RèGLEMENT DES DIFFÉRENDS

DS: Turquie — Certaines mesures concernant la production, l'importation et la commercialisation de produits pharmaceutiques

Le présent état récapitulatif a été élaboré par le Secrétariat sous sa propre responsabilité. Il est établi uniquement à titre d’information générale et n’affecte en rien les droits et obligations des Membres.

  

Voir aussi:

haut de page

Situation actuelle 

 

haut de page

Faits essentiels 

 

haut de page

Document le plus récent

  

haut de page

État du différend à ce jour

Le résumé ci-dessous a été actualisé le

Consultations

Plainte de l'Union européenne

Le 2 avril 2019, l'Union européenne a demandé l'ouverture de consultations avec la Turquie au sujet de différentes mesures concernant la production, l'importation et la commercialisation de produits pharmaceutiques. Les mesures indiquées par l'Union européenne comprennent les actes allégués suivants: une prescription relative à la localisation, une prescription relative au transfert de technologie, une interdiction d'importer des produits localisés et une mesure de priorisation.

L'Union européenne a allégué ce qui suit:

  • Il apparaît que la prescription relative à la localisation et la mesure de priorisation sont incompatibles avec l'article III:4 du GATT de 1994.
     
  • Il apparaît que la prescription relative à la localisation, la prescription relative au transfert de technologie et la mesure de priorisation sont incompatibles avec l'article X:1 et X:3 a) du GATT de 1994.
     
  • Il apparaît que les quatre catégories de mesures contestées sont incompatibles avec l'article X:2 du GATT de 1994.
     
  • Il apparaît que l'interdiction d'importer des produits localisés est incompatible avec l'article XI:1 du GATT de 1994.
     
  • Il apparaît que prescription relative à la localisation est incompatible avec l'article 2:1 de l'Accord sur les MIC et l'article 3.1 b) de l'Accord SMC.
     
  • Il apparaît que la prescription relative au transfert de technologie est incompatible avec les articles 3:1, 27:1, 28:2, 39:1 et 39:2 de l'Accord sur les ADPIC.

L'Union européenne a présenté, conjointement avec sa demande de consultations, un exposé des éléments de preuve disponibles conformément à l'article 4.2 de l'Accord SMC.

Le 18 avril 2019, les États-Unis ont demandé à participer aux consultations.

 

Procédures du Groupe spécial et de l'Organe d'appel

Le 2 août 2019, l'Union européenne a demandé l'établissement d'un groupe spécial. À sa réunion du 15 août 2019, l'ORD a reporté l'établissement d'un tel groupe.

À sa réunion du 30 septembre 2019, l'ORD a établi un groupe spécial. Le Brésil, le Canada, la Chine, les États‑Unis, la Fédération de Russie, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, la Suisse et l'Ukraine ont réservé leurs droits de tierces parties.

Le 4 mars 2020, l'Union européenne a demandé au Directeur général d'arrêter la composition du Groupe spécial. Le 17 mars 2020, le Directeur général a arrêté la composition du Groupe spécial.

Le 15 septembre 2020, le Président du Groupe spécial a informé l'ORD qu'au vu du retard causé par la pandémie mondiale de COVID-19, le Groupe spécial ne comptait pas remettre son rapport final aux parties avant le deuxième semestre de 2021. Le Président a informé l'ORD que le rapport serait rendu public une fois distribué aux Membres dans les trois langues officielles et que la date de distribution dépendait de la finalisation de la traduction.

Le rapport final confidentiel a été remis aux parties le 11 novembre 2021 et le Groupe spécial a informé les parties que la distribution du rapport était prévue pour la mi-janvier 2022. Le 22 décembre 2021, le Président du Groupe spécial a informé l'ORD que le Groupe spécial avait accédé à la demande de l'Union européenne du 20 décembre 2021, à laquelle la Turquie a indiqué ne pas s'opposer le même jour, visant à ce que le Groupe spécial suspende ses travaux, conformément à l'article 12:12 du Mémorandum d'accord, jusqu'au 21 janvier 2022 inclus. Le Président du Groupe spécial a informé l'ORD les 21 janvier 2022, 10 février 2022 et 24 février 2022 que le Groupe spécial avait accédé aux demandes ultérieures de prolongation de la suspension de ses travaux présentées par l'Union européenne.

