédures d'appel séparées au titre des dispositions relatives à l'arbitrage de l'article 25 du Mémorandum d'accord.

Renforcement des disciplines et des procédures

Transparence et notification

En ce qui concerne les nouvelles lois, réglementations et mesures relatives au commerce, les Membres de l'OMC sont soumis à des prescriptions en matière de notification au titre de nombreux Accords de l'OMC. Certains Membres ont exprimé des préoccupations dans les différents conseils et comités de l'OMC au sujet de ce qu'ils désignent comme le faible niveau "chronique" de respect des prescriptions existantes en matière de notification, qui altère la capacité des Membres de l'OMC d'examiner et d'évaluer les politiques des Membres et de négocier de nouvelles règles. Ces préoccupations sont particulièrement aiguës en ce qui concerne les notifications des subventions agricoles et des subventions à l'industrie.

Par conséquent, plusieurs Membres ont présenté des propositions pour améliorer le respect des prescriptions en matière de notification. Dix-neuf Membres de l'OMC plus l'Union européenne ont approuvé une proposition qui appelle à mieux faire respecter les obligations de notification par les Membres, et à aider les Membres en développement qui peinent à respecter leurs obligations en matière de notification. Une proposition révisée soutenue par 23 Membres plus l'UE a été distribuée le 28 avril 2022.

Plusieurs pays en développement et pays les moins avancés se sont opposés à l'initiative, en faisant valoir que c'était davantage faute de capacité que de volonté politique que les Membres les plus pauvres ne respectaient pas pleinement leurs obligations de notification et que la proposition donnerait lieu à de nouvelles obligations en matière de communication d'informations qui n'étaient pas établies dans le cadre des Accords de l'OMC. Le Groupe africain, Cuba, l'Inde et Oman ont présenté une communication dans laquelle ils expriment leurs propres préoccupations concernant les obligations en matière de transparence relatives aux domaines de préoccupation des pays en développement, telles que les mesures destinées à promouvoir et à encourager le transfert de technologies vers les pays les moins avancés (PMA).

Statut de pays en développement et traitement spécial et différencié

Plusieurs Membres de l'OMC ont remis en question la pratique "d'autodésignation" en vigueur à l'OMC, au titre de laquelle un Membre peut déclarer s'il est un pays en développement ou non. Les pays en développement bénéficient de dispositions relatives à un traitement spécial et différencié (TSD), telles que des périodes de mises en œuvre plus longues pour respecter les engagements à l'égard de l'OMC, une marge de flexibilité en ce qui concerne les engagements, les mesures et l'utilisation des instruments de politique et l'accès à l'assistance technique. Plus des deux tiers des Membres de l'OMC se sont autodésignés comme des pays en développement ou sont classés comme des PMA conformément aux critères établis par l'ONU.

En janvier 2019, les États-Unis ont présenté un document dans lequel ils dénoncent la pratique d'autodésignation. Le pays a présenté ultérieurement une proposition qui appelle à interdire à tous les membres de l'OCDE et du G-20 et à tous les Membres classés dans la catégorie des pays à "revenu élevé" par la Banque mondiale de s'autodésigner pays en développement.

Plusieurs Membres développés se sont dits favorables à un réexamen du statut de pays en développement autodéclaré, mais un certain nombre de pays en développement ont acerbement critiqué l'initiative. La Chine, l'Inde et d'autres pays ont publié un  document conjoint indiquant qu'il apparaissait que l'écart entre les Membres développés et les Membres en développement s'était creusé au fil du temps, ce qui justifiait la nécessité persistante de TSD. En outre, ces Membres avancent que toute tentative visant à affaiblir le TSD en refusant l'autodéclaration serait contraire aux principes fondamentaux d'équité et de justice de l'OMC.

Dans une déclaration ultérieure  publiée en octobre 2019, le Groupe africain de Membres de l'OMC, la Chine, l'Inde et plusieurs autres pays ont réaffirmé les principes suivants: les droits inconditionnels des pays en développement au TSD doivent perdurer dans les règles et les négociations de l'OMC; le droit à l'autodésignation; les dispositions existantes en matière de TSD doivent être maintenues; et le TSD doit être prévu dans les négociations actuelles et futures.

En avril 2019, un groupe plus restreint de Membres développés et en développement a publié une communication de compromis, dans laquelle il défend une approche créative et efficace des flexibilités du TSD qui répondent aux besoins de développement des Membres et leur permet une participation plus complète et contribuerait en même temps à un équilibre approprié des droits et obligations parmi les Membres de l'OMC.

En février 2022, le Groupe africain, l'Inde et Cuba ont fait distribuer une communication sur le renforcement de l'OMC pour promouvoir le développement et l'inclusivité. Les proposants ont dit que les priorités dans la réforme de l'OMC devaient inclure, entre autres choses, le renforcement du caractère multilatéral de l'Organisation, la réaffirmation des principes du TSD et le maintien du développement au cœur de l'Organisation.

