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LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE: OMS-OMPI-OMC

Chapitre 4: Technologies médicales: problématique de l'accès

C. Déterminants de l'accès liés à la propriété intellectuelle

Points essentiels             

  • La simple existence de droits de propriété intellectuelle (DPI) sur un produit n'est pas un obstacle pour accéder à ce produit, ni l'absence de tels droits une garantie d'accès. L'incidence des DPI sur l'accès aux technologies médicales dépend de la manière dont ces droits sont réglementés au niveau national et gérés par leur titulaire.
  • Les Membres de l'OMC disposent d'une flexibilité pour concevoir leur système national de propriété intellectuelle dans le cadre des normes minimales fixées par l'Accord sur les ADPIC, compte tenu de leurs objectifs en matière d'économie, de développement et autres, y compris dans le domaine de la santé publique.
  • La définition des critères de brevetabilité et leur application pratique peuvent avoir une incidence considérable sur l'accès aux technologies médicales.
  • Les procédures d'examen de fond et d'opposition peuvent contribuer à remédier au problème des brevets délivrés par erreur. Cela a des conséquences sur l'entrée des produits génériques sur le marché.
  • L'exception pour l'examen réglementaire permet aux concurrents potentiels de mener à bien le processus d'autorisation de mise sur le marché pendant la durée du brevet, afin que des médicaments génériques puissent entrer sur le marché dès l'expiration du brevet.
  • Les Membres de l'OMC sont libres de déterminer les motifs pour lesquels des licences obligatoires sont accordées. Ces motifs peuvent inclure l'intérêt public en général et ne se limitent pas aux situations d'urgence en matière de santé publique.
  • Les licences obligatoires et les autorisations d'utilisation par les pouvoirs publics ont été utilisées pour importer des médicaments génériques meilleur marché ou pour les produire au niveau local.
  • En 2003, les Membres de l'OMC sont convenus d'introduire une nouvelle flexibilité dans l'Accord sur les ADPIC. Cette flexibilité, connue sous le nom de système prévu au paragraphe 6, est destinée à élargir l'accès aux médicaments en supprimant un obstacle potentiel pour les pays qui ont besoin d'importer des médicaments.
  • Les raisons pour lesquelles le système prévu au paragraphe 6 est peu utilisé sont encore en cours d'examen, mais ce système pourrait être utilisé plus largement à l'avenir, par exemple après l'adoption du régime de brevets sur les produits par d'importants pays exportateurs potentiels, ou dans le cas d'une pandémie ou d'un autre événement menaçant la sécurité sanitaire, situation dans laquelle des traitements efficaces pourraient être brevetés dans tous les grands pays fournisseurs.
  • Au titre de l'Accord sur les ADPIC, les Membres de l'OMC sont libres de déterminer leur régime d'épuisement des droits. Un régime international d'épuisement des droits permet l'importation parallèle de produits médicaux brevetés.
  • Certains pays autorisent la prolongation de la durée des brevets à la demande du titulaire pour compenser les retards dus, entre autres, à la réglementation. Des avis divergents ont été exprimés au sujet de l'incidence de ces prolongations sur la santé publique.
  • Les entreprises ont de plus en plus recours à des licences volontaires dans le cadre de leur programme de responsabilité sociale, notamment dans le domaine du VIH/SIDA. Cette tendance s'est accentuée avec la création du Medicines Patent Pool.
  • Les dispositions des accords de libre‑échange (ALE) qui visent le plus fréquemment le secteur pharmaceutique sont la définition des critères de brevetabilité, la prolongation de la durée de validité des brevets, la protection des données d'essais, le lien entre l'homologation et les brevets, et les moyens de faire respecter les DPI, y compris les mesures à la frontière. Ces dispositions peuvent retarder l'entrée des génériques sur le marché et augmenter les prix des médicaments.

La présente section porte sur les facteurs liés à la propriété intellectuelle qui déterminent l'amélioration de l'accès. Inspirée de la présentation générale faite, au chapitre II, section B.1, du système et de la politique de la propriété intellectuelle, elle traite de leur incidence sur l'accès aux technologies médicales. En revanche, le chapitre III, section D, examine le système de la propriété intellectuelle du point de vue de l'innovation.

Le droit de la propriété intellectuelle et son application pratique interagissent de manière complexe avec l'accès aux technologies médicales. Un produit médical fini, par exemple, combine généralement de nombreux intrants et innovations, dont certains peuvent être protégés par des DPI, éventuellement détenus par des parties différentes. La simple existence d'un DPI ne peut créer un obstacle à un produit ou à une technologie protégés, mais son absence ne garantit pas non plus l'accès à ce produit ou à cette technologie. La question dépend beaucoup de la manière dont la législation nationale applicable réglemente l'acquisition des DPI, leur maintien et les moyens de les faire respecter, de la manière dont elle est appliquée en pratique, des cas dans lesquels des DPI sont demandés, de la période pendant laquelle les DPI sont exercés, de l'identité des titulaires de DPI et de la manière dont ils choisissent d'exercer – ou de ne pas exercer – leurs droits.

Le régime international actuel de la propriété intellectuelle – tel qu'il est défini par l'Accord sur les ADPIC, les traités respectifs de l'OMPI et plusieurs accords régionaux – établit des normes minimales de protection de la propriété intellectuelle. Mais il laisse aux pays la responsabilité de concevoir leurs systèmes nationaux de propriété intellectuelle dans les limites de cette législation internationale, en tenant compte aussi de différentes considérations telles que leur niveau de développement social, économique et culturel ainsi que des intérêts et besoins spécifiques, y compris dans le domaine de la santé publique. Les options dont les Membres disposent au titre de l'Accord sur les ADPIC, entre autres dans le domaine de la politique publique, sont couramment désignées sous le nom de "flexibilités". Le présent chapitre énonce et classe ces flexibilités et les autres facteurs liés à la propriété intellectuelle qui déterminent l'accès lors des stades antérieurs et postérieurs à la délivrance des brevets.

1. Déterminants de l'accès avant la délivrance des brevets

Les questions qui se posent avant la délivrance des brevets sont essentiellement de savoir ce qui est considéré comme objet brevetable, ce qui est expressément exclu de la brevetabilité et comment les critères spécifiques de brevetabilité sont définis et appliqués par les offices des brevets. Les règles relatives à la brevetabilité et la manière dont elles sont appliquées en pratique déterminent en dernier ressort les limites du droit d'exclure autrui de l'utilisation des inventions protégées et peuvent donc avoir une incidence considérable (mais pas toujours décisive) sur l'accès à ces technologies. Les brevets délivrés par erreur, qui peuvent constituer un obstacle à l'accès et éventuellement à la poursuite des recherches, ne sont pas dans l'intérêt public. Le chapitre II, section B.1 b) iii), donne des explications détaillées sur les critères de brevetabilité (objet brevetable, nouveauté, activité inventive/évidence, applicabilité/utilité industrielle et divulgation). La présente section, quoique non exhaustive, analyse plusieurs questions qui se rapportent à l'accès aux technologies médicales. Les questions relatives à la délivrance de brevets pour les première et deuxième indications médicales de produits connus sont étudiées au chapitre III, section D.3 b).

(a) Méthodes diagnostiques, chirurgicales ou thérapeutiques pour le traitement des personnes ou des animaux

Les méthodes diagnostiques, chirurgicales ou thérapeutiques pour le traitement des personnes ou des animaux sont souvent exclues de la brevetabilité (conformément à l'exclusion facultative prévue à l'article 27:3 a) de l'Accord sur les ADPIC). Dans le cas où elle est prévue, cette exclusion repose généralement sur le fait qu'un médecin devrait être libre d'appliquer la méthode de traitement qui convient le mieux au patient sans avoir à obtenir l'accord du titulaire d'un brevet. Un jugement rendu au Royaume‑Uni explique que la raison de cette exclusion est "simplement d'empêcher que le droit des brevets interfère directement avec ce que le médecin fait concrètement au patient".1Certaines lois stipulent expressément que cette exclusion ne s'applique pas aux appareils et produits (tels que les dispositifs médicaux) utilisables à des fins diagnostiques, chirurgicales ou thérapeutiques. Dans certains pays, les inventions relatives aux méthodes diagnostiques, chirurgicales ou thérapeutiques pour le traitement des personnes ou des animaux ne sont pas brevetables parce qu'elles ne sont pas considérées comme répondant à l'exigence d'applicabilité industrielle.2Dans d'autres, les brevets relatifs à ces méthodes de traitement médical ne sont pas exécutoires.

(b) Examen et enregistrement des brevets

Du point de vue de l'accès aux technologies médicales, il est important de connaître les changements généralement effectués au cours de la procédure d'examen et de délivrance des brevets, et donc de faire clairement la différence entre les revendications formulées dans la demande de brevet publiée et celles qui figurent dans le brevet tel qu'il est délivré. Rien ne garantit qu'une demande aboutira à un brevet, et les revendications figurant dans le brevet délivré seront peut‑être beaucoup plus restreintes que celles qui étaient formulées à l'origine. Seules les revendications acceptées déterminent la portée juridique du droit (pour les directives concernant l'examen des brevets de produits pharmaceutiques, voir l'encadré 4.12).

Encadré 4.12 Directives concernant l'examen des brevets de produits pharmaceutiques: développer une perspective de santé publique 

Pour soutenir le travail des examinateurs et faire aussi en sorte que tous les critères de brevetabilité soient remplis, de nombreux offices des brevets ont élaboré des directives en matière de recherche et d'examen qui décrivent en détail l'application du droit des brevets dans des circonstances particulières. L'OMPI a publié une liste de liens vers les directives établies par une série d'offices des brevets.3Par ailleurs, à l'issue de consultations avec les administrations chargées de la recherche internationale et de l'examen préliminaire international selon le Traité de coopération en matière de brevets (PCT), le Bureau international de l'OMPI a publié les Directives concernant la recherche internationale et l'examen préliminaire international selon le PCT.4

Le Centre international de commerce et de développement durable (CICDD), l'OMS et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) ont publié des projets de directives concernant l'examen des brevets de produits pharmaceutiques. Ces textes ont pour objet de contribuer à améliorer la transparence et l'efficacité de l'examen de la brevetabilité des inventions pharmaceutiques, notamment dans les pays en développement (CICDD/CNUCED/OMS, 2007).

Pour obtenir des renseignements sur la délivrance d'un brevet, sa validité et la portée de la protection qu'il confère, il faut examiner le brevet lui‑même et son statut juridique, y compris la question de savoir s'il a été modifié ou corrigé ou s'il a expiré en raison du non‑paiement des taxes de maintien en vigueur. Cela doit être fait pour chaque juridiction, car il peut y avoir des variations considérables. Il se peut en outre que certaines revendications aient été rejetées par un office des brevets, mais acceptées par un autre. Ces variations touchant la portée des brevets au sein d'une famille de brevets ont surtout tendance à se rencontrer entre les juridictions qui prévoient un examen de fond et celles qui ne prévoient qu'un enregistrement – reportant, le cas échéant, à une procédure judiciaire ultérieure la question de la portée ou de la validité du brevet.

(c) Qualité des brevets

Des erreurs peuvent se produire dans la délivrance et l'administration des brevets. Elles peuvent être lourdes de conséquences pour les titulaires de droits, les tiers et l'administration chargée des brevets. Pour s'assurer que les procédures en matière de brevets respectent les normes requises et aboutissent à des résultats de qualité, de nombreux offices des brevets à travers le monde ont mis en place des mesures de gestion de la qualité. Ces systèmes mesurent les résultats afin de promouvoir des normes de qualité plus élevées et de favoriser la poursuite des améliorations touchant les régimes de brevets.

Les mesures de gestion de la qualité comportent certains principes généraux: l'office doit se faire une idée précise de ses fonctions et se doter des ressources nécessaires (personnel, locaux, équipements et formation) pour remplir ces fonctions d'une manière efficace; les procédures doivent s'appuyer sur des documents établis de façon satisfaisante et il faudrait prévoir des mécanismes de communication d'informations en retour (tant internes que pour assurer la communication avec les clients) pour mettre les problèmes et les possibilités en évidence de façon à pouvoir améliorer les procédures et, ainsi, éviter le retour des problèmes; les responsabilités du personnel devraient être clairement précisées et, dans toute la mesure possible, les objectifs devraient être mesurables, et des examens complets de la qualité devraient être effectués régulièrement.5Par exemple, au niveau international, l'Approche commune quant à la qualité de la recherche internationale et de l'examen préliminaire international figurant au chapitre 21 des Directives concernant la recherche internationale et l'examen préliminaire international selon le PCT indique que les administrations chargées de la recherche internationale en vertu du PCT doivent établir des systèmes de gestion de la qualité offrant certaines caractéristiques importantes pour assurer une recherche et un examen efficaces conformément aux exigences du PCT. Les rapports sur la qualité sont publiés sur un site Web spécifique.6Au Comité permanent du droit des brevets de l'OMPI, les États membres examinent actuellement la question de la qualité des brevets.7

2. Procédures d'examen avant et après la délivrance des brevets

En fonction des règles nationales, les tiers ont souvent la possibilité de faire opposition à un brevet, soit avant, soit après sa délivrance, ou de déposer des observations durant la procédure d'examen. L'Inde, par exemple, a un système d'opposition avant et après la délivrance. La nature des procédures d'examen et d'opposition a une incidence sur les types d'inventions qui sont finalement brevetées et peut donc être décisive pour l'entrée rapide des producteurs de génériques sur le marché.

Les procédures d'opposition sont destinées à éviter la délivrance de brevets pour des inventions revendiquées qui ne satisfont pas aux exigences de brevetabilité. Un opposant pourra, par exemple, soumettre des documents sur l'état de la technique montrant que les principales caractéristiques de l'invention revendiquée ont déjà été divulguées publiquement.8Les procédures d'opposition sont donc un outil qui peut contribuer à améliorer la qualité des brevets et la sécurité juridique. Les oppositions sont cependant peu nombreuses et tendent à concerner des brevets commercialement importants. Ainsi, en 2009, l'Office européen des brevets (OEB) a fait état d'un taux de procédures d'opposition de 5,2%.9

Certains pays ont un mécanisme qui permet de réexaminer les demandes de brevet ou les brevets en fonction d'un nouvel état de la technique. Dans les pays où une demande de brevet est publiée avant la délivrance du brevet, les tiers peuvent analyser l'invention revendiquée avant que l'office des brevets prenne sa décision. Dans certains de ces pays, les tiers peuvent présenter des documents sur l'état de la technique se rapportant à la brevetabilité de l'invention revendiquée sans participer à la procédure ultérieure.

De même, de nombreuses lois sur les brevets permettent à des tiers de contester une décision de délivrer un brevet prise par l'office des brevets dans un certain délai devant un organe de réexamen administratif tel que la commission de recours d'un office des brevets.

Les brevets délivrés par erreur peuvent retarder l'entrée de versions génériques sur le marché, ce qui a un effet défavorable sur l'accès aux médicaments. Ils peuvent aussi poser des problèmes de lien entre commercialisation et brevets, par exemple lorsque l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament est lié à sa situation en matière de brevets. L'organisme de réglementation peut refuser d'autoriser des produits génériques sur la base de l'existence de brevets qui n'auraient pas dû être délivrés.