Le 22 mars 2022, les parties ont conjointement communiqué au Groupe spécial et à l'ORD qu'elles étaient convenues de procédures pour l'arbitrage au titre de l'article 25 du Mémorandum d'accord. Au moyen de ces procédures convenues, la Turquie et l'Union européenne ont demandé conjointement au Groupe spécial de suspendre ses travaux pour une durée indéterminée, conformément à l'article 12:12 du Mémorandum d'accord, sauf dans la mesure nécessaire pour donner effet à certaines demandes conjointes des parties. Le Groupe spécial a accepté cette demande.

En outre, les parties ont demandé au Groupe spécial de transmettre le rapport final aux parties et aux tierces parties, sans le distribuer, afin de permettre aux parties de divulguer le rapport si elles avaient recours à un arbitrage au titre de l'article 25 conformément à leurs procédures convenues. Le Groupe spécial a accédé aux demandes des parties. Il a donc transmis son rapport aux parties et aux tierces parties et est convenu que le rapport cesserait d'être confidentiel si les parties avaient recours à un arbitrage au titre de l'article 25 conformément à leurs procédures convenues. 

 

Arbitrage au titre de l'article 25 du Mémorandum d'accord

Dans les procédures convenues pour l'arbitrage au titre de l'article 25 du Mémorandum d'accord, les parties ont indiqué qu'elles étaient mutuellement convenues, conformément à l'article 25:2 du Mémorandum d'accord, “de recourir à l'arbitrage au titre de l'article 25 du Mémorandum d'accord pour qu'il soit statué sur tout appel de tout rapport final du groupe spécial remis aux parties dans le différend DS583.”

Le 25 avril 2022, la Turquie a présenté une notification de recours à l'article 25 au titre de ces procédures convenues. Dans ces procédures, les parties désignent cette notification par l'expression “déclaration d'appel”. Cette notification a été distribuée à l'ORD le 28 avril 2022. Elle comprend le texte intégral du rapport transmis par le Groupe spécial aux parties, qui est donc public même s'il n'a pas été distribué par le Groupe spécial aux fins de l'article 16 du Mémorandum d'accord. Vous trouverez ci-après un résumé du rapport du Groupe spécial tel qu'il figure dans la notification de recours à l'article 25 présentée par la Turquie:

L'Union européenne a contesté trois mesures qui sont décrites ci-après:

  1. une “prescription relative à la localisation” en vertu de laquelle la Turquie exige des producteurs étrangers qu'ils s'engagent à localiser sur son territoire leur production de certains produits pharmaceutiques et si de tels engagements ne sont pas pris, ne sont pas acceptés par les autorités turques ou ne sont pas respectés, les produits pharmaceutiques concernés sont exclus du régime de remboursement des produits pharmaceutiques vendus par les pharmacies aux patients administré par le système de sécurité sociale de la Turquie;
  2. une “interdiction d'importer des produits localisés”, c'est-à-dire la prescription relative à la localisation appliquée conjointement avec certaines règles régissant l'approbation de l'importation et de la commercialisation des produits pharmaceutiques; et
  3. une “mesure de priorisation” en vertu de laquelle la Turquie accorde la priorité à l'examen des demandes d'inclusion de produits pharmaceutiques nationaux dans la liste des produits couverts par le régime de remboursement, ainsi qu'en ce qui concerne toutes politiques et tous processus de fixation des prix et d'octroi de licences, par rapport à l'examen des demandes concernant des produits importés similaires.

S'agissant de la prescription relative à la localisation:

