Cliquer ici pour retourner aux "questions commerciales"
AGRICULTURE: ANALYSE

Soutien interne

Les règles et engagements actuels concernant l'agriculture sont souvent désignés par l'expression “programme de réforme du Cycle d'Uruguay” — ils ont été négociés pendant le Cycle d'Uruguay et englobent des réductions des subventions et de la protection, ainsi que d'autres disciplines régissant les échanges.

haut de page

Cadre conceptuel

Les négociations du Cycle d'Uruguay sur l'agriculture ont radicalement modifié la façon dont le soutien interne en faveur des producteurs agricoles était traité dans le cadre du GATT de 1947. L'un des grands objectifs était de réduire le soutien interne et de l'assujettir à des disciplines tout en laissant aux gouvernements une marge de manœuvre importante pour élaborer des politiques agricoles qui tiennent compte de la grande diversité des circonstances propres à chaque pays et à chaque secteur agricole, et qui y répondent. L'approche convenue vise aussi à garantir que les mesures de soutien interne ne nuisent pas aux engagements contraignants spécifiques contractés en matière d'accès aux marchés et de concurrence à l'exportation.

La principale considération d'ordre conceptuel est le fait qu'il existe en substance deux catégories de soutien interne – d'une part, le soutien dont les effets de distorsion des échanges sont nuls, ou minimes (que l'on qualifie souvent de mesures de la “catégorie verte”), et, d'autre part, le soutien qui a des effets de distorsion des échanges (que l'on qualifie souvent de mesures de la “catégorie orange”). Par exemple, les services de recherche ou de formation qui sont assurés par les pouvoirs publics dans le secteur agricole appartiennent à la première catégorie de soutien alors que les achats effectués par les pouvoirs publics à un prix garanti (“soutien des prix du marché”) relèvent de la seconde. En vertu de l'Accord sur l'agriculture, toutes les mesures de soutien interne en faveur des producteurs agricoles sont assujetties à des règles. En outre, et sous réserve de certaines exceptions, la valeur monétaire globale des mesures de la catégorie orange fait l'objet d'engagements de réduction, spécifiés dans la liste de chacun des Membres de l'OMC qui accordent un tel soutien.

 

haut de page

Catégorie verte

L'Accord sur l'agriculture énonce un certain nombre de critères généraux et de critères concernant spécifiquement des mesures qui, lorsqu'il y est satisfait, permettent de classer les mesures dans la catégorie verte (Annexe 2). Ces mesures sont exemptées des engagements de réduction et, en fait, leur valeur peut même être relevée sans aucune limite financière dans le cadre de l'OMC. Les pays Membres tant développés qu'en développement peuvent maintenir des mesures de la catégorie verte mais, dans le cas des pays en développement, un traitement spécial est prévu pour les programmes gouvernementaux de détention de stocks à des fins de sécurité alimentaire et l'offre de produits alimentaires à des prix subventionnés visant à répondre aux besoins des populations pauvres des zones urbaines et rurales. De façon générale, les mesures doivent avoir des effets de distorsion des échanges nuls ou, au plus, minimes. Elles doivent relever d'un programme public financé par des fonds publics (y compris des recettes publiques sacrifiées) n'impliquant pas de transferts de la part des consommateurs et ne doivent pas avoir pour effet d'apporter un soutien des prix aux producteurs.

Programmes de services publics

Les mesures de la catégorie verte englobent de nombreux programmes de services publics, y compris les services de caractère général fournis par les pouvoirs publics, les programmes de détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire et l'aide alimentaire intérieure – pour autant que chaque mesure concernée satisfait au critère général et à certains autres critères la concernant spécifiquement. Grâce à la catégorie verte, il est donc possible de maintenir (et d'améliorer) des programmes tels que la recherche, y compris la recherche de caractère général, la recherche liée aux programmes de protection de l'environnement, et les programmes de recherche se rapportant à des produits particuliers; la lutte contre les parasites et les maladies, y compris les mesures générales et les mesures par produit; les services d'inspection, y compris les services de caractère général et l'inspection de produits particuliers pour des raisons de santé, de sécurité, de contrôle de la qualité ou de normalisation; les services de commercialisation et de promotion; les services d'infrastructure, y compris les réseaux électriques, les routes et autres moyens de transport, les marchés et les installations portuaires, les systèmes d'alimentation en eau, etc.; les dépenses en rapport avec la formation et la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire; et les dépenses en rapport avec la fourniture d'une aide alimentaire intérieure à des segments de la population qui sont dans le besoin. Bon nombre des programmes publics réguliers reçoivent donc le “feu vert” et peuvent être maintenus.