Le Rapport d'enquête de la Commission européenne sur le secteur pharmaceutique souligne l'importance des procédures d'opposition dans le domaine pharmaceutique. Le taux d'opposition devant l'OEB est beaucoup plus élevé pour le secteur pharmaceutique que pour celui de la chimie organique. Les fabricants de génériques se sont presque exclusivement opposés à des brevets secondaires (c'est‑à‑dire des brevets portant sur des améliorations ou des aspects connexes d'un médicament par opposition à la molécule de base elle‑même), alors que leur position a prévalu dans près de 60% des décisions finales rendues par l'OEB (chambres de recours incluses) sur la période 2000‑2007. Dans 15 autres cas sur 100, la portée du brevet principal a été restreinte. Ces procédures ont duré plus de deux ans en moyenne. Selon le rapport, les litiges peuvent être considérés comme un moyen efficace de créer des obstacles pour les fabricants de génériques.10Toute révocation ou limitation d'un brevet secondaire peut avoir des effets considérables sur la sécurité juridique relative à la validité des brevets.

Dans une procédure d'opposition, la majorité des parties intéressées sont des entreprises rivales, mais il peut aussi y avoir, entre autres, des associations de patients, des groupes de défense de la santé publique et des particuliers. Comme exemple d'une contestation soulevée par un rival commercial, l'Office indien des brevets a reconnu en 2009 le bien‑fondé d'une opposition avant délivrance déposée par un fabricant de médicaments génériques au sujet d'une demande de brevet pour l'adéfovir dipivoxil cristallin, qui sert à traiter l'hépatite B. Il a été décidé que l'invention revendiquée ne comportait pas d'activité inventive, et la demande de brevet a été rejetée.11

3. Déterminants de l'accès après la délivrance des brevets

Plusieurs déterminants importants de l'accès aux technologies médicales ont trait à la gestion des droits conférés par un brevet après sa délivrance. Parmi eux figurent l'exception pour l'examen réglementaire, les licences obligatoires et l'utilisation par les pouvoirs publics, les importations parallèles et les moyens de faire respecter les DPI. À propos de la gestion des droits par leurs titulaires, la présente section analyse également les accords de licence récents dans le domaine du VIH/SIDA.

(a) Exceptions et limitations aux droits conférés par les brevets

La présente section décrit certaines exceptions et limitations aux droits conférés par les brevets qui préservent l'accès aux technologies médicales. Les exceptions pour l'examen réglementaire, les licences obligatoires et l'utilisation par les pouvoirs publics ont un effet direct sur l'accès aux produits médicaux et sont examinées ci‑dessous, tandis que les exceptions pour la recherche concernent l'innovation et sont donc examinées au chapitre III, section D.4 b).

(i) Exception pour l'examen réglementaire (exception "Bolar")

Durant le processus d'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, le déposant doit fournir un premier lot du produit qui peut être considéré comme portant atteinte à un brevet connexe. Comme l'homologation peut prendre plusieurs années, l'impossibilité d'utiliser entre‑temps l'invention brevetée avant l'expiration du brevet retarderait l'entrée de versions génériques sur le marché.

L'exception pour l'examen réglementaire atténue cette situation en autorisant généralement toute personne à utiliser l'invention brevetée pendant la durée du brevet sans le consentement de son titulaire en vue d'élaborer les renseignements nécessaires pour obtenir l'autorisation de mise sur le marché.12Cette exception favorise ainsi l'entrée de concurrents sur le marché dès la fin de la durée du brevet et constitue donc un moyen spécifiquement destiné à assurer un accès rapide aux médicaments génériques.

Le Groupe spécial de l'OMC chargé de l'affaire Canada – Brevets pour les produits pharmaceutiques en 2000 a constaté que l'exception pour l'examen réglementaire était admise par l'article 30 de l'Accord sur les ADPIC, qui autorise des exceptions limitées aux droits conférés par un brevet, sous réserve de certaines conditions.13Selon un rapport de l'OMPI de 2010, 48 pays prévoient cette exception.14Le rapport décrit les différentes approches utilisées par les pays pour appliquer cet instrument important dans le cadre des lois sur les brevets. Les pays développés aussi bien que les pays en développement tendent à suivre le modèle canadien, dont l'autorisation au titre des règles de l'OMC a été confirmée. L'exception s'applique aux activités visant à obtenir des approbations pour des produits en vertu de procédures réglementaires étrangères aussi bien que nationales. D'autres pays considèrent que leur exception générale pour la recherche est suffisamment large pour couvrir l'utilisation d'un brevet aux fins de l'examen réglementaire, et certaines lois le formulent expressément.

La portée de l'exception pour l'examen réglementaire varie selon les pays. Dans certains pays, elle s'applique à tout produit breveté exigeant un examen réglementaire; dans d'autres, elle ne s'applique qu'aux produits pharmaceutiques ou médicinaux. Dans certains pays, elle s'applique à toutes les demandes d'autorisation de mise sur le marché; dans d'autres, elle ne s'applique qu'à certains types de demandes telles que celles basées sur des données de bioéquivalence. Dans certains pays, elle ne s'applique qu'à l'examen réglementaire dans le pays où le concurrent utilisera l'invention brevetée pour établir sa demande; dans d'autres, elle s'applique à l'examen réglementaire dans un pays quelconque. Le champ des activités visées peut varier, par exemple en ce qui concerne l'utilisation expérimentale autre qu'à des fins d'examen réglementaire.

(ii) Concession de licences obligatoires et utilisation par les pouvoirs publics

La concession de licences obligatoires permet d'exploiter un brevet pendant sa durée sans le consentement du titulaire, mais avec l'autorisation des autorités nationales compétentes. Cette autorisation peut être accordée à un tiers ou, dans le cas de l'utilisation par les pouvoirs publics, à un organisme gouvernemental ou à un tiers autorisé à agir pour le compte des pouvoirs publics. L'expression "licence obligatoire" est souvent utilisée pour désigner ces deux formes d'autorisation, bien qu'il puisse y avoir des distinctions importantes sur le plan opérationnel.

Licences obligatoires

Certains des motifs pour lesquels une licence obligatoire peut être accordée sont mentionnés à l'article 5A de la Convention de Paris (par exemple l'exercice abusif des droits conférés par un brevet, y compris le fait que le titulaire du brevet n'exploite pas l'invention) et à l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC (par exemple les situations d'urgence nationale et l'utilisation publique à des fins non commerciales). Mais cette liste n'est pas exhaustive. La Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique (étudiée ci‑après) a confirmé ce qui était déjà implicite dans l'Accord, à savoir que les Membres ont la liberté de déterminer les motifs pour lesquels des licences sont accordées. Ces motifs ne se limitent donc pas aux situations d'urgence, comme on le pense parfois à tort. Divers motifs sont énoncés dans les lois nationales. La plupart d'entre eux peuvent être groupés comme suit:

  • Non‑exploitation ou exploitation insuffisante: Dans de nombreux pays, lorsque le titulaire d'un brevet n'exploite pas celui‑ci dans la juridiction nationale ou l'exploite de façon insuffisante, une licence obligatoire peut être accordée, pour autant que toutes les autres conditions soient remplies. Certaines lois nationales stipulent simplement que si le titulaire d'un brevet n'exploite pas l'invention ou ne l'exploite pas suffisamment sans justification légitime, un tiers peut demander une licence obligatoire. Dans certains pays, la loi contient des dispositions détaillées qui précisent les circonstances applicables. Ces précisions portent, par exemple, sur les types d'activités du titulaire du brevet considérés comme "exploitation", notamment la question de savoir si l'importation de l'invention brevetée est considérée ou non comme une "exploitation" dans le pays15et les situations dans lesquelles l'exploitation par le titulaire n'est pas jugée "suffisante".
  • Pratiques anticoncurrentielles: Dans certains pays, la loi sur les brevets contient des dispositions spécifiques qui autorisent la concession d'une licence obligatoire pour remédier à une pratique anticoncurrentielle de la part du titulaire du brevet. Dans certains pays tels que les États‑Unis, l'utilisation de licences pour remédier à des problèmes de concurrence n'est pas réglementée par la loi sur les brevets ni par d'autres lois sur la propriété intellectuelle, mais de telles licences peuvent être accordées à l'issue d'une procédure engagée au titre des lois générales sur la concurrence (antitrust).
  • Intérêt public: De nombreux pays autorisent la concession de licences obligatoires pour des motifs d'intérêt public, sans définir plus avant cette expression. D'autres mentionnent des motifs précis, notamment les situations d'urgence nationale et les circonstances d'extrême urgence, la sécurité nationale et la santé publique en général. Toutefois, l'existence d'une situation d'urgence nationale ou d'extrême urgence n'est pas une condition préalable à l'octroi d'une licence obligatoire au titre de l'Accord sur les ADPIC. L'intérêt public peut aussi être une situation dans laquelle le produit breveté n'est pas disponible, de sorte que les besoins raisonnables du public ne sont pas satisfaits. Dans certains cas, la loi mentionne des situations plus spécifiques en matière de santé, par exemple l'octroi d'une licence obligatoire sur un brevet relatif à une méthode diagnostique ou à un instrument de recherche biotechnologique. De tels motifs sont mentionnés, par exemple, en France et au Maroc. En vertu des dispositions relatives à la licence d'office dans l'intérêt de la santé publique, le ministre de la santé peut demander l'octroi d'une licence obligatoire si le produit ou la méthode sont mis à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisante ou à des prix anormalement élevés.16
  • Brevets dépendants ou bloquants: De nombreux pays prévoient la possibilité de demander une licence obligatoire dans le cas où un brevet (second brevet ou "brevet dépendant") ne peut pas être exploité sans porter atteinte à un autre brevet (premier brevet ou "brevet bloquant"). Aux termes de l'article 31 l) de l'Accord sur les ADPIC, de telles licences obligatoires ne peuvent être accordées que si la seconde invention suppose un progrès technique important, d'un intérêt économique considérable et si, dans le cas où une licence obligatoire est accordée au titulaire d'un second brevet (dépendant) pour l'utilisation d'un premier brevet (bloquant), le titulaire du premier brevet a également droit à une licence réciproque pour utiliser l'invention revendiquée dans le second brevet.

Utilisation par les pouvoirs publics

Un certain nombre de lois nationales donnent expressément le droit aux pouvoirs publics ou à un tiers autorisé par ceux‑ci d'utiliser une invention brevetée sans l'autorisation du titulaire du brevet. Les motifs peuvent varier, mais ils ont généralement à voir avec des objectifs de politique publique tels que la sécurité nationale ou la santé. Une autorisation spécifique peut être nécessaire pour utiliser une technologie brevetée, ou le système juridique peut limiter la portée des mesures correctives applicables lorsqu'il est porté atteinte aux droits conférés par un brevet dans l'exécution d'une tâche autorisée par les pouvoirs publics.17

Prescriptions de l'Accord sur les ADPIC relatives aux licences obligatoires et à l'utilisation par les pouvoirs publics

La prescription selon laquelle des efforts doivent d'abord être faits pour négocier une licence volontaire pendant un délai raisonnable est interprétée de manière différente selon les lois nationales. Il peut y être dérogé dans les situations d'urgence nationale, dans d'autres circonstances d'extrême urgence ou en cas d'utilisation publique à des fins non commerciales (article 31 b)). Dans les cas où l'utilisation du brevet est autorisée sans le consentement du titulaire pour remédier à des pratiques anticoncurrentielles qui ont fait l'objet d'une décision de justice, les Membres de l'OMC ne sont pas tenus d'appliquer ces conditions. En pareil cas, il n'est plus indispensable que la licence soit principalement destinée à l'approvisionnement du marché intérieur (ce qui autorise l'exportation de quantités illimitées), et le montant de la rémunération peut être différent (c'est‑à‑dire qu'il sera généralement inférieur, voire nul).

La limitation des licences obligatoires et de l'utilisation par les pouvoirs publics principalement à l'approvisionnement du marché intérieur énoncée à l'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC a été révisée à la suite de la Déclaration de Doha, de façon à autoriser la production au titre d'une licence obligatoire exclusivement pour l'exportation selon certaines modalités et conditions. En effet, l'article 31 f) limite la quantité qui peut normalement être exportée au titre d'une licence obligatoire normale, ce qui s'est révélé être un problème potentiel pour les pays ayant des capacités de production insuffisantes ou n'en disposant pas et qui souhaitaient donc procéder à des importations. La réponse à ce problème est étudiée à la section 3 a) iii) ci‑dessous consacrée au système prévu au paragraphe 6.

Expérience et pratiques des pays

Dans la pratique, les licences obligatoires ne se sont pas limitées à la lutte contre les maladies infectieuses ou aux situations d'urgence en matière de santé publique. Au début de 2012, à la suite d'une demande présentée au titre de l'article 84 de la Loi sur les brevets de l'Inde, un fabricant de génériques indien a obtenu une licence obligatoire pour le sorafénib, médicament destiné à traiter le cancer du foie et du rein, parce que le Contrôleur indien des brevets considérait, entre autres choses, qu'il n'était pas disponible à un prix abordable.18Entre 2006 et 2008, la Thaïlande a déclaré l'utilisation par les pouvoirs publics de plusieurs produits pharmaceutiques, parmi lesquels le clopidogrel (utilisé pour traiter les maladies cardiaques), le létrozole (médicament contre le cancer du sein), le docétaxel (médicament contre le cancer du sein et du poumon) et l'erlotinib (médicament contre le cancer du poumon, du pancréas et de l'ovaire).

En 2007, à l'issue de négociations prolongées avec les laboratoires propriétaires des brevets, le gouvernement brésilien a délivré une licence obligatoire pour l'éfavirenz, un important ARV utilisé par le tiers des Brésiliens qui reçoivent un traitement grâce à un programme national. Moins de deux mois après la délivrance de la licence obligatoire, le Brésil a reçu le premier envoi d'éfavirenz générique de l'Inde, où il n'existait pas de brevet pour ce produit. Il a fait savoir au Conseil des ADPIC qu'il avait fallu deux ans pour produire ce médicament au niveau local, en partie parce que la loi sur les brevets n'impose pas aux déposants de divulguer tous les renseignements nécessaires à la commercialisation d'un produit final.19Une fois la licence délivrée, le prix a baissé de 1,59 dollar EU par dose pour le produit princeps à 0,43 dollar EU par dose pour la version générique importée.20On estime que les politiques appliquées par le gouvernement brésilien, y compris le recours aux flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC, ont permis d'économiser environ 1,2 milliard de dollars EU sur les dépenses d'achat de médicaments ARV entre 2001 et 2005 (Nunn et al., 2007).

Plusieurs autres pays en développement ont accordé des autorisations d'utilisation par les pouvoirs publics pour des ARV brevetés lorsque le prix du produit princeps était jugé trop élevé ou que la population n'avait accès qu'à des quantités limitées du médicament – par exemple, la Malaisie en 2002 et la Thaïlande en 2006‑2008 (voir l'encadré 4.13). Depuis 2010, l'Équateur a délivré deux licences obligatoires pour l'utilisation publique à des fins non commerciales de médicaments destinés à traiter le VIH/SIDA (encadré 4.14).