Redynamiser la fonction de négociation et la capacité de débattre de l'OMC

Un groupe de 13 Membres de l'OMC ont publié une  déclaration conjointe  pour appeler à redynamiser la fonction de négociation de l'OMC afin que l'Organisation reste pertinente. Ces membres du "Groupe d'Ottawa" ont cité en particulier la nécessité de protéger et de renforcer le mécanisme de règlement des différends de l'OMC en tant que pierre d'assise de l'OMC, la mise à jour des règles de l'OMC pour tenir compte des réalités du XXIe siècle, la résolution des problèmes économiques et commerciaux modernes, ainsi que des affaires inachevées et en suspens. Le groupe a déclaré qu'il faudra peut-être pour cela adopter des approches de négociation souples et ouvertes afin d'obtenir des résultats multilatéraux et a accueilli favorablement les travaux entrepris dans le cadre de la déclaration commune de la onzième Conférence ministérielle de Buenos Aires.

Le Groupe d'Ottawa a publié ultérieurement une déclaration conjointe pour annoncer son intention d'entamer des consultations avec tous les Membres intéressés pour élaborer des propositions collectives sur une base transversale, comité par comité afin d'améliorer les fonctions de délibération et de surveillance de l'OMC et de résoudre les problèmes commerciaux sans litige.

Vingt Membres de l'OMC ont séparément proposé  de renforcer la capacité des conseils et des comités ordinaires de l'OMC de faciliter l'examen efficace de ces préoccupations commerciales en les dotant de lignes directrices en matière de procédures horizontales et en établissant des dispositions simplifiées concernant les réunions.

Communications générales

Le groupe des PMA Membres de l'OMC a mis en avant ses vues concernant les discussions et propositions concernant la réforme de l'OMC dans une communication de décembre 2019. Le Groupe des PMA a déclaré que la réforme de l'OMC devrait tenir pleinement compte des nombreuses contraintes de capacité des PMA Membres et faire en sorte que les processus de négociation et les processus décisionnels fondés sur le consensus soient inclusifs. Une version révisée de la proposition a été distribuée le 28 avril 2022 avec des observations mises à jour en raison de nouvelles évolutions et de la pandémie de COVID-19. En outre, le Groupe africain a distribué une Déclaration sur les questions liées à l'OMC adoptée par les Ministres du commerce de l'Union africaine en décembre 2018.

En parallèle, la Chine et le Canada ont chacun distribué des notes de synthèse sur la réforme de l'OMC. La Chine a évoqué la nécessité de prendre des mesures spécifiques pour résoudre les problèmes cruciaux et urgents qui menacent l'existence de l'OMC, d'accroître la pertinence de l'Organisation en termes de gouvernance économique mondiale et d'améliorer son efficacité opérationnelle. Le Canada a appelé à renforcer la fonction de délibération des conseils et comités de l'OMC, en mettant l'accent sur l'amélioration de l'échange de renseignements sur les mesures intérieures et leurs effets, de la capacité et de la possibilité de débattre et des mécanismes et des possibilités qui existent pour ce qui est de traiter les préoccupations commerciales spécifiques.

Résultats de la CM12

Pour la première fois, les Membres de l'OMC sont convenus d'entreprendre un examen complet des fonctions de l'Organisation pour faire en sorte qu'elle soit en mesure de répondre plus efficacement aux défis que doit relever le système commercial multilatéral. Le 17 juin, à la douzième Conférence ministérielle, les Ministres ont adopté un Document final de la CM12 qui porte sur la voie à suivre en ce qui concerne la réforme de l'OMC et sur l'engagement de mettre en place un système de règlement des différends pleinement opérationnel et qui fonctionne bien pour 2024.

S'agissant de la réforme de l'OMC, les Ministres sont convenus de faire face aux défis que l'OMC rencontre, et de garantir le bon fonctionnement de l'Organisation. Ils se sont engagés à œuvrer à la réforme nécessaire de l'OMC dans le but d'améliorer l'ensemble de ses fonctions. Les travaux seront effectués par l'entremise du Conseil général de l'Organisation et de ses organes subsidiaires et les décisions seront soumises à l'examen de la prochaine Conférence ministérielle.

S'agissant du règlement des différends, les Ministres ont reconnu qu'il était important et urgent de répondre aux défis et aux préoccupations concernant le système de règlement des différends, y compris ceux qui ont trait à l'Organe d'appel, et d'engager des discussions en vue de disposer d'un système de règlement des différends pleinement opérationnel et qui fonctionne bien accessible à tous les Membres pour 2024.

Notes:

  1. Les préoccupations d'ordre systémique des États-Unis sont détaillées dans le Rapport sur l'Organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce, publié en février 2020 par le Bureau du Représentant des États-Unis pour les questions commerciales internationales. Retour au texte

Partager


Vidéo

Des problèmes pour visualiser cette page?
Veuillez écrire à [email protected] en indiquant le système d’exploitation et le navigateur que vous utilisez.