  1. le Groupe spécial a rejeté l'argument de la Turquie selon lequel l'Union européenne n'avait pas établi l'“existence” et la “teneur précise” de la prescription relative à la localisation en tant que mesure unique et cohérente;
  2. le Groupe spécial a rejeté l'argument de la Turquie selon lequel, puisque les pouvoirs publics payaient le prix des produits pharmaceutiques en Turquie, la mesure contestée impliquait un “achat” par les pouvoirs publics des produits visés par la dérogation relative à l'“acquisition par les pouvoirs publics” prévue à l'article III:8 a) du GATT de 1994;
  3. le Groupe spécial a confirmé l'allégation de l'Union européenne selon laquelle la prescription relative à la localisation était incompatible avec l'obligation de traitement national prévue à l'article III:4 du GATT de 1994 parce qu'elle était conçue pour créer pour les consommateurs une incitation financière à choisir des produits pharmaceutiques fabriqués dans le pays (dont le coût était essentiellement supporté par les pouvoirs publics) de préférence à des produits pharmaceutiques importés (qui, à terme, cesseraient d'être payés par les pouvoirs publics), et soumettait ainsi les produits pharmaceutiques importés à un “traitement moins favorable”;
  4. le Groupe spécial a rejeté le moyen de défense affirmatif de la Turquie selon lequel la prescription relative à la localisation était conçue pour assurer un accès ininterrompu à des médicaments sûrs, efficaces et abordables à la population turque, et entrait donc dans la catégorie des politiques visant à protéger la santé et la vie des personnes couvertes par l'exception générale prévue à l'article XX b) du GATT de 1994;
  5. le Groupe spécial a rejeté le moyen de défense affirmatif de la Turquie selon lequel la prescription relative à la localisation était, pour des raisons analogues, une mesure nécessaire pour assurer le respect de certaines lois et réglementations imposant à la Turquie de garantir des soins de santé accessibles, efficaces et financièrement viables au sens de l'article XX d) du GATT de 1994;
  6. compte tenu de ces constatations, le Groupe spécial s'est abstenu de se prononcer sur l'allégation subsidiaire et conditionnelle de l'Union européenne au titre de l'article 3.1 b) de l'Accord SMC; et
  7. le Groupe spécial a de la même façon appliqué le principe d'économie jurisprudentielle à l'égard des allégations additionnelles de l'Union européenne au titre de l'article 2:1 de l'Accord sur les MIC et de l'article X:1 du GATT de 1994.

Compte tenu de ces constatations sur la prescription relative à la localisation, le Groupe spécial a appliqué le principe d'économie jurisprudentielle à l'égard de l'allégation de l'Union européenne selon laquelle la prescription relative à la localisation appliquée conjointement avec les règles turques régissant l'approbation de l'importation et de la commercialisation des produits pharmaceutiques (que l'Union européenne appelait l'“interdiction d'importer des produits localisés”) était incompatible avec l'article XI:1 du GATT de 1994.

S'agissant de la mesure de priorisation:

  1. le Groupe spécial a rejeté l'argument de la Turquie selon lequel l'Union européenne n'avait pas établi l'existence d'une “mesure de priorisation” globale telle qu'elle l'avait définie; et
  2. confirmé l'allégation de l'Union européenne selon laquelle la mesure de priorisation était incompatible avec l'article III:4 du GATT de 1994.

La composition de l'Arbitre a été arrêtée le 28 avril 2022.

Le 21 juillet 2022, les Arbitres ont remis leur décision aux parties. Le 25 juillet 2022, conformément à l'article 25:3 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, la décision a été notifiée à l'Organe de règlement des différends, au Conseil du commerce des marchandises, au Comité des subventions et des mesures compensatoires et au Comité des mesures concernant les investissements et liées au commerce.

Lors de l'arbitrage, la Türkiye a contesté les constatations du Groupe spécial concernant la prescription relative à la localisation au titre des articles III:4, III:8 a), XX b) et XX d) du GATT de 1994.

S'agissant de l'article III:4 et de l'article III:8 a) du GATT de 1994:

  • Les Arbitres ont considéré qu'au titre de l'article III:8 a) du GATT de 1994, l'“acquisition, par des organes gouvernementaux, de produits achetés pour les besoins des pouvoirs publics” impliquerait généralement l'acquisition de produits par le biais d'un achat par un organe gouvernemental. Toutefois, l'article III:8 a) ne contient pas de prescription sans équivoque à cet effet. Les Arbitres n'ont pas exclu la possibilité que, dans certaines circonstances, la transaction d'achat pertinente puisse être conclue par une entité non gouvernementale dès lors que les produits étaient acquis par un organe gouvernemental et que l'acquisition portait sur des produits achetés pour les besoins des pouvoirs publics. Par conséquent, les Arbitres ont constaté que le Groupe spécial avait fait erreur en considérant, pour commencer son analyse, que l'article III:8 a) exigeait un achat par des organes gouvernementaux.
  • Les Arbitres ont conclu qu'en l'espèce, il n'y avait pas d'acquisition de produits pharmaceutiques par un organe gouvernemental.
  • Les Arbitres ont confirmé, quoique pour des raisons différentes, la constatation du Groupe spécial selon laquelle la prescription relative à la localisation n'était pas visée par la dérogation relative à l'acquisition par les pouvoirs publics prévue à l'article III:8 a), et était donc assujettie à l'obligation d'accorder le traitement national énoncée à l'article III:4 du GATT de 1994 et à l'article 2:1 de l'Accord sur les MIC. Les Arbitres ont constaté que la constatation du Groupe spécial selon laquelle la prescription relative à la localisation était incompatible avec l'obligation d'accorder le traitement national énoncée à l'article III:4 du GATT de 1994 demeurait inchangée.