Après l'octroi de licences obligatoires par le gouvernement indonésien en 2004 et 2007, sept médicaments destinés à traiter le VIH/SIDA et l'hépatite B ont fait l'objet d'une ordonnance d'utilisation par les pouvoirs publics sur le marché indonésien jusqu'à l'expiration des brevets concernés, en vertu du Décret présidentiel du 3 septembre 2012. Aux termes de ce décret, l'industrie pharmaceutique a été désignée comme l'exploitant du brevet pour le compte des pouvoirs publics. Cette décision repose sur la nécessité urgente de lutter contre le VIH/SIDA et l'hépatite B en Indonésie.21

Encadré 4.13 Utilisation de brevets par les pouvoirs publics: l'exemple thaïlandais

La Thaïlande a autorisé l'utilisation par les pouvoirs publics de brevets relatifs à plusieurs produits pharmaceutiques destinés à traiter le VIH/SIDA, les crises cardiaques, les AVC et le cancer. Le premier cas concernait l'éfavirenz. En 2005, plus d'un demi‑million de Thaïlandais étaient séropositifs. En 2003, le gouvernement s'était engagé à fournir un traitement aux ARV gratuit à toutes les personnes qui en avaient besoin, mais le coût de cette mesure avait fortement augmenté lorsque de nouveaux traitements améliorés et plus coûteux étaient arrivés sur le marché. En novembre 2006, le Ministère thaïlandais de la santé publique a publié un décret indiquant qu'il utiliserait les droits conférés par le brevet sur l'éfavirenz et qu'il autorisait l'Organisation pharmaceutique publique (GPO) à importer ou fabriquer l'éfavirenz, en vertu de quoi le titulaire du brevet avait droit à une redevance de 0,5% du montant total des ventes réalisées par la GPO.

À la suite de la déclaration d'utilisation par les pouvoirs publics du traitement aux ARV lopinavir/ritonavir en 2008, le nombre de patients utilisant ce médicament en Thaïlande serait passé de 39 à 6 246.22En février 2007, le titulaire du brevet a annoncé une réduction du prix de l'éfavirenz, qui a bénéficié aux personnes atteintes du VIH/SIDA dans l'ensemble du monde.

Encadré 4.14 Utilisation publique à des fins non commerciales: l'exemple de l'Équateur 

L'autorité équatorienne chargée de la propriété intellectuelle a délivré une licence obligatoire à un distributeur de produits pharmaceutiques opérant en Équateur. Cette licence, délivrée en avril 2010, concernait un brevet sur l'ingrédient actif ritonavir, composé inhibiteur de protéase rétrovirale utilisé dans le traitement du VIH/SIDA. Elle portait sur tous les droits conférés par le brevet, y compris l'importation, et était limitée à l'utilisation en Équateur. Selon certaines informations, elle était destinée à l'utilisation publique à des fins non commerciales (article 31 b) de l'Accord sur les ADPIC). Les autorités équatoriennes ont avisé le titulaire du brevet avant de délivrer la licence obligatoire. Cette licence est valide jusqu'à la date d'expiration du brevet en 2014. Le titulaire de la licence est tenu de verser au titulaire du brevet une rémunération adéquate calculée selon la méthode des redevances échelonnées, basée sur une redevance de 5% du prix du produit fixé par le titulaire du brevet aux États‑Unis, corrigé de la différence entre les PIB par habitant des États‑Unis et de l'Équateur, soit un taux de redevance de 0,42% du prix aux États‑Unis. La procédure de délivrance de la licence obligatoire a pris six mois.23En novembre 2012, l'Institut de la propriété intellectuelle de l'Équateur a délivré à un fabricant local une deuxième licence obligatoire pour l'utilisation publique à des fins non commerciales d'un autre médicament contre le VIH/SIDA (abacavir/lamivudine), escomptant ainsi une réduction de prix de 75%.24 

Les déclarations d'utilisation par les pouvoirs publics sont souvent utilisées aussi dans le contexte des marchés publics internationaux par l'UNICEF ou d'autres organismes internationaux pour pouvoir importer des médicaments génériques, notamment des ARV.25

L'expérience pratique montre que le pouvoir de négociation créé par la simple possibilité légale de délivrer une licence obligatoire peut bénéficier aux pays en développement, même lorsqu'une telle licence n'est pas délivrée concrètement (Cornish, 2003). Le gouvernement brésilien a ainsi démontré qu'une législation prévoyant l'utilisation effective et rapide de licences obligatoires peut constituer un atout utile pour négocier une baisse du prix des médicaments ARV (Abbott et Reichman, 2007). Brandissant la menace d'une licence obligatoire, il a négocié de fortes réductions des prix sur l'éfavirenz et le nelfinavir en 2001, le lopinavir en 2003, l'association du lopinavir et du ritonavir en 2005 et le ténofovir en 2006.

Cela dit, l'utilisation de licences pour résoudre des problèmes liés au droit de la concurrence dans le domaine des technologies médicales ne se limite pas aux pays en développement. Dans les pays développés, des licences ont été délivrées, entre autres, à la suite d'actions engagées par les autorités de la concurrence pour remédier à des pratiques ayant une incidence sur l'accès et l'innovation dans le domaine des technologies médicales. En 2002, par exemple, la Commission fédérale du commerce des États‑Unis (FTC) a demandé la concession réciproque de licences pour un brevet sur un facteur de nécrose tumorale à une société suisse lors d'une procédure d'examen de fusions. Cette licence a permis à la société suisse de concurrencer un titulaire de brevet des États‑Unis. En 2005 et 2007, l'Autorité italienne de la concurrence a enquêté sur des abus de position dominante par deux grands laboratoires pharmaceutiques qui refusaient d'accorder des droits de licences sur leurs produits pharmaceutiques. À la suite de cela, elle a délivré des licences obligatoires libres de redevances, escomptant que les produits génériques résultants seraient exportés vers d'autres pays européens où les brevets concernés avaient déjà expiré.26Par contre, en septembre 2012, le Tribunal administratif italien a fait droit au recours déposé contre une décision de l'Autorité de la concurrence de janvier 2012 qui avait imposé une amende à un laboratoire pharmaceutique pour abus de position dominante à des fins d'exclusion. Le Tribunal a souligné que le simple fait de faire respecter des DPI exclusifs n'était pas suffisant pour étayer la constatation faite par l'Autorité de la concurrence d'un abus de position dominante.27

(iii) Le système prévu au paragraphe 6: une flexibilité additionnelle destinée à accroître l'accès aux médicaments

Une nouvelle voie d'accès aux médicaments …

Aux termes du paragraphe 6 de la Déclaration de Doha, le Conseil des ADPIC a été chargé de trouver une solution à la difficulté que les pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique avaient à recourir de manière effective aux licences obligatoires. Il en est résulté la décision prise par le Conseil général de l'OMC en 2003 d'établir le cadre relatif aux licences obligatoires spéciales, qui constitue une flexibilité additionnelle destinée à permettre l'exportation de médicaments vers ces pays. Le système— dénommé de manière informelle "système prévu au paragraphe 6" — a d'abord pris la forme d'une dérogation à certaines conditions relatives aux licences obligatoires. En 2005, les Membres de l'OMC l'ont adopté par consensus en tant que Protocole portant amendement de l'Accord sur les ADPIC. Ce résultat, qui offre une voie juridique supplémentaire d'accès aux médicaments, revêt une importance particulière puisqu'il s'agit du seul amendement proposé à l'un quelconque des accords commerciaux multilatéraux de l'OMC depuis leur adoption en 1994. Le système, qui peut déjà être utilisé depuis la dérogation de 2003, constituera un élément permanent de l'Accord sur les ADPIC lorsque les deux tiers des Membres de l'OMC auront notifié formellement leur acceptation. Un large groupe représentatif de Membres a déjà pris cette mesure, puisque des avis d'acceptation ont été reçus de nombreux pays en développement, y compris plusieurs PMA, et de presque tous les pays développés.28L'acceptation du Protocole est distincte de l'incorporation du système dans le droit national ou du choix d'y avoir recours. Elle exprime le consentement juridique des Membres de l'OMC sur le fait qu'ils devraient tous être autorisés à faire usage de cette flexibilité additionnelle s'ils le souhaitent.

Voulu par les Membres de l'OMC pour contribuer aux efforts faits à l'échelle mondiale en vue de renforcer le cadre juridique de l'accès aux médicaments, le nouveau système a été approuvé par plusieurs instances multilatérales:

  • Dans la Stratégie et le plan d'action mondiaux pour la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle (GSPA‑PHI) adoptés par l'OMS en 2008, l'utilisation du système prévu au paragraphe 6 est identifiée comme action spécifique.
  • La Déclaration ministérielle du Débat de haut niveau du Conseil économique et social de 2009 des Nations Unies a réaffirmé le droit d'utiliser le système prévu au paragraphe 6, encourageant la fourniture d'une assistance aux pays en développement à cet égard. Et elle a expressément appelé à une large acceptation rapide de l'amendement de l'Accord sur les ADPIC.
  • De même, la Déclaration politique sur le VIH et le SIDA: Intensifier nos efforts pour éliminer le VIH et le SIDA, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 2011, plaide en faveur de l'acceptation rapide de la modification de l'Accord sur les ADPIC.
  • La Déclaration de 2012 "L'avenir que nous voulons", document final de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable ("Rio+20") réaffirme le droit de se prévaloir du système ainsi que des autres dispositions de l'Accord sur les ADPIC.

… qui répond à un scénario d'achat particulier

Le système s'applique à un scénario d'accès particulier dans lequel un pays importateur a besoin de médicaments pour faire face à un problème de santé publique, alors qu'un pays exportateur potentiel se heurte à un obstacle juridique du fait que l'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC limite la fourniture dans le cadre d'une licence obligatoire principalement pour le marché intérieur. La licence d'exportation spéciale prévue par le système est affranchie de cette contrainte; elle permet, et même requiert, l'exportation de la production complète au titre d'une licence obligatoire. La situation visée par le système ne se produit donc que lorsqu'un pays souhaite obtenir un produit pharmaceutique particulier et que:

  • le produit ne peut pas être fabriqué au niveau intérieur ou ne peut l'être en quantité suffisante faute de capacités;
  • le fabricant préféré du produit (normalement le moins cher de ceux qui répondent le mieux aux prescriptions en matière de réglementation et de qualité) se trouve dans un pays où un brevet est en vigueur sur ce produit et où il faut une licence obligatoire pour la fabrication destinée à l'exportation.

Le système ne s'applique pas à la plupart des scénarios d'achat: par exemple, lorsque le produit est déjà disponible à un prix abordable dans des pays où aucun brevet n'est en vigueur (ce qui était le cas des anciens traitements ARV contre le VIH/SIDA, dont la plus grande partie a été importée à des prix très compétitifs en provenance de fabricants de génériques indiens (voir le chapitre IV, section A.2 a) sur le VIH/SIDA)), ou lorsque le prix du produit princeps peut être ramené à un niveau abordable à l'issue de négociations sans recours à une licence obligatoire, ou lorsque le laboratoire de princeps accepte de délivrer une licence volontaire à un fabricant de génériques.

Comment le système a‑t‑il été utilisé dans la pratique …

En 2012, une seule licence d'exportation spéciale avait été délivrée au titre du système. Il s'agissait d'une licence utilisée par une entreprise canadienne pour expédier des médicaments au Rwanda (voir l'encadré 4.15). Le Ghana aurait envisagé d'utiliser le système en 2005, lorsqu'il avait déclaré une situation d'urgence concernant le VIH/SIDA et délivré une autorisation d'utilisation par les pouvoirs publics pour l'importation de médicaments génériques (bien qu'une déclaration de situation d'urgence ne soit pas requise pour utiliser le système).29Les produits devaient initialement être importés du Canada, où ils étaient brevetés, mais le Ghana a décidé ensuite de les importer en provenance de fabricants de génériques situés en Inde, où aucun brevet ne s'appliquait. Dans un autre cas d'utilisation potentielle30 une société indienne avait déposé des demandes auprès de l'Office indien des brevets en septembre 2007, en vue de fabriquer et d'exporter vers le Népal plusieurs produits pharmaceutiques anticancéreux brevetés en Inde, parmi lesquels l'erlotinib. Elle aurait ensuite retiré ses demandes. En tant que PMA, le Népal avait automatiquement le droit d'utiliser le système, mais il n'avait pas notifié à l'OMC qu'il souhaitait importer ces médicaments, ce qui est une condition préalable à l'utilisation du système.

Encadré 4.15 Étude de cas relative à la fourniture d'ARV au Rwanda

En 2004, Médecins sans frontières (MSF) a pris contact avec une société canadienne pour fabriquer une triple combinaison d'ARV (zidovudine, lamivudine et névirapine). Il l'a fait en l'absence de toute demande spécifique émanant d'un pays importateur. La société a obtenu l'autorisation de commercialisation au Canada en 2006, moins de six mois après avoir présenté sa demande. Le Régime canadien d'accès aux médicaments (RCAM), qui applique le système prévu au paragraphe 6, a dû être modifié pour inclure ce produit, car le Canada limite le champ d'application de sa loi à une liste déterminée de produits. Les trois médicaments combinés dans le produit étaient protégés chacun par un brevet distinct appartenant à une société distincte. En juillet 2007, la société a demandé sans succès des licences volontaires aux trois titulaires de brevet.

En juillet 2007, le Rwanda a envoyé à l'OMC une brève notification concernant son intention d'importer 260 000 boîtes de triple combinaison d'ARV, en se réservant le droit de modifier la quantité estimée. Il indiquait en outre qu'il ne ferait pas respecter les droits conférés par des brevets qui auraient pu être accordés sur son territoire en ce qui concernait le produit. En tant que PMA, le Rwanda n'était pas obligé de faire d'autres déclarations ni de notifier son intention d'utiliser le système.31En septembre 2007, la société a demandé une licence obligatoire au Canada qui, au titre du système, devait lui permettre d'exporter 15 600 000 comprimés (équivalant à 260 000 boîtes) sur une période de deux ans. Cette licence a été délivrée deux semaines plus tard. Le gouvernement canadien a notifié à l'OMC en octobre qu'il utilisait le système en tant que pays exportateur.32

Le Canada a fait savoir qu'en octobre 2007, le gouvernement rwandais avait publié un appel d'offres pour cette triple combinaison d'ARV.33À l'origine, la société canadienne avait offert son ARV au prix coûtant de 0,39 dollar EU par comprimé. Il y avait des indications selon lesquelles au moins quatre fabricants de génériques indiens pouvaient fournir le produit à un prix inférieur. Le Canada a indiqué que, si le Rwanda avait acheté les ARV à ces fabricants, il n'aurait pas eu besoin d'utiliser le système, puisque les produits n'étaient pas brevetés en Inde. Toutefois, au cours de la procédure d'appel d'offres, la société canadienne a divisé son prix par deux pour offrir le produit à 0,195 dollar par comprimé. En mai 2008, elle a annoncé qu'elle avait remporté l'adjudication.

Conformément aux dispositions du RCAM et du système lui‑même, les comprimés expédiés au Rwanda étaient différenciés de la version fabriquée pour le marché intérieur par la marque "XCL" et la couleur blanche au lieu du bleu habituel. L'emballage portait un numéro de suivi d'exportation attribué par le gouvernement canadien. Des détails sur le produit et ses caractéristiques distinctives, ainsi que sur l'expédition, étaient affichés sur le Web.34Une redevance devait être versée par la société canadienne pour le droit d'utiliser les brevets, mais les titulaires y ont renoncé. Au total, 6 785 000 comprimés ont été expédiés au Rwanda en septembre 2008, puis 7 628 000 en septembre 2009, c'est‑à‑dire durant la période de validité de 2 ans de la licence obligatoire.35 

… et fonctionne‑t‑il réellement comme prévu?

