DIXIÈME CONFÉRENCE CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'OMC, NAIROBI 2015

Note d'information: questions relatives à l'agriculture

L'agriculture est l'une des questions du programme de négociation de l'OMC les plus importantes et les plus sensibles d'un point de vue politique. À la dixième Conférence ministérielle de Nairobi, les Membres de l'OMC ont adopté un certain nombre de décisions importantes sur l'agriculture, y compris l'engagement de supprimer les subventions à l'exportation pour les exportations de produits agricoles, une décision sur la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire et une autre sur le mécanisme de sauvegarde spéciale pour les pays en développement.

Avertissement

Mise à jour: novembre 2015

CETTE EXPLICATION a pour objet d'aider le public à mieux comprendre les questions traitées à l'OMC. Bien que tout ait été fait pour garantir l'exactitude des renseignements qui y figurent, l'article ne préjuge pas des dispositions des gouvernements membres.

Concurrence à l'exportation

L'élimination des subventions à l'exportation de produits agricoles, les nouvelles règles pour les crédits à l'exportation et les décisions sur l'aide alimentaire internationale et les entreprises commerciales d'État exportatrices constituent une importante partie du "paquet de Nairobi" adopté à la dixième Conférence ministérielle de l'OMC en décembre 2015. Prises ensemble, ces questions sont désignées sous l'appellation de "concurrence à l'exportation".

La décision d'éliminer complètement toutes les formes de subventions à l'exportation des produits agricoles est une décision historique qui constitue une étape importante de la réforme du commerce des produits agricoles. Elle garantit que les pays n'utiliseront pas de subventions à l'exportation ayant des effets de distorsion des échanges et crée ainsi des conditions égales pour les exportateurs de produits agricoles. Elle est particulièrement importante pour les agriculteurs des pays pauvres qui n'ont pas les moyens de faire concurrence aux pays riches, lesquels stimulent artificiellement leurs exportations au moyen de subventions.

Du fait du niveau élevé des produits de base ces dernières années, de nombreux pays ont sensiblement réduit leurs subventions à l'exportation et seuls quelques Membres de l'OMC recourent encore à ces subventions, indique une enquête réalisée en 2015 par l'OMC. Mais quand les prix sont bas, les pays recourent souvent aux subventions à l'exportation — et l'histoire a montré qu'une fois qu'un pays le fait, les autres suivent rapidement l'exemple. Grâce à la décision adoptée par les Ministres à Nairobi, les Membres de l'OMC ne recourront plus à de telles mesures à l'avenir.

Au titre de la Décision ministérielle sur la concurrence à l'exportation (WT/MIN(15)/45) adoptée à Nairobi, les pays développés élimineront immédiatement les subventions à l'exportation, sauf pour quelques produits agricoles, et les pays en développement feront de même d'ici à 2018, avec un délai plus long dans certains cas limités. En outre, les pays en développement conserveront la flexibilité leur permettant de couvrir les coûts de commercialisation et de transport pour les exportations de produits agricoles jusqu'à la fin de 2023, tandis que les pays les plus pauvres et importateurs de produits alimentaires bénéficieront d'un délai additionnel pour réduire les subventions à l'exportation.

D'autres politiques d'exportation, comme le financement des exportations, l'aide alimentaire internationale et les opérations des entreprises commerciales d'État exportatrices peuvent aussi être utilisées pour favoriser les exportations de produits agricoles et contourner les dispositions relatives aux subventions à l'exportation. La décision de Nairobi contient des règles visant à réduire au minimum les distorsions causées par ces politiques sur les échanges internationaux. Celles-ci incluent des délais de remboursement maximaux pour les programmes de financement des exportations pour les exportateurs de produits agricoles bénéficiant d'un soutien de l'État, des dispositions sur les entreprises commerciales d'État faisant le commerce de produits agricoles, et des disciplines visant à faire en sorte que l'aide alimentaire ne détourne pas les échanges et n'affecte pas de manière négative la production nationale.

La concurrence à l'exportation est une question qui fait depuis longtemps partie des négociations sur l'agriculture menées à l'OMC et l'élimination de toutes les formes de subventions à l'exportation des produits agricoles constituait l'un des Objectifs de développement durable de l'Organisation des Nations Unies lancés en 2015. La prolifération des subventions à l'exportation durant les années qui ont précédé le Cycle d'Uruguay a été l'une des questions clés abordées dans ces négociations et est restée un sujet brulant ces dernières années à l'OMC. Alors que les subventions à l'exportation pour les produits industriels sont interdites depuis plus de 50 ans, les subventions pour les produits agricoles n'étaient soumises qu'à des disciplines limitées. Les Ministres sont finalement convenus à la Conférence ministérielle de l'OMC tenue à Bali en 2013 que les Membres "agir[aient] avec la plus grande modération" dans l'utilisation de toutes formes de subventions à l'exportation et feraient "en sorte, dans toute la mesure du possible" que des efforts vers l'élimination de toutes les formes de subventions à l'exportation soient maintenus. La décision de Nairobi représente un grand pas en avant pour le commerce des produits agricoles en éliminant totalement toutes formes de subventions à l'exportation des produits agricoles.