Versements directs aux producteurs

La catégorie verte permet aussi de verser directement des sommes aux producteurs lorsque ces versements ne sont pas liés à des décisions de production; en d'autres termes, même si le producteur reçoit un versement des pouvoirs publics, ce paiement n'influe pas sur le type ou le volume de la production agricole (“découplage”). Pour qu'une mesure puisse relever de la catégorie verte, il ne doit y avoir aucun lien entre, d'une part, le montant de ces versements et, d'autre part, la production, les prix ou les facteurs de production au cours d'une année suivant une période de base préétablie. En outre, il n'est pas nécessaire de produire pour bénéficier de ces versements. Les critères additionnels auxquels il faut satisfaire dépendent du type de mesures visées, lesquelles peuvent comprendre des mesures de soutien du revenu découplé; des programmes de garantie des revenus et des dispositifs de sécurité pour les revenus; une aide en cas de catastrophe naturelle; une série de programmes d'aide à l'ajustement structurel; et certains versements au titre de programmes de protection de l'environnement et de programmes d'aide régionale.

 

haut de page

Autres mesures exemptées

Outre les mesures relevant de la catégorie verte, deux types de mesures de soutien interne sont exemptés des engagements de réduction en vertu de l'Accord sur l'agriculture (article 6). Il s'agit de certaines mesures de développement des pays en développement et de certains versements directs au titre de programmes de limitation de la production. De plus, les niveaux de soutien dits de minimis sont exemptés des engagements de réduction.

Mesures de développement

Mis à part le traitement spécial et différencié au titre de la catégorie verte, on retrouve parmi les mesures d'aide relevant de la catégorie des mesures de développement les mesures d'aide, directe ou indirecte, prises pour encourager le développement agricole et rural qui font partie intégrante des programmes de développement des pays en développement. Elles comprennent les subventions à l'investissement qui sont généralement disponibles pour l'agriculture dans les pays en développement Membres, les subventions aux intrants agricoles qui sont généralement disponibles pour les producteurs qui, dans les pays en développement Membres, ont de faibles revenus ou sont dotés de ressources limitées, et le soutien interne aux producteurs des pays en développement Membres destiné à encourager le remplacement des cultures de plantes narcotiques illicites.

Catégorie bleue

Les versements directs au titre de programmes de limitation de la production (souvent qualifiés de mesures de la “catégorie bleue”) sont exemptés des engagements s'ils sont fondés sur des superficies et des rendements fixes ou pour un nombre de têtes de bétail fixe. Ils relèvent aussi de cette catégorie s'ils sont effectués pour 85 pour cent ou moins du niveau de base de la production pendant une période de base définie. Si les mesures de la catégorie verte englobent les versements effectués au titre du soutien du revenu découplé, les mesures de la catégorie bleue peuvent être considérées comme étant partiellement découplées – ces versements sont subordonnés à une production, mais leur montant effectif n'est pas directement lié au volume réel de cette production.

Clause de minimis

Toutes les mesures de soutien interne en faveur des producteurs agricoles qui ne relèvent d'aucune des catégories de mesures exemptées susmentionnées sont soumises à des engagements de réduction. Cette catégorie de soutien interne englobe des politiques telles que les mesures de soutien des prix du marché, les subventions directes à la production ou les subventions aux intrants. Toutefois, en vertu des dispositions de l'Accord de minimis, il n'y a pas obligation de réduire le soutien interne qui a des effets de distorsion des échanges au cours d'une année où la valeur globale du soutien par produit n'excède pas 5 pour cent de la valeur totale de la production du produit agricole visé. En outre, le soutien autre que par produit qui est inférieur à 5 pour cent de la valeur totale de la production agricole est aussi exempté de l'engagement de réduction. Le seuil de 5 pour cent s'applique aux pays développés; pour les pays en développement, le plafond de minimis est de 10 pour cent.

 

haut de page

Engagements de réduction

Vingt-huit Membres (la CE comptant pour un) accordaient un soutien interne non exempté pendant la période de base et ont donc inscrit des engagements de réduction dans leurs listes. Les engagements de réduction sont exprimés au moyen de la “Mesure globale du soutien totale” (MGS totale) qui regroupe en un seul chiffre toutes les mesures de soutien par produit et autres que par produit. Les Membres ayant une MGS totale doivent réduire le soutien accordé pendant la période de base de 20 pour cent sur six ans (pays développés Membres) ou de 13 pour cent sur dix ans (pays en développement Membres). La valeur de la MGS totale courante des mesures non exemptées ne doit pendant aucune année de la période de mise en œuvre excéder la limite de la MGS totale inscrite dans la liste pour cette année-là. Autrement dit, les niveaux plafonds d'un tel soutien sont consolidés dans le cadre de l'OMC.

En ce qui concerne les Membres n'ayant pas inscrit d'engagements de réduction dans leur liste, tout soutien interne ne relevant d'aucune catégorie de mesures exemptées (voir ci-dessus) doit rester dans les limites des niveaux de minimis pertinents “par produit” et “autres que par produit”.