Le Conseil des ADPIC examine le système chaque année et fait rapport au Conseil général de l'OMC sur la manière dont il a été appliqué et utilisé, sur son contexte opérationnel et sur le statut de l'amendement de l'Accord sur les ADPIC. Les discussions sont plus détaillées depuis que le Canada et le Rwanda ont utilisé le système en 2010, et elles portent désormais sur un éventail plus large de questions telles que les prescriptions opérationnelles du système et les autres moyens d'assurer l'accès aux médicaments. Bien qu'elles n'aient donné lieu à aucune conclusion ferme, divers Membres de l'OMC ont exprimé leur avis (OMC, 2010; OMC, 2011), en formulant entre autres les observations suivantes sur la question de savoir si le système remplissait la fonction qui lui était destinée:

  • En 2012, le système n'avait été utilisé qu'une fois, et il avait fallu trois ans pour que les expéditions aient lieu. Le système est trop complexe et trop pesant administrativement pour continuer d'être utilisé, et il faut un atelier réunissant les diverses parties prenantes pour examiner son fonctionnement. Il est essentiel de savoir clairement si les difficultés d'utilisation font partie intégrante du système, auquel cas il faudrait le réformer, ou si elles résultent de la manière dont les différents pays choisissent de l'appliquer.
  • Les utilisateurs potentiels du système peuvent être découragés par les incidences politiques ou commerciales de l'utilisation de licences obligatoires.
  • Le RCAM a été utilisé avec succès, et les procédures associées au système n'ont absorbé qu'une très petite partie du délai de trois ans. Le délai écoulé entre l'examen réglementaire du médicament en question et les expéditions au Rwanda peut être attribué en grande partie à d'autres facteurs.
  • L'utilisation limitée du système ne constitue pas une mesure appropriée de son succès, car aucune délégation n'a apporté la preuve que cette utilisation rencontrait des obstacles lorsqu'elle était requise. Le cas unique a démontré que le système pouvait fonctionner lorsque c'était nécessaire et jouer un rôle d'appui dans le cadre de l'effort plus vaste visant à améliorer l'accès aux médicaments essentiels, sachant qu'il existe souvent d'autres moyens d'acheter les médicaments nécessaires.
  • Le système n'est pas la panacée à tous les problèmes de santé publique. Il fait seulement partie d'un contexte plus large qui comporte d'autres aspects importants ayant une incidence sur l'innovation et l'accès, tels que l'infrastructure, les droits de douane, les mécanismes de financement novateurs, les partenariats et la coopération (y compris au niveau régional), et les cadres réglementaires.
  • La mise en œuvre d'une protection complète par brevet des produits pharmaceutiques en Inde, ajoutée à l'expiration prochaine des périodes de transition pour les PMA, pourrait rendre plus difficile à l'avenir l'achat de versions génériques de médicaments nouveaux. Dans de telles circonstances, le système prévu au paragraphe 6 pourrait gagner en importance.

… tandis que son contexte opérationnel n'est pas encore entièrement défini …

Bien que le système offre un moyen de répondre à la demande de médicaments dans un scénario d'achat spécifique, il n'y a eu que des demandes négligeables notifiées par des bénéficiaires potentiels confrontés à ce scénario particulier, cela dans un contexte où l'accès aux médicaments dans des conditions abordables suscite de larges préoccupations. Aucun pays en développement n'a fait savoir à l'OMC qu'il avait l'intention générale d'utiliser le système, même si les PMA n'ont pas besoin de le faire et si les autres pays peuvent aussi le faire au moment où ils notifient les détails du produit dont ils ont besoin. Les pays ont le droit de notifier leurs besoins prévisionnels de médicaments à un stade précoce de la planification des achats, sans avoir à prendre l'engagement de respecter les quantités notifiées ou de procéder à des importations au titre du système dans le cas où d'autres solutions préférables se présenteraient, même à un stade tardif du processus d'achat. Dans le cas où le produit nécessaire est breveté dans le ou les pays fournisseurs préférés – par exemple, lorsque les fabricants de génériques ont la capacité de copier le produit et que la demande effective combinée des pays importateurs est suffisante –, une telle notification précoce peut accroître la probabilité pratique que les exportateurs potentiels saisiront l'occasion d'utiliser le système.

Une question essentielle est de savoir si et dans quelles circonstances le scénario particulier prévu au paragraphe 6 s'est présenté jusqu'à présent dans la pratique. Une autre question est de savoir dans quelle mesure des médicaments abordables sont déjà disponibles sans qu'il soit nécessaire de délivrer des licences obligatoires pour l'exportation. Selon les expériences relatées en matière d'achat, de nombreux médicaments étaient déjà disponibles en tant que génériques exportables par des pays où aucun brevet n'était en vigueur. Ainsi, selon certaines informations, le Brésil, l'Équateur et la Thaïlande auraient délivré des licences obligatoires pour l'importation de produits en dehors du système en provenance de pays où ces produits n'étaient pas brevetés et étaient déjà fabriqués en tant que génériques. Le Rwanda a aussi utilisé le système dans un contexte où des génériques étaient déjà disponibles à des prix inférieurs auprès d'autres sources. Lorsque des médicaments génériques peuvent être acquis auprès de pays où ils ne sont pas brevetés, le système n'a pas besoin d'être utilisé. Cette situation pourrait évoluer car, du fait des changements progressivement apportés à la brevetabilité des produits pharmaceutiques dans de grands pays exportateurs tels que l'Inde, les nouvelles générations de médicaments seront probablement moins facilement disponibles sous leur forme générique pour l'exportation (voir le chapitre IV, section A.2 a)). À l'avenir – par exemple en réponse à une pandémie ou à un autre événement menaçant la sécurité sanitaire –, il est plus probable que les traitements efficaces seront brevetés dans les grands pays fournisseurs traditionnels. Dans un tel scénario, le système pourrait revêtir une plus grande importance et être plus largement utilisé. Son existence offre une base plus crédible pour l'utilisation effective de licences obligatoires en ce qui concerne les pays qui n'ont pas de capacités de production ou dont les capacités sont limitées, ce qui renforcerait leur pouvoir de négocier les prix. L'expérience passée en matière d'achat (par exemple, la menace brandie par le Brésil d'avoir recours à une licence obligatoire pour le médicament ARV nelfinavir en 2001) montre que l'utilisation du système des licences obligatoires peut faire baisser les prix sans que la licence soit finalement délivrée. Le rôle jusqu'à présent limité du système est peut‑être dû aussi en partie au fait que de nombreux pays achètent les médicaments dont ils ont besoin par l'intermédiaire de programmes internationaux qui peuvent offrir d'autres moyens de faire baisser les prix. Parmi ces programmes figurent ceux du PEPFAR, de la CHAI, du Fonds mondial, de l'UNICEF et de l'UNITAID.

L'un des sujets du débat actuel est la nécessité d'établir une base commerciale adéquate pour les fournisseurs potentiels dans le cadre du système, afin de répondre aux besoins qui ont été signalés dans les notifications présentées à l'OMC. Le système reconnaît expressément la nécessité de réaliser des économies d'échelle dans le cadre de ses dispositions relatives aux accords commerciaux régionaux et mentionne également la possibilité pour les parties à ces accords de présenter des notifications conjointes.

La licence d'exportation spéciale est l'une des voies juridiques qui peut être suivie lorsqu'elle représente le meilleur moyen d'effectuer des achats mais, comme pour toute licence obligatoire, elle ne suffit pas à rentabiliser la production d'un médicament. Il faut une demande suffisante et prévisible pour que les entreprises jugent réalisable et rentable d'entreprendre les démarches réglementaires, industrielles et commerciales nécessaires à la production et à l'exportation d'un médicament au titre d'une telle licence. Les approches régionales en matière d'achat et les notifications conjointes de la part de pays ayant des besoins similaires de médicaments accessibles peuvent constituer des moyens d'agréger la demande au titre du système, permettant ainsi une réponse efficace aux besoins identifiés.

Le système prévoit des mesures destinées à faire en sorte que les produits parviennent aux bénéficiaires prévus et ne soient pas détournés ailleurs. Ces mesures sont, par exemple, un étiquetage ou un marquage spécifique, un emballage spécial et/ou une coloration/mise en forme spéciale des produits, mais ces moyens de distinguer les produits doivent être réalisables et ne pas avoir d'incidence notable sur le prix. Les expériences faites récemment par l'industrie concernant d'autres formes d'étiquetage et d'emballage destinées à des marchés spécifiques, par exemple dans les cas d'échelonnement des prix, de dons ou d'achats philanthropiques36peuvent offrir des exemples pratiques de la manière de distinguer des produits sans que cela entraîne des dépenses élevées. L'annexe II contient des renseignements plus précis sur le fonctionnement et l'utilisation du système.

(b) Licences volontaires et socialement responsables

Le titulaire d'un brevet peut partager volontairement la propriété intellectuelle avec des tiers au moyen d'accords de licence. Une licence est un contrat par lequel le titulaire d'un brevet autorise une autre partie à utiliser la propriété intellectuelle, soit en échange du versement de redevances (ou d'une autre rémunération), soit gratuitement, pour un certain domaine d'utilisation et sur un certain territoire (éventuellement pendant la durée de vie du brevet). Dans le cadre de leur programme de responsabilité sociale, les laboratoires de recherche pharmaceutique utilisent de plus en plus, depuis l'adoption de la Déclaration de Doha, les accords de licence pour autoriser des fabricants de génériques à produire et distribuer des versions génériques de leurs produits dans une zone géographique définie.

(i) Accords de licence volontaire dans le domaine du VIH/SIDA

Aujourd'hui, la plupart des entreprises qui possèdent des DPI sur des produits destinés au traitement du VIH/SIDA ont signé des accords de licence ou d'immunité contre des poursuites avec divers fabricants de génériques, ou ont publié des déclarations de renonciation concernant ces produits. Souvent, ces accords sont désignés sous le nom d'accords de licence "volontaire", par opposition aux licences obligatoires (pour un aperçu des accords actuels, voir la liste dressée par Beyer, 2012).

Les entreprises ont commencé à utiliser davantage ce type d'accord de licence volontaire après l'adoption de la Déclaration de Doha. Au début, la portée et le territoire étaient relativement limités, et certains accords faisaient suite à l'intervention de tiers.

La tendance à délivrer des licences à des fabricants de génériques pour les produits destinés à traiter le VIH/SIDA s'est accentuée avec la création du Medicines Patent Pool en 2010. Jusqu'à présent, le Pool a conclu deux accords de licence. Le premier avec l'Institut national de la santé aux États‑Unis pour un brevet sur le darunavir. Et le second avec Gilead, un laboratoire biopharmaceutique établi aux États‑Unis, pour des brevets sur un autre ARV, le ténofovir, et sa coformulation avec l'emtricitabine, ainsi que sur l'elvitégravir, le cobicistat et leur association avec le ténofovir et l'emtricitabine. En 2012, le Pool avait signé des accords de sous‑licence avec quatre fabricants de génériques indiens pour la production de tout ou partie de ces produits. Certains de ces fabricants n'ont pas signé l'accord pour le ténofovir car, en 2009, une demande de brevet sur le ténofovir a été rejetée en Inde.37

Les entreprises ont étendu leurs programmes de licences à de nouveaux produits et à des produits en voie de commercialisation. Au début, les accords avaient une portée très limitée et concernaient surtout l'Afrique subsaharienne et les PMA, où des brevets étaient rarement délivrés ou, s'ils l'étaient, n'étaient pas appliqués, mais certaines entreprises ont étendu la portée géographique de leur licence à un plus grand nombre de pays à revenu intermédiaire, couvrant désormais jusqu'à onze pays (Beyer, 2012).38

Les pratiques en matière de licences ont également été examinées de près. L'un des problèmes soulevés est que la portée géographique est limitée et exclut la plupart des pays à revenu intermédiaire. L'accord de licence signé par le Medicines Patent Pool avec Gilead a suscité un vif débat dans les milieux de la santé publique au sujet de sa valeur ajoutée ainsi que du rôle et du mandat du Medicines Patent Pool à cet égard.39

Globalement, il est très difficile d'analyser les accords de licence, car leurs modalités et conditions ne sont pas divulguées, à l'exception notable des accords signés par le Medicines Patent Pool. Avec ces accords, le concédant autorise en substance des tiers à desservir les marchés vastes et peu rentables des pays pauvres où le VIH/SIDA représente un lourd fardeau (PMA, Afrique subsaharienne et pays à faible revenu).

Les accords de licence pourraient, dans un avenir proche, revêtir une plus grande importance dans la production de médicaments contre le VIH/SIDA. Ces accords, s'ils sont signés avec de multiples entreprises, peuvent contribuer à améliorer l'accès aux médicaments en intensifiant la concurrence, ce qui fait baisser les prix et rend les traitements ARV plus disponibles dans les pays en développement. Les accords de licence sont également l'un des principaux indicateurs utilisés par la Fondation pour l'accès aux médicaments dans son classement des laboratoires pharmaceutiques (voir l'encadré 4.16). Dans les discussions sur le soutien futur à l'utilisation de licences volontaires, il a été suggéré de fournir des orientations aux pays en développement. Ces orientations indiqueraient les besoins auxquels il faut répondre au moyen d'accords de licence volontaire et pourraient aussi inclure des contrats types.40

(ii) Concession de licences socialement responsables

Aux États‑Unis, depuis l'adoption de la Loi Bayh‑Doyle en 1980, les établissements de recherche sont autorisés à breveter des produits issus de recherches financées par des subventions fédérales et à délivrer des licences pour ces brevets. Cette loi a suscité des débats sur la manière dont les politiques des universités en matière de licences devraient prendre en compte les objectifs de santé publique. Un débat a ainsi eu lieu au sujet des brevets détenus par l'Université de Yale sur la stavudine, une substance synthétisée en 1966 et dont des chercheurs de Yale ont découvert au début des années 1990 qu'elle avait des propriétés d'inhibiteur de la transcriptase inverse. Ces recherches étaient financées par des subventions fédérales. L'université avait délivré une licence exclusive de fabrication, de commercialisation et de distribution à une entreprise qui avait contribué à financer les essais cliniques de phase III du médicament.41Bien qu'elle n'ait pas demandé de brevet dans la plupart des pays en développement, la stavudine avait été brevetée en Afrique du Sud (brevet ZA8707171).42Lorsque Médecins sans frontières (MSF) a commencé à dispenser des traitements antirétroviraux en Afrique du Sud, le médicament était vendu à un prix 34 fois plus élevé que celui des versions génériques disponibles dans d'autres pays.43En décembre 2000, MSF a pris contact avec la division sud‑africaine de l'entreprise titulaire de la licence pour obtenir l'autorisation d'importer de la stavudine générique, mais celle‑ci l'a renvoyée vers le titulaire du brevet, l'Université de Yale. En mars 2001, sous la pression de la société civile, des étudiants, des chercheurs et de l'inventeur de la stavudine, l'accord de licence a été révisé, et l'entreprise a conclu avec un fabricant de médicaments génériques en Afrique du Sud un accord prévoyant l'immunité contre des poursuites afin de commercialiser la stavudine en Afrique du Sud et dans d'autres pays africains ('t Hoen, 2009; Beyer, 2012).