S'agissant de l'article XX b) et de l'article XX d) du GATT de 1994:

  • Les Arbitres n'ont pas considéré que le Groupe spécial avait fait erreur dans son interprétation de l'article XX b). En particulier, le Groupe spécial n'avait pas confondu erronément les étapes de l'analyse juridique concernant la “conception” et la “nécessité”. Il n'avait pas non plus établi un critère juridique exigeant un degré élevé de probabilité du risque s'agissant d'évaluer si une mesure avait été prise pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, et n'avait apporté aucune dimension quantitative à la notion de risque pour la santé et la vie des personnes qui limitait indûment l'éventail des mesures de santé publique entrant dans le champ de l'article XX b). Dans la mesure où ils n'avaient pas constaté d'erreur justifiant d'infirmation dans l'interprétation du Groupe spécial, et compte tenu de la nature des allégations de la Türkiye concernant l'application, les Arbitres ont considéré que la Türkiye n'avait pas établi que le Groupe spécial avait fait erreur dans son application de l'article XX b). Ils ont également rejeté les allégations de la Türkiye au titre de l'article 11 du Mémorandum d'accord.
  • Compte tenu de la façon dont la Türkiye avait énoncé sa justification de la prescription relative à la localisation au regard de l'article XX d), les Arbitres ont considéré que le fait que le Groupe spécial avait appliqué des éléments de son évaluation au titre de l'article XX b) mutatis mutandis à l'analyse du moyen de défense de la Türkiye au titre de l'article XX d) ne constituait pas une erreur de droit.
  • Les Arbitres ont confirmé la constatation du Groupe spécial selon laquelle la Türkiye n'avait pas établi que la prescription relative à la localisation était justifiée au regard de l'article XX b) ou de l'article XX d) du GATT de 1994.

Les Arbitres ont rappelé que, conformément aux procédures convenues, les constatations du Groupe spécial non contestées dans le contexte de l'arbitrage seraient réputées faire partie intégrante de la décision. Les Arbitres ont recommandé que la Türkiye rende conformes à ses obligations au titre du GATT de 1994 les mesures dont il était constaté qu'elles étaient incompatibles dans la décision et dans le rapport du Groupe spécial modifié par la décision.

Dans les procédures convenues pour l'arbitrage au titre de l'article 25 du Mémorandum d'accord, les parties sont convenues de “se conformer à la décision arbitrale, qui sera définitive”.

 

Délai raisonnable

Le 18 août 2022, la Türkiye a informé l'ORD qu'elle avait l'intention de mettre en œuvre les recommandations et décisions des Arbitres et du Groupe spécial dans ce différend d'une manière qui respectait ses obligations dans le cadre de l'OMC et qu'elle aurait besoin d'un délai raisonnable pour le faire.

Le 14 novembre 2022, l'Union européenne et la Türkiye ont informé l'ORD que, compte tenu des discussions en cours entre les parties et afin de ménager suffisamment de temps à celles-ci pour discuter d'un délai mutuellement convenu, elles s'étaient entendues sur une interprétation commune concernant les dates limites relatives à la procédure d'arbitrage prévues à l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord.

Le 10 janvier 2023, l'Union européenne et la Türkiye ont informé l'ORD qu'elles étaient convenues, conformément aux articles 21:3b) et 25:4 du Mémorandum d'accord, que le délai raisonnable pour la mise en œuvre par la Türkiye des recommandations de la décision de l'arbitre arriverait à expiration le 25 avril 2023.

 

Partager


Suivre ce différend

  

Des problèmes pour visualiser cette page?
Veuillez écrire à [email protected] en indiquant le système d’exploitation et le navigateur que vous utilisez.