 

Détention de stocks publics

À la Conférence de Nairobi, les Ministres ont adopté une décision sur la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire (WT/MIN(15)/44) au titre de laquelle les Membres de l'OMC s'engagent dans un esprit constructif à trouver une solution permanente à cette question. Pour parvenir à cette solution permanente, les négociations sur ce sujet se tiendront dans le cadre de sessions spécifiques et suivant un calendrier accéléré.

Les programmes de détention de stocks publics sont utilisés par certains pays en développement pour acheter des produits alimentaires à des prix administrés à des fins de sécurité alimentaire. Si la sécurité alimentaire est un objectif légitime, les programmes de détention de stocks publics sont considérés comme faussant les échanges lorsqu'ils s'accompagnent d'achats à des prix fixés par les pouvoirs publics, dénommés prix "soutenus" ou "administrés". Le montant du soutien accordé dans le cadre des programmes de détention de stocks publics à des prix administrés est donc comptabilisé comme soutien interne faussant les échanges, soumis aux limites de la "mesure globale du soutien" (MGS).

À la Conférence ministérielle de Bali de 2013, il a été convenu que le programme existant devrait être protégé de toute contestation juridique dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture jusqu'à ce qu'une solution définitive soit trouvée. Il est prescrit que cette dernière doit être adoptée à la onzième Conférence ministérielle, en 2017. Le Conseil général, en novembre 2014, a également prescrit aux Membres de faire tous les efforts concertés possibles pour adopter une solution permanente d'ici au 31 décembre 2015.

Depuis Bali, les Membres ont avancé quelques idées pour tenter de trouver une solution permanente. Une proposition a été soumise par le Groupe G-33 de pays en développement le 16 juillet 2014. Cette proposition reprenait pour l'essentiel celle de 2012 présentée par le Groupe avant Bali, consistant à reclasser le soutien fourni dans le cadre de ces programmes dans la "catégorie verte" (soutien interne à l'agriculture autorisé sans limitation parce que ses effets de distorsion des échanges sont nuls, au plus minimes). En novembre 2015, le Groupe a présenté une autre proposition qui demande simplement que les programmes de stocks publics d'un certain type ne soient pas inclus dans le calcul de la MGS d'un pays.

Or d'autres Membres estiment que, même si ces programmes visent à répondre aux préoccupations concernant la sécurité alimentaire, l'utilisation de prix administrés peut toutefois avoir des conséquences imprévues sur le commerce international et sur la sécurité alimentaire d'autres Membres. Ils contestent donc l'idée que ces programmes doivent être considérés comme "ayant des effets de distorsion des échanges minimes". Les pays ayant des préoccupations concernant la proposition du G-33 comprennent des pays en développement comme le Brésil, la Colombie, le Pakistan, le Paraguay et la Thaïlande, ainsi que des pays développés comme l'Australie, le Canada, les États-Unis, la Norvège et l'Union européenne.

Les États-Unis ont présenté un document sur les éléments proposés pour examen concernant la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire en mars 2015. Un examen des politiques actuelles en matière de sécurité alimentaire et l'élaboration des meilleures pratiques par les Membres de l'OMC y étaient recommandés. De plus, d'autres propositions plus générales faisant référence à la question de la détention de stocks publics ont été présentées par le Groupe des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les pays en développement du G-33 et le G-90, qui comprend les pays en développement les plus pauvres et les plus petits.

Pour en savoir plus sur la détention de stocks à des fins de sécurité alimentaire dans les pays en développement

 

Mécanisme de sauvegarde spéciale

Les Ministres réunis à Nairobi ont adopté une décision sur le mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS) en faveur des pays en développement (WT/MIN(15)/43), mécanisme qui permettrait aux pays en développement de relever temporairement les tarifs sur les produits agricoles en cas de poussées des importations ou de baisses des prix. En vertu de cette décision, les Membres de l'OMC continueront de négocier le mécanisme dans le cadre de sessions spécifiques du Comité de l'agriculture réuni en Session extraordinaire, et le Conseil général examinera régulièrement les progrès accomplis.