Dans le contexte de ce débat, un nouveau modèle dit de "licence socialement responsable" est apparu, en vertu duquel les nouvelles technologies protégées par des DPI peuvent être utilisées à des prix abordables dans des communautés non desservies. En 2002, par exemple, Eva Harris, de l'Université de Californie à Berkeley, a demandé un accord de licence pour un instrument portable de diagnostic de la dengue. Elle a proposé à l'université un accord de licence en vertu duquel les droits de production et de distribution seraient accordés à une organisation sans but lucratif, laquelle fournirait l'instrument gratuitement ou au prix coûtant, tout en préservant le droit de l'université de percevoir des redevances sur les "technologies dérivées distribuées dans les pays développés" (Mohiuddin et Imtiazuddin, 2007). Les licences socialement responsables sont donc un autre moyen d'élargir l'accès aux technologies médicales dans les pays en développement.

Encadré 4.16 Indice de l'accès aux médicaments

La Fondation pour l'accès aux médicaments (AMF) est une organisation internationale sans but lucratif qui se consacre à l'amélioration de l'accès aux médicaments. Elle publie un indice de l'accès aux médicaments qui permet de classer les laboratoires pharmaceutiques selon les efforts stratégiques et techniques qu'ils déploient en vue d'accroître l'accès aux médicaments dans le monde. Le but est d'élaborer un moyen transparent grâce auquel les laboratoires pharmaceutiques peuvent évaluer, suivre et améliorer leurs propres résultats ainsi que leur image publique et leur profil en matière d'investissement, tout en constituant une plate‑forme sur laquelle toutes les parties prenantes peuvent partager les meilleures pratiques dans le domaine de l'accès mondial aux médicaments.

L'indice classe 20 laboratoires pharmaceutiques selon les efforts qu'ils font pour offrir un accès aux médicaments, aux vaccins et aux tests diagnostiques aux habitants de 103 pays. En 2012, il portait sur 33 maladies prioritaires, parmi lesquelles des maladies tropicales négligées, les 10 maladies transmissibles les plus importantes et les 10 maladies non transmissibles les plus importantes du point de vue du fardeau sanitaire qu'elles représentent pour les pays visés par l'indice, ainsi que les infections maternelles et néonatales. Le classement repose sur un grand nombre d'indicateurs qui mesurent les activités dans des domaines tels que la R‑D, la politique en matière de brevets, la fixation des prix et la philanthropie. Il y a des comptes rendus sur les principales pratiques de chaque laboratoire et sur les modifications qu'il a effectuées depuis la publication du rapport précédent. Ces rapports suggèrent également des améliorations.44

 

(c) Épuisement des droits et importations parallèles

Il y a importation parallèle lorsqu'un produit authentique mis pour la première fois sur le marché dans un autre pays est importé par un canal parallèle à celui autorisé par le titulaire des droits. Les produits importés de façon parallèle ne sont pas des produits contrefaits, et le titulaire des droits a eu la possibilité d'être rémunéré sur la première vente. On parle parfois aussi de "produits du marché gris", c'est‑à‑dire que les produits n'ont pas été achetés au marché noir, mais qu'ils n'ont pas non plus été importés par un canal autorisé par le titulaire des droits.

L'"épuisement" est une doctrine juridique selon laquelle le titulaire des DPI ne peut empêcher la distribution ou la revente des produits après avoir consenti à la première vente. Dans une telle situation, le titulaire est considéré comme ayant "épuisé" ses droits sur ces produits (la doctrine de l'épuisement est également connue sous le nom de "doctrine de la première vente"). Cette doctrine favorise l'accès aux médicaments, car la décision prise par un pays d'adopter l'épuisement international, régional ou national est un facteur important pour déterminer si des produits médicaux peuvent être importés (ou réimportés) en provenance d'autres pays où les prix sont inférieurs. D'autres facteurs importants ont un effet sur l'importation parallèle, par exemple les règles relatives au régime d'homologation et le droit privé régissant le contrat entre le fabricant et ses distributeurs. En cas d'abus des DPI, le droit de la concurrence peut aussi servir d'instrument correctif utile.

Plusieurs options ont été utilisées par les pays pour réglementer leur régime d'épuisement de manière à servir au mieux les objectifs de leur politique nationale.

(i) Épuisement international

Certains pays appliquent un régime d'"épuisement international", ce qui signifie que les DPI sur le produit sont épuisés après la première vente par un titulaire de droits situé n'importe où dans le monde, ou avec son consentement. En 2010, 20 pays avaient adopté un régime d'épuisement international des droits conférés par les brevets dans leur législation intérieure; parmi eux figuraient l'Afrique du Sud, l'Argentine, la Chine, le Costa Rica, l'Égypte, l'Inde et le Kenya, ainsi que les Parties à l'Accord de Cartagena (Colombie, Équateur, État plurinational de Bolivie et Pérou).45En 2002, la Commission des droits de propriété intellectuelle du Royaume‑Uni a recommandé, dans son rapport, l'adoption d'un régime d'épuisement international afin de faciliter l'accès aux médicaments pour les pays en développement et les PMA. Mais elle indiquait aussi que, pour établir un système de prix différenciés avec des prix bas dans les pays en développement et des prix plus élevés dans les pays développés, il fallait segmenter les marchés au moyen de niveaux de prix différents, de manière à éviter que les médicaments à bas prix ne pénètrent sur les marchés à prix élevés.46

Plus tard, en 2006, la Commission sur les droits de propriété intellectuelle, l'innovation et la santé publique (CIPIH) de l'OMS préconisait aussi, dans un rapport, de faire la différence entre les pays développés et les pays en développement et recommandait aux pays en développement de maintenir leur capacité d'effectuer des importations parallèles en provenance d'autres pays en développement (OMS, 2006b).

De nombreux pays ne mentionnent pas de règles relatives à l'épuisement dans leurs lois sur la propriété intellectuelle, laissant ce soin aux tribunaux et à la pratique administrative. Dans bien des cas, des régimes d'épuisement différents s'appliquent aux brevets, aux marques et au droit d'auteur.

(ii) Épuisement national

D'autres pays appliquent la doctrine de l'épuisement des DPI, mais seulement dans la mesure où la première vente a lieu sur leur territoire. Cela s'appelle l'"épuisement national". Selon ce régime, les droits du titulaire de la propriété intellectuelle sont épuisés, mais seulement en ce qui concerne les produits qui ont été mis sur le marché dans le pays avec le consentement du titulaire, ce qui permet à ce dernier d'empêcher les importations parallèles. Au total, 40 pays ont choisi ce type d'épuisement pour les brevets, parmi lesquels le Brésil, le Ghana, Madagascar, la Malaisie, le Maroc, le Mexique, le Mozambique, la Namibie, l'Ouganda, la Thaïlande, la Tunisie et la Turquie.47

(iii) Épuisement régional

Une troisième option est l'"épuisement régional". La première vente du produit faite dans la région par le titulaire des droits (ou avec son consentement) épuise les DPI sur ce produit – non seulement au niveau intérieur mais aussi dans l'ensemble de la région –, de sorte que les importations parallèles dans la région ne peuvent faire l'objet d'une opposition.48Tel est par exemple le cas dans les États membres de l'UE et ceux de l'EEE, ainsi que dans ceux de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle et de l'Organisation eurasienne des brevets.49Mais le titulaire des DPI peut toujours utiliser ses droits pour empêcher les importations du produit en provenance de l'extérieur de la région.

(iv) Options en matière de régime d'épuisement

Au titre de l'article 6 de l'Accord sur les ADPIC, "aucune disposition du présent accord ne sera utilisée pour traiter la question de l'épuisement des droits de propriété intellectuelle" aux fins du règlement des différends à l'OMC, pour autant que la doctrine soit appliquée d'une manière qui ne crée pas de discrimination selon la nationalité du titulaire des droits. La Déclaration de Doha a précisé que l'effet de cette disposition était de laisser à chaque Membre la liberté d'établir son propre régime en ce qui concerne l'épuisement sans contestation, sous réserve des dispositions susmentionnées en matière de non‑discrimination. Cette clarification se reflète dans les choix différents faits par les Membres en matière d'épuisement dans l'ensemble du monde.

Certains pays ont adopté des régimes d'épuisement spécifiques. Le Rwanda, par exemple, a adopté une Loi sur la protection de la propriété intellectuelle en 2009 (Loi n° 31/2009), qui prévoit un régime national d'épuisement des droits conférés par les brevets, avec la possibilité d'un épuisement international pour certains produits. En vertu de l'article 40, le Ministre a l'autorité, après avis de l'autorité compétente ou à la demande de toute personne intéressée, de déclarer les droits de brevet épuisés. La Loi énumère plusieurs motifs pour lesquels cette autorisation peut être accordée et indique qu'elle peut être annulée si l'importateur ne remplit pas l'objet qui a justifié la décision du Ministre ou si les conditions qui ont motivé la décision du Ministre cessent d'exister.

Encadré 4.17 Prolongation de la durée des brevets: l'exemple de l'atorvastatine calcique

L'atorvastatine calcique est un médicament destiné à réduire les niveaux élevés de cholestérol. Approuvée par l'Agence des médicaments et des produits alimentaires des États‑Unis en 1996, elle a été commercialisée pour la première fois en 1997 et est devenue l'un des médicaments les plus vendus de l'histoire. L'un des brevets sur ce produit (n° 4 681 893), délivré aux États‑Unis en 1987, devait expirer en mai 2006, mais il a été prolongé de plus de trois ans jusqu'en septembre 2009 au titre d'une disposition relative à la prolongation de la durée des brevets (35 U.S.C. § 156). La période d'exclusivité du brevet de base a été prolongée de six mois supplémentaires, jusqu'en mars 2010, au titre d'une disposition sur l'exclusivité pédiatrique.

Le choix du régime d'épuisement n'est, bien entendu, qu'un des facteurs qui déterminent si des importations parallèles peuvent avoir lieu. Un autre aspect important est le contrat conclu entre le titulaire des droits et le distributeur. Par exemple, si ce contrat interdit aux distributeurs de réexporter les produits concernés, le titulaire des droits peut soutenir que le fait de réaliser des importations parallèles constitue une violation des obligations contractuelles du distributeur, que les DPI soient épuisés ou non. Dans certains ALE, le droit pour le titulaire du brevet de limiter contractuellement les importations parallèles est expressément préservé. En pareil cas, le droit de la concurrence peut jouer un rôle important en tant que facteur correctif potentiel. La Suisse, par exemple, applique l'épuisement international dans le domaine des marques. Lors d'une affaire récente concernant le droit de la concurrence dans ce pays, il est apparu qu'une entreprise suisse avait appliqué de façon continue jusqu'en 2006 une clause contractuelle dans le cadre d'une licence délivrée à une entreprise établie en Autriche. Cette clause interdisait au titulaire de la licence d'exporter vers la Suisse les produits qu'il avait fabriqués sous licence en Autriche. En 2009, la Commission de la concurrence suisse a imposé une amende à cette entreprise, considérant que cette clause constituait un accord vertical susceptible de nuire de façon importante à la concurrence sur le marché suisse et a donc annulé cette clause, autorisant ainsi les importations parallèles.50

Un autre facteur important qui détermine si des importations parallèles peuvent avoir lieu est l'ensemble de règlements sanitaires relatifs à l'autorisation de mise sur le marché des médicaments. Tout pays peut interdire les importations parallèles de versions différentes du même produit pharmaceutique si la mise sur le marché de ces versions n'est pas autorisée dans le pays d'importation – même si ce dernier applique un régime d'épuisement international.

(d) Prolongation de la durée des brevets

Les lois nationales déterminent la période pendant laquelle un brevet peut rester en vigueur ("durée du brevet"). La durée de la protection offerte ne doit pas prendre fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande de brevet. Cette règle, énoncée à l'article 33 de l'Accord sur les ADPIC, a été appliquée en 2000 dans l'affaire Canada – Durée d'un brevet.51Un brevet peut devenir caduc avant la fin de sa durée de validité si, par exemple, il est invalidé ou si son titulaire cesse de payer la taxe de maintien en vigueur. Mais les brevets relatifs à des produits pharmaceutiques commercialisés avec succès ont toutes les chances d'être maintenus pendant toute la durée de validité.

Plusieurs Membres de l'OMC tels que l'Australie, les États‑Unis, Israël, le Japon, la République de Corée et l'Union européenne offrent la possibilité de prolonger la durée des brevets au‑delà de la période minimale de 20 ans exigée par l'Accord sur les ADPIC, généralement pour compenser les délais dus à la réglementation. En effet, contrairement à ce qui se passe dans la plupart des autres domaines technologiques, les produits pharmaceutiques doivent subir un examen réglementaire afin de garantir leur innocuité et leur efficacité. Le processus d'examen réglementaire peut réduire considérablement la période d'exclusivité commerciale dont les titulaires de brevets pharmaceutiques bénéficieraient sans cela.

Les États‑Unis, par exemple, prévoient des prolongations allant jusqu'à cinq ans, à condition que la période totale d'exclusivité commerciale (période comprise entre l'autorisation de mise sur le marché et l'expiration du brevet) ne dépasse pas 14 ans (voir l'encadré 4.17). Aux termes du Règlement (CE) n° 469/200952les États membres de l'UE offrent des certificats complémentaires de protection (CCP) d'une durée maximale de cinq ans, à condition que la période totale d'exclusivité commerciale ne dépasse pas 15 ans après l'autorisation de mise sur le marché. Depuis 2007, l'Union européenne autorise également des prolongations de six mois des CCP en échange de la réalisation d'études cliniques sur l'efficacité et l'innocuité du produit pour les enfants.

Outre le fait qu'elles compensent la longueur des procédures d'autorisation de mise sur le marché, les prolongations de la durée des brevets sont également offertes par certains pays aux titulaires de brevet pour compenser une éventuelle réduction déraisonnable de la durée du brevet résultant des délais de traitement à l'office des brevets. La prolongation de la durée des brevets est également une disposition courante des ALE bilatéraux.

De nombreux avis différents ont été exprimés au sujet de l'incidence des prolongations de la durée des brevets sur la santé publique. Certains considèrent que ces prolongations font obstacle à l'accès aux médicaments en retardant l'entrée des médicaments génériques sur le marché. D'autres les jugent favorables du point de vue de la santé publique, car elles soutiennent l'innovation médicale et améliorent ainsi l'accès à la santé à long terme.

(e) Moyens de faire respecter la propriété intellectuelle

Le chapitre II, section B.1 f), donne un aperçu des normes en matière de respect de la propriété intellectuelle. La présente section concerne les questions de respect spécifiquement liées à l'accès aux médicaments (voir l'encadré 4.17).

Dans le domaine du commerce transfrontières des produits médicaux, les intérêts en matière de santé publique et de libre‑échange se recoupent. L'objectif commun est de faire en sorte que le libre‑échange des produits médicaux légitimes, y compris les médicaments génériques, ne se heurte pas à des obstacles juridiques non nécessaires qui empêchent la circulation des médicaments entre les pays. Cet objectif commun est également exprimé sous forme de principe général dans la section de l'Accord sur les ADPIC consacrée aux moyens de faire respecter les droits (article 41:1).

