TradeMark East Africa
Éliminer les obstacles au commerce au niveau panafricain
David Beer est Directeur général de TradeMark East Africa (TMEA), un organisme d'Aide pour le commerce créé en 2010 dans le but de promouvoir la prospérité en Afrique de l'Est par un accroissement des échanges. Il explique le rôle de TMEA dans la région et les enseignements qu'il a tirés des efforts déployés pour réduire les obstacles au commerce.
David Beer est Directeur général de TradeMark East Africa (TMEA)
Quel est le rôle de TMEA dans le renforcement de la capacité des pays les moins avancés (PMA) africains à faire du commerce?
L'important potentiel de croissance de l'Afrique se trouve limité par la faiblesse des volume d'échanges, sur le continent mais aussi en ce qui concerne les exportations africaines. Les problèmes d'infrastructures commerciales, l'absence d'alignement des environnements réglementaires sur les exigences des marchés d'exportation ainsi que les obstacles non tarifaires (ONT) donnent du fil à retordre aux exportateurs, ce qui se traduit par une prédominance des produits primaires dans le portefeuille d'exportations et par de nombreuses occasions manquées pour stimuler le commerce intra-africain. L'élimination de ces obstacles permettrait non seulement d'accroître la part du continent dans le commerce mondial, mais aussi de sortir des millions de personnes de la pauvreté. C'est ce qui a guidé l'action de TMEA en Afrique de l'Est, dans la Corne de l'Afrique et en Afrique australe au cours de la dernière décennie.
En collaboration avec les gouvernements régionaux, les communautés économiques régionales et d'autres partenaires de développement, nous avons contribué à moderniser les infrastructures, à mettre en place des systèmes numériques pour accélérer le commerce des services, à harmoniser les normes et les protocoles commerciaux et à faciliter un dialogue entre les pouvoirs publics et le secteur privé permettant de traiter les questions émergentes et de soutenir la réforme de la politique commerciale dans le but d'accroître les échanges.
TradeMark a obtenu des résultats substantiels en ce qui concerne la réduction des coûts et des délais du commerce transfrontalier. Dans le cadre de l'établissement des postes frontière à guichet unique que nous avons soutenu, le temps nécessaire pour franchir les frontières a diminué de 70% en moyenne. Dans les ports de Mombasa et de Dar es-Salaam, le délai été réduit de moitié.
Le dialogue avec le secteur privé a été crucial, en particulier pour réduire les ONT. Par exemple, en 2021, nous avons aidé la communauté des entreprises de l'Afrique de l'Est à collaborer avec le gouvernement kényan pour accroître la capacité d'analyse des aflatoxines pour les céréales à la frontière avec l'Ouganda. Cela a permis de réduire les retards, les pertes après récolte et les coûts d'exploitation pour les entreprises; selon la Banque centrale de l'Ouganda, le pays aurait pu perdre 121 millions de dollars EU de recettes annuelles si les difficultés avaient persisté.
"Avec la survenue de crises comme celles provoquées par les phénomènes météorologiques extrêmes, la COVID-19 et les prix élevés des produits de base, les personnes vulnérables peuvent facilement être laissées pour compte."
Quels sont les enseignements tirés?
Nous avons tiré de nombreux enseignements des efforts déployés en vue d'obtenir des réductions substantielles des obstacles au commerce, mais j'en citerai trois:
- Premièrement, une approche internationale est indispensable. Pour être efficaces, les efforts de facilitation des échanges doivent par nature être déployés au-delà des frontières, mais aussi entre les pays et les communautés économiques régionales et entre les communautés économiques régionales elles-mêmes. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) offrira un outil supplémentaire d'une importance capitale pour y parvenir.
- Deuxièmement, nous sommes fermement convaincus qu'une approche intégrée est la seule façon d'obtenir des résultats. Cela signifie qu'il faut veiller à ce que tous les éléments concourant à la réussite de la facilitation des échanges soient déployés conjointement: les infrastructures matérielles; les systèmes numériques; les normes et autres protocoles; la liaison entre les pouvoirs publics et le secteur privé; et des politiques commerciales efficaces.
- Enfin, rien n'est possible sans engagement politique. La réussite de la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE) ces 15 dernières années reposait avant tout sur la forte volonté de ses dirigeants respectifs. Il en a résulté une incitation forte à dépasser les intérêts individuels au sein des institutions et à résoudre de manière proactive les problèmes entre les pays.
Quel sera le rôle futur de TMEA dans l'intégration commerciale de l'Afrique?
L'exemple de la CAE prouve que le soutien intégré peut entraîner des gains importants dans le domaine du commerce. La ZLECAf offre l'occasion d'accroître et d'étendre encore ces gains, en rassemblant 55 États membres de l'Union africaine qui représentent ensemble une population de 1,3 milliard d'habitants. TradeMark appuie la mise en œuvre de la ZLECAf au sein des communautés économiques régionales, et entre elles, en aidant le secrétariat à mettre en œuvre sa vision. TradeMark aide aussi les Membres au niveau national et met en place des installations pour le commerce et des systèmes numériques transfrontières.
En outre, du fait des évolutions mondiales, la facilitation des échanges doit, à l'avenir, consister à aider le continent à s'adapter rapidement aux changements d'habitudes des consommateurs et de leurs préférences quant à la façon dont les marchandises sont produites et transportées. Elle doit aussi aider l'Afrique à devenir un pionnier dans le développement des exportations vertes et à adopter des infrastructures résilientes face au changement climatique. Nous envisageons de réunir des partenaires autour d'un programme de corridor vert d'un montant de 210 millions de dollars EU, qui réduira les émissions de gaz à effet de serre dans les corridors commerciaux tout en contribuant à préserver l'avenir économique du continent.
Enfin, le commerce inclusif est essentiel. En Afrique de l'Est, environ 70% du commerce informel est assuré par des femmes. Avec la pandémie de COVID-19, jusqu'à 93% de ce commerce s'est arrêté quasiment du jour au lendemain. Comme nous l'avons déjà vu, avec la survenue de crises comme celles provoquées par les phénomènes météorologiques extrêmes, la COVID-19 et les prix élevés des produits de base, les personnes vulnérables peuvent facilement être laissées pour compte. La facilitation des échanges doit donc faire en sorte que tous les segments de l'économie soient couverts. L'une des initiatives dont nous sommes le plus fier est notre programme d'urgence pour un commerce sûr, qui a contribué à relancer rapidement le commerce tant informel que formel en favorisant un commerce sûr conforme aux exigences de santé publique.
Contribution de TradeMark East Africa