La question de la création d'un mécanisme de sauvegarde spéciale qui serait utilisé par les pays en développement s'inscrit dans le pilier accès aux marchés des négociations sur l'agriculture. Il y a eu des désaccords entre les Membres sur divers aspects du MSS. Une coalition de pays en développement insistant sur des flexibilités en ce qui concerne l'ouverture des marchés, connue sous le nom de G-33", a plaidé en faveur d'un mécanisme simple et accessible en tant que mesure corrective commerciale pour atténuer les risques de volatilité des prix et contrebalancer les distorsions du commerce de produits agricoles. D'autres Membres ont demandé qu'il y ait suffisamment de disciplines dans le cadre du MSS, de façon à ne pas compromettre les efforts de réforme de l'accès aux marchés dans les négociations, ainsi que les engagements existants en matière de consolidations tarifaires. Certains pays en développement ont spécifiquement fait part de préoccupations concernant l'effet négatif potentiel du MSS sur leurs exportations en général et sur le commerce entre pays en développement en particulier.

Les défenseurs du MSS ont soumis deux propositions révisées en octobre 2015 et novembre 2015 couvrant certains aspects spécifiques liés aux éléments opérationnels (produits visés, mesures correctives, durée, etc.). Les propositions révisées évoquent la possibilité d'une approche similaire à la sauvegarde spéciale pour l'agriculture — un mécanisme que peuvent utiliser 34 Membres, tant développés qu'en développement, qui ont procédé à la "tarification" (c'est-à-dire la conversion en tarifs de toutes les mesures non tarifaires) dans le cadre du Cycle d'Uruguay, et ce mécanisme est visé à l'article 5 de l'Accord sur l'agriculture.

Dans les discussions initiales sur la proposition du G-33 révisée, d'autres Membres ont accueilli favorablement l'orientation et les grandes lignes de la proposition. Les positions des Membres diffèrent sur la question du lien entre le MSS et les négociations globales sur l'accès aux marchés.

Soutien interne et accès aux marchés

Les négociations sur les deux autres piliers de la réforme du commerce des produits agricoles — soutien interne et ouverture des marchés — font l'objet de divisions profondes entre les Membres. Néanmoins, à Nairobi, les Ministres se sont engagés à faire avancer les négociations sur les questions restantes de Doha, y compris le soutien interne et l'ouverture des marchés.

Plus de renseignements sur les négociations

www.wto.org/agnegs

Pour en savoir plus sur les groupes dans les négociations à l'OMC

https://www.wto.org/ddagroups

 

Comprendre le jargon

Subventions: Une forme d'aide ou de soutien financier accordé à un secteur économique. Il y a deux grands types de subventions: les subventions à l'exportation et les subventions internes. Une subvention à l'exportation est octroyée à une entreprise par les pouvoirs publics et est subordonnée aux exportations. Une subvention interne n'est pas directement liée aux exportations.

Concurrence à l'exportation: Les subventions à l'exportation et les questions "parallèles", qui pourraient offrir des failles pour les engagements en matière de subventions des exportations des pouvoir publics — financement à l'exportation (crédit, garanties et assurance), entreprises commerciales d'État exportatrices et aide alimentaire internationale.

Délai de remboursement maximal: Dans les programmes de crédit et de financement à l'exportation, la période la plus longue accordée entre le début d'un crédit et la date contractuelle du paiement final.

Modalité: Dans les négociations à l'OMC, les modalités définissent les grandes lignes — comme des formules ou des approches pour les réductions tarifaires — des engagements finals.

Mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS): Dans les négociations sur l'agriculture du Cycle de Doha: instrument qui permettra aux pays en développement de relever temporairement leurs tarifs pour faire face à des poussées des importations ou à des baisses des prix.

Sauvegarde spéciale (SGS): Augmentation temporaire du droit d'importation pour faire face à des poussées des importations ou à des chutes des prix, en vertu de dispositions qui sont propres à l'Accord sur l'agriculture.

Tarification: Procédures relatives aux dispositions sur l'accès aux marchés pour les produits agricoles consistant à transformer toutes les mesures non tarifaires en tarifs.

Catégorie orange: Soutien interne à l'agriculture considéré comme ayant des effets de distorsion des échanges et donc soumis aux engagements de réduction. Il est calculé, en principe, en tant que "mesure globale du soutien" (MGS).

Mesure globale du soutien (MGS): Soutien interne à l'agriculture considéré comme ayant des effets de distorsion des échanges et donc soumis aux engagements de réduction, également connu sous le terme de "catégorie orange".

Catégorie verte: Soutien interne à l'agriculture qui est autorisé sans limitation parce que ses effets de distorsion des échanges sont nuls ou, au plus, minimes.