En 2009, le Brésil et l'Inde, appuyés par plusieurs autres pays en développement, ont appelé l'attention de la communauté internationale sur ce sujet et ont exprimé de vives préoccupations, lors de diverses réunions de l'OMS et de l'OMC53quant à détention par les autorités douanières de médicaments génériques en transit dans différents ports de l'UE en vertu du Règlement (CE) n° 1383/2003.54. Ce règlement autorise les autorités douanières à retenir des marchandises présumées porter atteinte aux DPI dans l'Union européenne. Depuis 2003, cela concerne également les marchandises en transit présumées porter atteinte aux droits conférés par des brevets. En 2008, les autorités douanières néerlandaises ont retenu 17 expéditions de médicaments génériques, au motif qu'elles portaient atteinte à un ou plusieurs brevets valides et applicables aux Pays‑Bas. Sur ces 17 expéditions, 16 provenaient de l'Inde et 1 de la Chine. La majorité d'entre elles étaient en transit et destinées à des pays en développement d'Amérique latine et d'Afrique. Dans l'une d'elles, il y avait un médicament contre l'hypertension destiné au Brésil. En 2009, les autorités douanières allemandes ont retenu un antibiotique générique expédié par l'Inde vers le Vanuatu et en transit dans l'aéroport de Francfort, alléguant une violation de marque. Dans les affaires signalées, il n'était pas indiqué que les médicaments portaient atteinte à des DPI dans les pays d'origine ou de destination. Les génériques en transit étaient donc légitimes dans les pays d'origine et de destination. Les expéditions concernées ont ensuite été remises en circulation.

En mai 2010, le Brésil et l'Inde ont engagé une procédure de règlement des différends à l'OMC en demandant l'ouverture de consultations avec l'Union européenne sur ses mesures douanières. Ils alléguaient, entre autres choses, la violation de l'obligation d'autoriser la liberté de transit énoncée dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), ainsi que de diverses dispositions de l'Accord sur les ADPIC relatives aux droits conférés par les brevets et aux moyens de les faire respecter.55Lors de discussions antérieures au Conseil des ADPIC, l'Union européenne s'était déclarée d'accord avec les plaignants sur le fait que les mesures douanières ne devraient pas affecter le commerce légitime des médicaments génériques. En revanche, elle avait défendu son règlement en affirmant qu'il était entièrement conforme à l'Accord sur les ADPIC et qu'il était important pour les autorités douanières d'être autorisées à contrôler les médicaments en transit, car cela pouvait contribuer à sauver des vies de patients dans les pays en développement. Jusqu'à présent, aucune autre action n'a été engagée dans l'affaire portée devant l'OMC, et il n'y a pas eu de demande d'établissement d'un groupe spécial chargé du règlement des différends.

En juillet 2011, le gouvernement indien a annoncé que l'Inde et l'Union européenne étaient parvenues à un règlement informel de ce différend ("mémorandum d'accord") destiné à guider le contrôle à la frontière du respect de la propriété intellectuelle dans l'Union européenne sur la base des principes convenus dans le mémorandum d'accord, qui seraient repris dans le projet de règlement destiné à remplacer le Règlement (CE) n° 1383/2003.56

Entre‑temps, la Commission européenne a publié des "Lignes directrices concernant le contrôle, par les autorités douanières de l'UE, du respect des droits de propriété intellectuelle sur les marchandises, notamment les médicaments, transitant par l'UE".57Ce texte clarifie l'application du Règlement (CE) n° 1383/2003 et tient compte des constatations figurant dans un jugement de la Cour européenne de justice du 1er décembre 2011.58Il y est entendu notamment que la simple circonstance que des médicaments transitent par le territoire de l'UE et soient soumis à des droits de brevet dans l'UE "n'exclut pas, en soi, l'adoption de mesures de protection des droits de propriété intellectuelle". Toutefois, une situation dans laquelle les autorités douanières considèrent comme hautement probable le détournement de ces médicaments vers le marché de l'UE "peut constituer, pour lesdites autorités, une raison suffisante de soupçonner que les médicaments en cause portent atteinte à des droits de brevet".

Compte tenu du débat sur la détention de médicaments génériques en transit, la Suisse a également précisé qu'en vertu de la Loi fédérale sur les brevets d'invention, les autorités douanières ne pouvaient interdire le transit de marchandises portant atteinte à un brevet que s'il existe des indices concrets permettant de soupçonner une violation d'un brevet aussi bien en Suisse que dans le pays de destination.59Ces questions ont également été abordées dans les négociations sur l'ACAC (voir l'encadré 4.18).

Il est donc important de veiller à ce que les dispositions des accords commerciaux et des règles commerciales relatives au respect des droits ne créent pas d'obstacles non nécessaires au commerce légitime des médicaments génériques. À cette fin, il est manifestement nécessaire de faire la distinction entre les médicaments contrefaits et les médicaments génériques, afin d'éviter que les problèmes de définition ne deviennent un obstacle de facto à l'accès aux médicaments génériques (les problèmes de définition sont également examinés au chapitre IV, section B.7 e) ii)). Comme l'a montré l'examen de la Loi anticontrefaçon du Kenya de 2008 (voir l'encadré 4.19), la question de la séparation entre médicaments contrefaits et médicaments génériques s'est posée lors de la rédaction de la législation nationale (voir l'encadré 4.18). Il y a aussi une tendance récente à inclure dans les ALE des dispositions sur les moyens de faire respecter les DPI (voir la section 5 ci‑dessous).

Encadré 4.18 L'Accord commercial anticontrefaçon

L'Accord commercial anticontrefaçon (ACAC) est un autre exemple d'instrument international proposé qui a suscité des discussions de fond sur l'incidence que les mesures destinées à faire respecter la propriété intellectuelle pouvaient avoir sur l'accès aux médicaments. À la suite de deux initiatives distinctes des États‑Unis et du Japon, un groupe de pays de même sensibilité a eu des négociations sur l'ACAC entre 2007 et 2010. L'ACAC a pour but de s'inspirer des règles internationales existant dans le domaine de la propriété intellectuelle, notamment l'Accord sur les ADPIC, pour traiter un certain nombre de questions liées au respect des droits à propos desquelles les participants ont relevé des lacunes dans le cadre juridique international.

Selon les participants aux négociations, l'ACAC vise à:

  • établir un cadre juridique moderne de mesures destiné à faire respecter les droits afin de répondre efficacement au phénomène grandissant de la contrefaçon et du piratage dans le commerce international;
  • promouvoir de bonnes pratiques en matière de respect des droits afin de favoriser la création de mécanismes supplémentaires de lutte contre la prolifération des produits illicites;
  • assurer la coopération entre les parties pour remédier aux problèmes du commerce transfrontières des marchandises contrefaites et piratées.60

Bien que les Membres de l'OMC soient libres de convenir de normes plus élevées, pour autant qu'elles respectent les dispositions de l'Accord sur les ADPIC (article 1:1), l'impact de normes plus élevées en matière de respect des droits au titre de l'ACAC sur le commerce des produits pharmaceutiques légitimes a été débattu de manière approfondie au cours de plusieurs réunions du Conseil des ADPIC. Certains ont exprimé la crainte que l'ACAC ne refuse d'admettre des décisions prises au niveau multilatéral telles que la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique ainsi que les avantages en matière d'accès aux médicaments offerts par le système prévu au paragraphe 6.61 Les participants aux négociations sur l'ACAC ont souligné que ces préoccupations étaient prises en compte dans la version finale de l'accord qui, entre autres choses, reconnaissait les principes énoncés dans la Déclaration de Doha. L'ACAC ne prévoit pas l'application de mesures à la frontière aux produits qui portent atteinte à des brevets et préserve la faculté d'appliquer des mesures à la frontière aux marchandises en transit. Le texte de cet accord a été distribué en tant que document du Conseil des ADPIC en octobre 2011.62

L'ACAC a suscité de vifs débats dans de nombreux pays en ce qui concerne, entre autres, son incidence sur l'accès aux médicaments. En décembre 2012, le nombre de pays qui l'avaient ratifié n'était pas suffisant pour permettre son entrée en vigueur.

Encadré 4.19 Distinction entre les produits contrefaits et les produits génériques: décision de la Haute Cour du Kenya

En avril 2012, la Haute Cour du Kenya a considéré que la définition du terme "anticontrefaçon" dans la Loi anticontrefaçon de 2008 du pays était trop ambiguë, car elle ne faisait pas clairement la distinction entre les médicaments contrefaits et les médicaments génériques, ce qui risquait d'avoir un effet défavorable sur l'accès aux médicaments génériques. Elle a donc décidé que les passages concernés de cette loi pouvaient porter atteinte au droit fondamental à la santé garanti par la Constitution kenyane et a demandé à l'État de réexaminer les dispositions en question.63Des questions similaires ont été soulevées, entre autres, au sujet du projet de loi anticontrefaçon de l'Ouganda, du Règlement sur les marques de produits de 2008 de la Tanzanie et du projet de politique anticontrefaçon de la Communauté de l'Afrique de l'Est proposé en 2010.

4.L'information en matière de brevets et sa relation avec la politique de santé publique

L'accès à l'information en matière de brevets est un domaine qui revêt une importance grandissante pour l'achat de produits médicaux.64Lorsque les organismes d'achat prennent des décisions relatives à l'acquisition de produits offrant le meilleur rapport qualité‑prix, ils peuvent aussi avoir besoin d'examiner la situation de ces produits en matière de brevets et le statut juridique de ces brevets sur certains marchés.

Au cours du symposium technique conjoint intitulé "Accès aux médicaments, information en matière de brevets et liberté d'exploitation" qui s'est tenu en février 2011, les participants ont examiné les liens entre le système d'information en matière de brevets et une série de questions de politique liées à l'accès et à l'innovation dans le domaine de la santé publique.65

Le débat qui a eu lieu à cette occasion sur la nécessité de faire un meilleur usage de l'information en matière de brevets pour soutenir les initiatives de santé publique a abouti aux observations suivantes:

  • Dans de nombreux pays, il est difficile d'obtenir des renseignements fiables sur les brevets.
  • Les autorités sanitaires et autres acteurs ont des difficultés à évaluer le statut des brevets.
  • Il faut des efforts collaboratifs pour renforcer les capacités et améliorer la disponibilité des données, notamment dans les pays en développement.
  • L'information en matière de brevets devrait être numérisée, tenue à jour et corrigée, et les registres des brevets devraient être consultables en ligne et faciles à utiliser.
  • Lorsqu'elle existe, la dénomination commune internationale (DCI) devrait figurer dans la demande de brevet, afin de faciliter les recherches de brevets.66
  • La fourniture d'une information complète en matière de brevets et l'amélioration de l'accès aux registres nationaux sont du ressort des gouvernements nationaux.
  • Il serait utile aux organismes d'achat d'avoir des outils qui facilitent les recherches de brevets sur les technologies en matière de santé, ainsi qu'un service de consultation sur la manière de trouver et d'interpréter l'information en matière de brevets.

Il est également important d'avoir accès à des informations complètes sur les brevets pour tirer parti des résultats de la R‑D antérieure, que ce soit en exploitant les technologies du domaine public, en inventant à partir de technologies protégées ou en développant de nouvelles technologies sur la base des technologies publiques ou protégées. L'amélioration de l'accès à l'information en matière de brevets dans le domaine de la santé fait également partie de la GSPA‑PHI, qui préconise l'accès à des bases de données mondiales conviviales contenant des informations publiques sur la situation administrative des brevets liés à la santé. Le Plan d'action de l'OMPI pour le développement, les travaux du Comité du développement et de la propriété intellectuelle de l'OMPI, l'élaboration et le maintien des normes de l'OMPI, la Classification internationale des brevets (CIB)67et l'établissement de Centres d'appui à la technologie et à l'innovation68ont aussi pour but de faciliter la recherche et l'utilisation des informations en matière de brevets.

5. Examen des dispositions sur la propriété intellectuelle figurant dans les ALE récents

Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord sur les ADPIC, le nombre d'ALE contenant des dispositions sur la protection et le respect de la propriété intellectuelle a augmenté. Certains accords se bornent à réaffirmer les principes de l'Accord sur les ADPIC, prescrivant une protection adéquate et effective de la propriété intellectuelle conformément aux normes minimales établies dans l'Accord. Il y a une tendance récente, notamment pour certains ALE auxquels participent des pays développés, à exiger des parties qu'elles appliquent une protection et des moyens de faire respecter les DPI supérieurs à ceux prévus dans l'Accord sur les ADPIC. Ces normes plus élevées et supplémentaires sont souvent désignées sous le nom d'"ADPIC‑plus" (voir le chapitre II, section B.1 a)). L'article 1:1 de l'Accord sur les ADPIC autorise expressément les Membres de l'OMC à inscrire dans leur législation une protection plus large que celle exigée par l'Accord, à condition que cette protection ne soit pas contraire aux dispositions de l'Accord, y compris celles relatives à la non‑discrimination. Ces dispositions exigent de manière générale que les parties à un ALE étendent l'application de toute norme supérieure aux nationaux de tous les autres Membres de l'OMC (comme cela est expliqué au chapitre II, section B.5 b)).

La présente section donne un aperçu des normes concernant plus particulièrement le secteur pharmaceutique qui figurent dans certains ALE. Pour un panorama plus large, voir Valdés et Tavengwa (2012). Elle passe également en revue les études qui ont cherché à estimer l'impact économique potentiel de ces normes. Elle résume l'approche adoptée dans un certain nombre d'ALE et le rôle joué par les organisations internationales. Enfin, elle examine les incidences potentielles sur l'accès aux technologies médicales. L'accent mis sur les ALE ne signifie cependant pas qu'il n'existe pas d'autres types d'accords contenant des dispositions susceptibles d'avoir une incidence sur le secteur pharmaceutique. De telles dispositions peuvent également figurer dans des traités d'investissement bilatéraux ou des accords spécialisés sur les DPI tels que l'ACAC, qui offre un exemple récent d'accord plurilatéral traitant uniquement des moyens de faire respecter les DPI (voir le chapitre IV, section C.3 e)).

(a) Dispositions ayant une incidence sur le secteur pharmaceutique

Les caractéristiques les plus courantes qui figurent dans presque tous les ALE sont l'obligation d'adhérer à une série de conventions et traités de l'OMPI, par exemple le PCT, le Traité sur le droit des brevets ou le Traité sur le droit des marques. Les ALE imposent également à leurs signataires de respecter les normes de l'Accord sur les ADPIC, notamment ses principes en matière de non‑discrimination (traitement national et traitement de la nation la plus favorisée). Par ailleurs, certaines normes énoncées dans les ALE et qui concernent la protection des brevets et des données d'essais ainsi que les moyens de faire respecter les DPI de façon plus générale se rapportent plus particulièrement aux produits pharmaceutiques et aux autres technologies médicales. Bien qu'il n'y ait pas d'approche unique dans les ALE au sujet des normes relatives à la propriété intellectuelle, on peut observer certains points communs en ce qui concerne la clarification et le relèvement des normes figurant dans l'Accord sur les ADPIC. Les dispositions des ALE qui ont généralement une incidence sur le secteur pharmaceutique portent sur un ou plusieurs des sujets suivants (mais ne s'y limitent pas nécessairement).