Mesure globale du soutien

Les mesures de soutien des prix sont le type de politique le plus important de la catégorie des mesures non exemptées. Il est possible de fournir un soutien des prix sous forme de prix administrés (supposant des transferts de la part des consommateurs) ou de certains types de versements directs des pouvoirs publics. Aux fins du calcul de la MGS totale courante, le soutien des prix est généralement obtenu en multipliant l'écart entre le prix administré appliqué et un prix de référence extérieur fixe spécifié (“prix du marché mondial”) par la quantité produite pouvant bénéficier du prix administré appliqué. Les détails du calcul sont précisés aux Annexes 3 et 4 de l'Accord sur l'agriculture et sont également incorporés dans les listes des Membres au moyen de renvois aux données explicatives. Pour chaque produit, la subvention implicite que représentent les mesures de soutien des prix est ajoutée aux autres subventions par produit – par exemple une subvention aux engrais par produit – pour donner une MGS par produit qui est ensuite comparée au seuil de minimis applicable. Les subventions autres que par produit sont calculées séparément et, comme dans le cas qui précède, elles sont incluses dans la MGS totale courante uniquement si elles excèdent le niveau de minimis pertinent. L'exemple présenté dans l' encadré 1 décrit le calcul de la MGS totale courante pour un pays développé (seuil de minimis de 5 pour cent) pendant l'année Y.

Encadré 1 — Calcul de la MGS totale courante
Membre X (pays développé), année Y

Blé:
> Prix d'intervention du blé = $255 la tonne
> Prix de référence extérieur fixe (cours mondial) = $110 la tonne
> Production intérieure de blé = 2,000,000 de tonnes
> Valeur de la production de blé = $510,000,000
> MGS pour le blé (MGS 1)
   
($255–$110) x 2,000,000 de tonnes = $290,000,000
(Niveau de minimis =$25,500,000)

Orge:
> Versements compensatoires pour l'orge = $3,000,000
> Valeur de la production d'orge = $100,000,000
> MGS pour l'orge (MGS 2) = $3,000,000
(Niveau de minimis = $5,000,000)

Graines oléagineuses:
> Versements compensatoires pour les graines oléagineuses = $13,000,000
> Subvention de l'engrais = $1,000,000
> Valeur de la production de graines oléagineuses = $250,000,000
> MGS pour les graines oléagineuses (MGS 3) = $14,000,000
(Niveau de minimis = $12,500,000)

Soutien autre que par produit:
> Bonification d'intérêts généralement disponible = $ 4,000,000
Valeur de la production agricole totale = $860,000,000
> MGS autre que par produit (MGS 4) = $4,000,000
Niveau de minimis=$43,000,000

MGS Totale courante (MGS 1 + MGS 3) = $304,000,000 



Mesure équivalente du soutien

Lorsqu'il n'est pas possible de calculer une MGS par produit comme le prévoit l'Accord, on peut établir une “Mesure équivalente du soutien” (MES). La MES est généralement calculée sur la base des dépenses budgétaires — à savoir les sommes consacrées par les pouvoirs publics au soutien d'un produit, par exemple, plutôt que le soutien du prix du marché calculé par rapport à un prix de référence extérieur fixe. Comme la MGS, la MES est comparée au niveau de minimis et, si elle excède ce niveau, elle est incluse dans la MGS totale courante.

 

haut de page

Obligations de notification

Tous les Membres doivent notifier au Comité de l'agriculture la portée de leurs mesures de soutien interne. Pour ce faire, ils doivent dresser une liste de toutes les mesures qui relèvent des catégories exemptées: catégorie verte, mesures de développement, versements directs au titre de programmes de limitation de la production (catégorie bleue) et niveau de soutien de minimis. En outre, si l'existence de mesures le nécessite, les Membres qui ont inscrit des engagements de réduction du soutien interne dans leur liste doivent calculer leur MGS et notifier la MGS totale courante. Si un Membre n'ayant pas inscrit de tels engagements de réduction dans sa liste applique des mesures de soutien qui ne relèvent pas d'une des catégories exemptées, il doit adresser une notification indiquant que ce soutien non exempté se situe dans les limites des niveaux de minimis pertinents. Le Comité de l'agriculture a établi des modèles spéciaux pour faciliter le respect des obligations de notification.

La prescription de notification est annuelle, sauf en ce qui concerne les pays les moins avancés Membres qui ne sont tenus de présenter des notifications qu'une fois tous les deux ans. Les pays en développement Membres peuvent également demander au Comité à être dispensés de la prescription de notification annuelle pour les mesures autres que celles qui relèvent de la catégorie verte, des mesures de développement ou de la catégorie bleue.

Outre les obligations de notification annuelle, tous les Membres doivent notifier toute modification apportée à des mesures existantes qui relèvent des catégories exemptées ainsi que toute nouvelle mesure de ce genre. Ces notifications sont elles aussi régulièrement examinées par le Comité de l'agriculture.

Comme la plupart des Membres n'appliquent pas d'autres mesures de soutien interne que celles qui relèvent des catégories exemptées, dans bon nombre de cas, les obligations de notification annuelle ne sont pas lourdes. Elles sont cependant efficaces en ce sens qu'elles sont à la base des débats sur les politiques qui se tiennent au Comité de l'agriculture et elles remplissent un objectif utile au niveau national car elles permettent aux pouvoirs publics de continuer de contrôler le soutien qu'ils fournissent à leur secteur agricole.

< Précédente    Suivante >