(i) Brevetabilité

Les dispositions des ALE visent souvent divers aspects de la brevetabilité. Premièrement, certaines normes énoncées dans ces accords ne prévoient pas certaines exclusions possibles de la brevetabilité qui sont autorisées au titre de l'Accord sur les ADPIC, en admettant par exemple de façon expresse la brevetabilité des plantes et des animaux. Deuxièmement, en ce qui concerne les critères de brevetabilité, plusieurs ALE précisent de quelle manière doivent s'appliquer tout ou partie des critères (nouveauté, activité inventive, applicabilité industrielle), ainsi que l'obligation d'une divulgation suffisante. Certains ALE disposent expressément que des brevets doivent pouvoir être obtenus pour un produit connu si une nouvelle utilisation peut être déterminée et si les critères généraux de brevetabilité sont remplis à cet égard.

(ii) Prolongation de la durée des brevets

Certains ALE exigent que la durée de protection de 20 ans établie par l'Accord sur les ADPIC puisse être prolongée pour les produits pharmaceutiques afin de dédommager le titulaire du brevet de tout raccourcissement déraisonnable de cette durée par suite du processus d'approbation de la commercialisation ou des délais de traitement à l'office des brevets.

(iii) Motifs de délivrance des licences obligatoires

Alors que l'Accord sur les ADPIC ne dresse pas de liste exhaustive des motifs de délivrance des licences obligatoires, certains ALE les limitent aux mesures correctives prévues par le droit de la concurrence, aux situations d'extrême urgence et à l'utilisation publique à des fins non commerciales.

(iv) Épuisement

Au titre de l'Accord sur les ADPIC, et comme l'a confirmé la Déclaration de Doha, les Membres de l'OMC ont la liberté de choisir le régime d'épuisement qui répond le mieux à leurs objectifs de politique nationale (voir le chapitre IV, section C.3 b)). Toutefois, les normes établies par certains ALE confèrent spécifiquement au titulaire d'un brevet le droit de limiter les importations parallèles au moyen de contrats.

(v) Protection des données d'essais

L'article 39:3 de l'Accord sur les ADPIC exige que les pays protègent les données non divulguées résultant d'essais contre l'exploitation déloyale dans le commerce, mais il ne précise pas de quelle manière ni pendant combien de temps (voir le chapitre II, section B.1 c)). En revanche, certains ALE plus récents indiquent qu'une période d'exclusivité doit être appliquée à la protection de ces données; cette période est généralement fixée à cinq ans, mais elle va parfois jusqu'à huit ans. Durant la période d'exclusivité, les autorités réglementaires n'ont pas le droit d'autoriser des fabricants de génériques concurrents à commercialiser le même produit ou un produit similaire sur la base de l'autorisation accordée au laboratoire de princeps, sauf si ce dernier le permet. Dans certains ALE, l'exclusivité des données couvre également les cas où une partie à l'ALE autorise la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché d'un produit réglementé sur la base d'une autorisation antérieure de mise sur le marché du même produit ou d'un produit similaire dans un pays tiers. Cela a pour effet d'empêcher les fabricants de génériques de s'appuyer sur les données d'essais fournies par le laboratoire de princeps au gouvernement d'un autre pays, même si aucune donnée d'essai n'a été fournie au gouvernement du pays dans lequel le fabricant de génériques souhaite commercialiser son produit. L'Accord sur les ADPIC prescrit seulement que les données d'essais doivent être protégées lorsqu'il est obligatoire de les soumettre.

 

(vi) Lien entre commercialisation et brevet

Bien que les autorités gouvernementales puissent à la fois délivrer des brevets pour des produits pharmaceutiques et autoriser la mise sur le marché des produits pharmaceutiques brevetés, les deux fonctions ne sont pas nécessairement liées. La plupart des pays ont des organismes distincts chargés de délivrer les brevets (offices des brevets) et d'homologuer les produits pharmaceutiques et ne lient pas ces deux fonctions.

Il est néanmoins possible de lier l'homologation, qui repose ordinairement sur l'innocuité et l'efficacité, à la situation du produit pharmaceutique en matière de brevet. C'est ce qu'on appelle le lien entre commercialisation et brevet ("patent linkage"), qui peut prendre plusieurs formes. Sous sa forme la plus simple, le lien peut exiger qu'un titulaire de brevet soit simplement informé de l'identité de tout fabricant qui demande l'homologation d'une version générique du médicament princeps. Sous une forme plus stricte, le lien peut interdire la délivrance à un tiers d'une autorisation de mise sur le marché d'un produit pharmaceutique avant l'expiration (ou l'invalidation) du brevet visant ce produit. De façon plus stricte encore, le lien peut interdire non seulement la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché, mais aussi la prise en compte d'une demande relative à un médicament générique durant la période du brevet.

Plusieurs ALE contiennent des dispositions relatives au lien entre commercialisation et brevet; c'est le cas des ALE Colombie‑Mexique, Japon‑Thaïlande, Amérique centrale‑République dominicaine‑États‑Unis (ALEAC‑RD) et de plusieurs autres ALE auxquels les États‑Unis sont partie.

Certaines parties prenantes estiment que le lien entre commercialisation et brevet met les organismes de réglementation dans la position d'un "exécuteur de brevet", que certaines dispositions relatives à ce lien ne prévoient pas d'exception pour les médicaments génériques fabriqués sous licence obligatoire et que les dispositions relatives au lien entre commercialisation et brevet peuvent étendre l'exclusivité de manière injustifiable si l'organisme de réglementation n'est pas en mesure d'engager un examen de la demande relative aux médicaments génériques durant la période du brevet. Par contre, les défenseurs du lien entre commercialisation et brevet font valoir que celui‑ci empêche les atteintes non nécessaires aux droits et accroît la transparence et la prévisibilité en identifiant les brevets qui concernent chaque produit pharmaceutique dans le cadre du processus d'autorisation de mise sur le marché.

 

(vii) Moyens de faire respecter les droits

Bien que les normes établies dans les ALE au sujet des moyens de faire respecter les droits s'appliquent généralement de façon large et non sectorielle, plusieurs d'entre elles peuvent avoir une incidence directe sur le secteur pharmaceutique. Parmi les dispositions pertinentes en la matière figurent, par exemple, l'application de mesures à la frontière à d'autres DPI que les marques et le droit d'auteur (pour lesquels il y a déjà des dispositions obligatoires dans l'Accord sur les ADPIC) et leur application aux marchandises en transit. En un mot, les "mesures à la frontière" permettent aux titulaires de droits de collaborer avec les autorités douanières pour empêcher l'importation de marchandises visées par des DPI.

(viii) Réaffirmation des flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC et des principes de la Déclaration de Doha

Certains ALE confirment expressément l'accord des parties selon lequel les normes fixées par l'ALE dans le domaine des DPI n'affectent pas le droit des parties de prendre des mesures pour protéger la santé publique, ni leur droit d'utiliser la flexibilité additionnelle offerte aux Membres de l'OMC par le système prévu au paragraphe 6 (voir le chapitre IV, section C.3 iii)). Pour certains ALE, cette question est traitée au moyen de ce qu'on appelle des "lettres d'accompagnement" sur la santé publique. Pour d'autres, ces dispositions figurent dans le corps de l'accord. Cette confirmation est destinée à répondre à la crainte que les normes établies dans l'ALE ne limitent les flexibilités offertes au titre de l'Accord sur les ADPIC et des instruments ultérieurs.

(b) Principaux acteurs

Comme l'illustre le tableau 4.1, qui énumère les dispositions ayant une incidence sur le secteur pharmaceutique, les ALE qui clarifient les normes de protection et de respect des DPI ou adoptent des normes plus élevées sont regroupés dans trois grandes zones géographiques, à savoir les États‑Unis, l'Association européenne de libre‑échange (AELE) et l'Union européenne:

  • Depuis 2001, les États‑Unis ont conclu 12 ALE de ce type avec 17 pays. Ces accords couvrent généralement les DPI de façon complète, y compris la plupart des sujets énumérés au tableau 4.1.
  • Depuis le début des années 1990, l'AELE, qui comprend l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse, a conclu un vaste réseau de 24 accords réunissant 33 pays et territoires. Comme le montre le tableau 4.1, la majorité de ces accords comportent des normes plus élevées en ce qui concerne la prolongation de la durée des brevets, l'exclusivité des données d'essais et les mesures destinées à faire respecter les droits à la frontière. Certains autres accords ne figurent pas dans le tableau parce qu'ils ne contiennent pas de chapitre sur les DPI (Canada), se bornent à réaffirmer les dispositions de l'Accord sur les ADPIC (Croatie et Mexique) ou réitèrent les engagements pris au titre des accords internationaux, y compris l'Accord sur les ADPIC, en intégrant une clause relative à l'examen (Conseil de coopération du Golfe et Union douanière d'Afrique australe).
  • Depuis le milieu des années 1990, l'Union européenne a conclu une série d'accords d'association, de partenariat et de commerce (voir les intitulés "Communauté européenne" ou "CE" dans le tableau 4.1). Les accords de stabilisation et d'association (c'est‑à‑dire les accords conclus en vue de faciliter une adhésion ultérieure à l'Union européenne) avec plusieurs pays d'Europe centrale ont pour but d'ajuster le niveau de protection sur celui de l'acquis communautaire (c'est‑à‑dire les droits et obligations communs aux États membres de l'UE, qui incluent les traités et lois de l'UE, les déclarations et résolutions, les accords internationaux sur les affaires européennes et les jugements rendus par la Cour de justice). Il s'agit, entre autres, des obligations de prévoir la prolongation de la durée des brevets, d'assurer l'exclusivité des données d'essais et d'adopter des normes plus élevées en matière de respect des droits. La plupart des accords d'association conclus avec les pays de la région méditerranéenne, ainsi que les accords avec l'Afrique du Sud, le Chili et le Mexique, prévoient une protection conforme aux "normes internationales les plus élevées", sans définir précisément ces normes – ni indiquer en particulier si le point de référence est constitué par les accords multilatéraux (tels que l'Accord sur les ADPIC) ou par un ensemble de normes tel que ceux figurant dans d'autres accords bilatéraux ou régionaux. Les accords conclus récemment avec le Forum des Caraïbes du Groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (CARIFORUM) et la République de Corée illustrent la nouvelle approche de l'Union européenne consistant à négocier un chapitre détaillé sur les DPI, en remplacement de la référence précédemment utilisée aux "normes internationales les plus élevées".

Tableau 4.1 Principales dispositions ayant une incidence sur le secteur pharmaceutique dans

certains ALE

 

Objet de la disposition

ALE

 

Brevetabilité

Prolongation de la durée des brevets

Licences obligatoires

Épuisement

Exclusivité des données d'essais

Lien entre commercialisation et brevet

Moyens de faire respecter les droits

Lettre d'accompagnement/réaffirmation de la Déclaration de Doha

AELE‑Albanie (2010)

 

   

8 ans

 

 

AELE‑Chili (2004)

 

   

5 ans

     

AELE‑Colombie (2011)

 

√ (facultative)

   

Période raisonnable (normalement 5 ans)

   

AELE‑Corée (2006)

 

   

Nombre d'années suffisant ou compensation financière

     

AELE‑Égypte (2007)

       

5 ans

     

AELE‑Hong Kong, Chine (en instance en août 2012)

       

8 ans

     

AELE‑Israël (1993)

Protection des brevets d'un niveau similaire à celui en vigueur dans l'AELE

AELE‑Jordanie (2002)

Protection des brevets d'un niveau similaire à celui en vigueur dans la Convention sur le brevet européen (CBE)

AELE‑Liban (2007)

       

6 ans ou compensation

     

AELE‑Maroc (1999)

Protection des brevets d'un niveau similaire à celui en vigueur dans la CBE

AELE‑Monténégro (en instance)

 

   

8 ans

 

 

AELE‑Pérou (2011)

 

√ (facultative)

   

Période raisonnable (normalement 5 ans)

   

AELE‑Serbie (2010‑2011)

 

   

8 ans

 

 

AELE‑Singapour (2003)

 

           

AELE‑Tunisie (2005)

       

5 ans

     

AELE‑Turquie (1992)

Protection des brevets d'un niveau similaire à celui en vigueur dans la CBE

AELE‑Ukraine (en instance)

 

   

5+1 ans

 

 

ALENA (1994)

       

Période raisonnable (normalement 5 ans)

     

CAFTA‑DR (2006‑2009)

   

5 ans

CE: Accords d'association avec l'Algérie (2005), Israël (2000), la Jordanie (2002), le Maroc (2000), la Tunisie (1998) et Accord intérimaire avec le Liban (2003)

Protection conforme aux normes internationales les plus élevées

CE: Accord d'association avec l'Égypte (2004)

Protection conforme aux normes internationales en vigueur

CE: Accords de stabilisation et d'association avec l'ex-République yougoslave de Macédoine (2004), la Croatie (2005), l'Albanie (2009), le Monténégro (2010)

Niveau de protection similaire à l'acquis européen

CE‑Afrique du Sud (2000), Chili (2003), Mexique (2000)

Protection conforme aux normes internationales les plus élevées

CE‑CARIFORUM (en instance en août 2012)

           

CE‑Corée (application provisoire en juillet 2011)

 

   

5 ans

 

CE‑Turquie (1995)

Niveau de protection similaire au corpus commun de législation et de jurisprudence de l'UE (acquis)

États‑Unis‑Australie (2005)

5 ans

 

États‑Unis‑Bahreïn (2006)

   

5 ans

États‑Unis‑Chili (2004)

   

5 ans

 

États‑Unis‑Colombie (en instance)

√ (facultative)

   

Période raisonnable (normalement 5 ans)

États‑Unis‑Corée (2012)

   

5 ans

États‑Unis‑Jordanie (2001)

 

   

   

États‑Unis‑Maroc (2006)

 

55 ans

États‑Unis‑Oman (2009)

   

5 ans

États‑Unis‑Panama (2011)

 

   

Période raisonnable (normalement 5 ans)

États‑Unis‑Pérou (2009)

 

   

Période raisonnable (normalement 5 ans)

États‑Unis‑Singapour (2004)

 

 

5 ans

 

Japon‑Suisse

 

   

6 ans

 

 

Source: Secrétariat de l'OMC.

Note: Ce tableau représente uniquement les dispositions des ALE qui établissent des normes supérieures et ne tient pas compte de celles qui se bornent à réaffirmer l'Accord sur les ADPIC.

Si la plupart des ALE conclus par les États‑Unis, l'Union européenne et l'AELE contiennent des dispositions ayant une incidence sur le secteur pharmaceutique, c'est parce que les États‑Unis, l'Union européenne et la Suisse sont les plus grands producteurs et exportateurs mondiaux de produits pharmaceutiques.69Les dispositions relatives aux brevets ou à la protection des données d'essais sont comparativement rares, voire absentes, dans les ALE auxquels ne participent pas les États‑Unis, l'Union européenne ou l'AELE, surtout lorsque ces accords sont conclus uniquement entre des pays en développement ou que des PMA y participent. Certains de ces ALE contiennent des dispositions détaillées relatives aux brevets et/ou à la protection des données d'essais, mais ces dispositions réaffirment ordinairement les normes de l'Accord sur les ADPIC, à l'exception notable de l'accord entre la Colombie et le Mexique, qui prévoit l'exclusivité des données pendant une période fixée "normalement" à cinq ans.

(c) Analyse de l'impact économique

Certaines études traitent de l'impact économique des dispositions des ALE relatives aux DPI sur le secteur pharmaceutique. Ainsi, une étude de 2009 commandée par le CICDD estime que le CAFTA‑DR entraînerait une hausse annuelle des prix des ingrédients actifs au Costa Rica comprise entre 18% et 40% d'ici à 2030, ce qui exigerait une augmentation des dépenses publiques allant de 2 à 3,357 millions de dollars EU. Les plus fortes répercussions devraient venir des normes relatives aux critères de brevetabilité et de celles relatives à l'exclusivité des données d'essais.70Selon une étude similaire de 2009 concernant la République dominicaine, le prix des ingrédients actifs devrait enregistrer une hausse modeste de 9% à 15% d'ici à 2027. Le plus fort impact serait, de loin, celui des dispositions relatives à l'exclusivité des données. Fait intéressant, les auteurs indiquent aussi que les asymétries d'information et les imperfections de la politique gouvernementale auraient plus d'effet sur les prix que les changements apportés aux régimes de propriété intellectuelle.71Une étude de 2012 réalisée par deux organisations de la société civile en Colombie constate que l'introduction de l'exclusivité des données en échange de préférences commerciales en 2002, confirmée ensuite dans les négociations sur les ALE, s'est traduite par des dépenses supplémentaires de 412 millions de dollars EU.72Enfin, un document d'information établi par Oxfam en 2007 estime à 20% la hausse des prix des médicaments en Jordanie depuis la conclusion de l'accord avec les États‑Unis. Là encore, l'exclusivité des données est jugée responsable du retard de l'entrée sur le marché de près de 80% des versions génériques de nouveaux médicaments entre 2002 et 2006, ce qui aurait entraîné, selon les estimations, une hausse des dépenses de médicaments comprise entre 6,30 et 22,04 millions de dollars EU.73

Cependant, l'évaluation isolée de l'impact économique de certains chapitres des ALE ne rend peut‑être pas justice à l'architecture globale des ALE et aux effets qui en résultent en termes de création de richesse, d'amélioration du niveau de vie et d'instauration de procédures transparentes et non discriminatoires permettant, entre autres choses, d'obtenir le meilleur rapport qualité‑prix. Les évaluations d'impact réalisées par les parties à un ALE particulier et qui portent sur les effets de l'ALE dans son ensemble sont plus courantes.74

Chacune des huit normes plus élevées adoptées dans les ALE – en elle‑même ou en conjonction avec d'autres – peut avoir un effet à la fois sur la création de technologies médicales et sur l'accès ultérieur à ces technologies. Cet effet est généralement dû non seulement à l'incitation à inventer des technologies médicales dans un premier temps, mais aussi au retard apporté à l'arrivée de génériques sur le marché pendant une certaine période suivant l'invention initiale. Les facteurs qui peuvent retarder l'entrée de génériques sur le marché sont, entre autres, le fait que les flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC sont interprétées ou limitées de façon plus stricte que pour les Membres de l'OMC en général. La tendance à inclure des dispositions détaillées sur les DPI se maintient, y compris dans les ALE négociés récemment par l'Union européenne. Mais, dans le même temps, la tendance à inclure dans ces accords des sauvegardes en matière de santé publique – que ce soit dans un chapitre sur la propriété intellectuelle ou dans des lettres d'accompagnement – s'est aussi nettement accentuée au cours des dix dernières années.

L'OMC, quant à elle, peut contribuer au suivi et à la sensibilisation grâce, entre autres choses, à l'examen des ALE notifiés au Comité des accords commerciaux régionaux et à l'examen régulier des politiques commerciales nationales au titre du Mécanisme d'examen des politiques commerciales. Les Membres de l'OMC peuvent aussi, en se fondant sur l'article 63:3 de l'Accord sur les ADPIC, demander l'accès aux accords bilatéraux des autres Membres ou solliciter des renseignements à leur sujet.

L'OMS, pour sa part, a déjà adopté plusieurs résolutions demandant expressément à ses États membres de prendre en compte, dans leurs accords commerciaux, les flexibilités prévues par l'Accord sur les ADPIC et les instruments ultérieurs (tels que la Déclaration de Doha et le système prévu au paragraphe 6) (voir, par exemple, l'élément 5.2 c) de la GSPA‑PHI adoptée par la résolution WHA 61.21 de l'Assemblée mondiale de la santé, qui recommande de tenir compte des effets sur la santé publique en envisageant l'adoption de l'application d'une protection de la propriété intellectuelle allant au‑delà de celle prévue par l'Accord sur les ADPIC).75


1. [1999] RPC 253 (Pat. Ct.) [51], aff'd in part [2001] RPC 1 (CA) (Royaume‑Uni). retour au texte

2. Voir le document de l'OMPI SCP/12/3 Rev.2, annexe II, pour des renseignements sur les lois nationales relatives à l'exclusion de la brevetabilité. retour au texte

3. Ces renseignements peuvent être consultés à l'adresse suivante: www.wipo.int/patent­law/en/guidelines.htmlretour au texte

4. Voir www.wipo.int/pct/en/texts/gdlines.htmlretour au texte

5. Document de l'OMPI WIPO/SCP/12/3 Rev.2. retour au texte

6. Voir www.wipo.int/pct/en/quality/authorities.htmlretour au texte

7. Voir www.wipo.int/meetings/en/topic.jsp?group_id=61retour au texte

8.Pour des renseignements complémentaires sur l'état de la technique, voir le chapitre II, note de fin n° 67. retour au texte

9. Source: Base de données statistiques de l'OMPI. retour au texte

10. Voir http://ec.europa.eu/competition/sectors/ pharmaceuticals/inquiry/communication_en.pdfretour au texte

11. In the Matter of Patent Application n° 712/del/2002, ordonnance du 18 mars 2009. retour au texte

12. Cette exception est parfois appelée exception "Bolar" d'après la décision rendue par un tribunal des États‑Unis dans l'affaire Roche Products contre Bolar Pharmaceuticals, qui avait considéré que ce type d'utilisation constituait une atteinte aux droits conférés par un brevet, ce qui a conduit à l'adoption d'une législation définissant ce type d'utilisation comme une exception autorisée aux droits conférés par un brevet (Roche Products v. Bolar Pharmaceuticals, 733 F.2d. 858 (Fed. Cir. 1984)). retour au texte

13. Document de l'OMC WT/DS114. retour au texte

14. Document de l'OMPI CDIP/5/4, annexe II. retour au texte

15. Cette question a été soulevée lors de consultations avec le Brésil demandées par les États‑Unis au titre du mécanisme de règlement des différends de l'OMC. La solution mutuellement convenue figure dans le document de l'OMC WT/DS199/4. retour au texte

16. Voir l'article L613‑16 du Code français de la propriété intellectuelle et l'article 67 de la Loi marocaine relative à la propriété industrielle. retour au texte

17. Document de l'OMPI CDIP/5/4, pages 19 et 20. retour au texte

18. Voir http://ipindia.nic.in/ipoNew/compulsory_ License_12032012.pdf. Au moment de la rédaction du présent ouvrage (décembre 2012), l'appel déposé par le titulaire du brevet était en instance.  retour au texte

19. Document de l'OMC IP/C/57, paragraphe 19. Voir le chapitre II. retour au texte

20. Document de l'OMC IP/C/M/65, paragraphe 151. retour au texte

21. Voir www.citizen.org/documents/PresidentalDecree20121.pdfretour au texte

22. Document de l'OMC WT/TPR/S/255, paragraphe 173. retour au texte

23. Pour plus de détails, voir les documents de l'OMC IP/C/M/63, paragraphes 359 à 370, WT/TPR/S/254/Rev.1, paragraphe 140, et IP/C/57, paragraphe 113. retour au texte

24. Voir www.iepi.gob.ec/module-contenido-viewpub-tid-4­pid-184.htmlretour au texte

25. Voir ‘t Hoen (2009). retour au texte

26. Voir: le document de l'OMC IP/C/61, paragraphes 50 à 55; et Khor (2007), page 18. retour au texte

27. Voir www.twobirds.com/English/News/Articles/Pages/ italy_court_quashes_decision_1012.Aspxretour au texte

28. Voir www.wto.org/english/tratop_e/trips_e/amendment_e.htmretour au texte

29. Voir www.cptech.org/blogs/drugdevelopment/2006/11/ noah-novogrodsky-on-compulsory.htmlretour au texte

30. Document de l'OMC IP/C/M/64, paragraphe 104. retour au texte

31. Document de l'OMC IP/N/9/RWA/1. retour au texte

32. Document de l'OMC IP/N/10/CAN/1. retour au texte

33. Document de l'OMC IP/C/M/64, para. 116. retour au texte

34. Voir www.apotex.com/apotriavir/default.aspretour au texte

35. Source: Document de l'OMC IP/C/M/64. retour au texte

36. Voir l'appendice joint à la Déclaration du Président, document de l'OMC WT/GC/M/82. retour au texte

37. Voir www.medicinespatentpool.org/LICENSING/Current-Licencesretour au texte

38. Voir www.pharmalot.com/2011/12/ johnson-johnson-rebuffs-medicines-patent-pool/retour au texte

39. Voir: www.medicinespatentpool.org/LICENSING; www.i-mak. org/publications/; et www.msfaccess.org/content/ msf-review-july-2011-gilead-licences-medicines-patent-poolretour au texte

40. Voir www.i-mak.org/storage/Oxfam%20-%20Voluntary%20Licensing%20Research%20IMAK%20Website.pdfretour au texte

41. www.cptech.org/ip/health/d4T.htmlretour au texte

42. Voir www.medicinespatentpool.org/patentdata/patentstatusofarvs/retour au texte

43 Voir: http://utw.msfaccess.org/; et www.msfaccess.org/sites/default/files/MSF_assets/Access/Docs/ACCESS_book_GlobalPolitics_tHoen_ENG_2009.pdfretour au texte

44. Source: www.accesstomedicineindex.org/retour au texte

45. Voir le document de l'OMPI CDIP/5/4 Rev., annexe II. retour au texte

46. Voir www.iprcommission.org/graphic/documents/final_report.htmretour au texte

47. Voir le document de l'OMPI CDIP/5/4 Rev., annexe II. retour au texte

48. Voir www.wipo.int/sme/en/ip_business/export/international_exhaustion.htmretour au texte

49. Voir le document de l'OMPI CDIP/5/4 Rev., annexe II. retour au texte

50. Voir www.weko.admin.ch/aktuell/00162/index.html?download=NHzLpZeg7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1ad1IZn4Z2qZpnO2Yuq2Z6gpJCDdH94fWym162epYbg2c_ JjKbNoKSn6A—&lang=enretour au texte

51.Document de l'OMC WT/DS170. retour au texte

52. Journal officiel de l'UE L152/1 du 16 juin 2009. retour au texte

53. La question a été soulevée pour la première fois à la 124ème réunion du Conseil exécutif de l'OMS en janvier 2009. Le Brésil et l'Inde l'ont soulevée à nouveau à la réunion du Conseil général de l'OMC le 3 février 2009 au titre des "Autres questions", ainsi qu'aux réunions du Conseil des ADPIC du 3 mars 2009 (document de l'OMC IP/C/M/59, paragraphes 122 à 191) et du 8 juin 2009. retour au texte

54. Journal officiel de l'UE 2003 L196/7. retour au texte

55. Documents de l'OMC WT/DS408/1 et WT/DS409/1. retour au texte

56. Voir http://pib.nic.in/newsite/erelease.aspx?relid=73554retour au texte

57. Voir http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/customs/ customs_controls/counterfeit_piracy/legislation/guidelines_on_transit_en.pdfretour au texte

58. Affaires jointes C‑446/09 (Philips contre LuchengMeijing) et C‑495/09 (Nokia contre Her Majesty's Commissioners of Revenue and Customs). retour au texte

59. Voir www.ige.ch/en/legal-info/legal-areas/patents.htmlretour au texte

60. Voir les déclarations faites par les participants aux négociations sur l'ACAC à la réunion du Conseil des ADPIC d'octobre 2011, document de l'OMC IP/C/M/67, paragraphes 457 à 508. retour au texte

61. Documents de l'OMC IP/C/M/69, paragraphes 230 à 310, IP/C/M/67, paragraphes 456 à 543, et IP/C/M/63, paragraphes 248 à 336. Voir aussi le chapitre III et l'annexe II. retour au texte

62. Document de l'OMC IP/C/W/563. retour au texte

63. Voir www.aidslawproject.org/wp-content/uploads/2012/04/ Judgment-Petition-No-409-of-2009-Anti-counterfeit-case.pdfretour au texte

64. Le contenu et les sources de l'information en matière de brevets sont expliqués au chapitre II, section B.1 b) viii). retour au texte

65. Voir: www.who.int/phi/access_medicines_feb2011/en/index. html; www.wipo.int//meetings/en/2011/who_wipo_wto_ip_ med_ge_11/; et www.wto.org/english/news_e/news11_e/ trip_18feb11_e.htmretour au texte

66. Aux premiers stades de développement, il se peut que la DCI du produit n'ait pas encore été attribuée. L'un des moyens utiles d'enregistrer des composants peut être d'utiliser des représentations textuelles de la structure (par exemple l'identifiant chimique international (InChI) de l'Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA), www.iupac.org/home/publications/e-resources/inchi.html).Pour l'instant, l'InChI n'accepte pas, par exemple, les structures de Markush, mais des projets sont en cours pour étendre le système afin qu'il puisse décrire de nombreux types de structures chimiques. retour au texte

67. La CIB, créée par l'Arrangement de Strasbourg sur la classification internationale des brevets, est un système hiérarchique de symboles indépendants de la langue pour le classement des brevets et des modèles d'utilité selon les différents domaines technologiques auxquels ils appartiennent. L'application normalisée des symboles de la CIB aux documents de brevet par des experts permet des recherches indépendantes de la langue sur les brevets et fait de la CIB un instrument de recherche indispensable. Pour plus de renseignements, voir www.wipo.int/ classifications/ipc/enretour au texte

68. Voir www.wipo.int/tisc/en/retour au texte

69. Voir IFPMA (2011, p. 46). retour au texte

70. Voir http://ictsd.org/i/publications/68413/retour au texte

71. See http://ictsd.org/i/publications/68155/retour au texte

72. Une version espagnole de ce rapport peut être consultée à l'adresse www.ifarma.orgretour au texte

73. Voir http://donttradeourlivesaway.files.wordpress.com/2011/01/all-costs-no-benefits.pdfretour au texte

74.Voir, par exemple, le site Web du Bureau du Représentant des États‑Unis pour les questions commerciales internationales au sujet des accords conclus par les États‑Unis avec leurs partenaires commerciaux: www.ustr.gov/trade-agreements/ free-trade-agreementsretour au texte

75.En 2010, le Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'OMS a publié un guide sur les dispositions ADPIC‑plus des accords commerciaux bilatéraux relatives à la santé publique à l'intention des personnes chargées de négocier et de mettre en œuvre ces accords dans la région (El Said, 2010). Voir www.who.int/ phi/publications/category_ip_trade/en/index.htmlretour au texte