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LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE: OMS-OMPI-OMC

Chapitre 2: Politiques favorisant l'innovation et l'accès

B. Propriété intellectuelle, commerce et autres aspects de politique

Points essentiels

  • Pour chaque forme de propriété intellectuelle, les normes multilatérales sont des normes minimales, qui laissent donc une marge de manœuvre considérable aux responsables politiques pour décider de leur application dans un sens favorable aux objectifs de santé publique.
  • Le système des brevets est destiné à soutenir l'innovation, tout en offrant un mécanisme qui permet à la société d'accéder à ces innovations.
  • Un produit, son procédé de fabrication et son utilisation peuvent être couverts par plusieurs brevets. L'information sur les brevets contribue à déterminer la liberté d'opérer ainsi que la mesure dans laquelle des licences doivent être négociées et avec qui.
  • Le mode de protection des données d'essai a une incidence sur l'innovation et l'accès dans le domaine des médicaments. Les régimes de protection adoptés par les pays sont différents, allant de l'exclusivité des données jusqu'au choix de garder les données secrètes, tout en permettant aux autorités compétentes d'y avoir recours.
  • Le système des marques de fabrique ou de commerce sert à distinguer les produits et à informer le consommateur. Les marques s'appliquent aux produits princeps aussi bien qu'aux génériques. Pour éviter des confusions, les marques utilisées pour les produits pharmaceutiques doivent être distinctes des dénominations communes internationales (DCI) des génériques.
  • L'OMS choisit des DCI, c'est‑à‑dire des noms uniques acceptables au niveau mondial, pour chaque substance pharmaceutique active qui sera mise sur le marché en tant que produit pharmaceutique.
  • La création de structures de marché saines et compétitives grâce au droit de la concurrence joue un rôle important en améliorant l'accès aux technologies médicales et en stimulant l'innovation dans le secteur pharmaceutique. Les restrictions injustifiées à la concurrence, qui résultent de l'abus des droits de propriété intellectuelle (DPI), peuvent être traitées au cas par cas grâce à l'application du droit de la concurrence.
  • Tous les pays dépendent des importations à des degrés divers pour répondre aux besoins de soins de santé de leur population. Cette dépendance est particulièrement marquée pour les systèmes de santé des petits pays en développement.
  • Des processus d'achat efficaces, transparents et compétitifs peuvent contribuer à rendre les médicaments plus accessibles et plus abordables, et donc à améliorer l'efficience et le rapport coût‑efficacité des systèmes de santé. L'Accord de l'OMC sur les marchés publics (AMP) a pour but de favoriser la transparence et la concurrence loyale, de façon que les États parties et leurs organismes puissent mieux optimiser leurs ressources.
  • Les accords bilatéraux et régionaux ont façonné le cadre relatif à l'accès et à l'innovation dans de nombreux pays. Ils ne se limitent pas à fixer des normes pour les DPI, mais comportent aussi des règles applicables aux droits de douane sur les produits pharmaceutiques, ainsi que des règles au sujet des marchés publics et du droit de la concurrence.

La présente section donne un aperçu des éléments, des instruments juridiques et des moyens d'intervention relatifs à la propriété intellectuelle et au système commercial international qui ont à voir avec l'innovation médicale et l'accès aux technologies médicales au niveau international.1. Intellectual property systems

1. Système de propriété intellectuelle

Cette section présente les formes de propriété intellectuelle qui intéressent le plus directement l'innovation et l'accès en matière de technologies médicales, ainsi que des questions transversales relatives aux moyens de faire respecter les droits.

(a) Introduction aux systèmes de propriété intellectuelle

Les systèmes de propriété intellectuelle consistent à accorder des droits limités d'exclure certaines tierces parties définies de l'utilisation du matériel protégé. La protection qu'ils confèrent est généralement destinée à offrir aux acteurs du secteur privé une incitation commerciale à investir dans le développement de produits et la commercialisation de nouvelles technologies. Ces incitations sont jugées particulièrement utiles pour le développement des technologies médicales en raison des ressources financières et techniques considérables qui sont requises, à quoi s'ajoutent un risque élevé d'échec, même à un stade avancé de la mise au point des produits, et des problèmes de responsabilité. De nombreuses technologies médicales sont coûteuses à développer mais relativement peu coûteuses à reproduire. Dans ces conditions, il ne serait pas viable pour les entreprises d'investir dans le développement de produits et l'obtention d'autorisations si leurs concurrents étaient en mesure d'introduire immédiatement des répliques.1

Dans la mesure où la protection de la propriété intellectuelle consiste à octroyer le droit d'exclure autrui, elle peut entraver certaines formes de concurrence (telles que la mise sur le marché de médicaments génériques) et compromettre l'innovation (par exemple lorsqu'il n'existe pas d'exemptions pour la recherche). La politique de la propriété intellectuelle, les lois qui la formalisent et l'administration et l'exécution de ces lois ont chacune pour but d'équilibrer et de prendre en compte divers intérêts légitimes en vue de favoriser le bien‑être du public en général.

Les facteurs entrant dans cet équilibre sont divers. Dans le cas des brevets, ils comprennent les exclusions de la brevetabilité et les exceptions et limitations aux droits afférents aux brevets, les limites à la durée des brevets et les taxes de maintien en vigueur destinées à favoriser l'expiration des brevets sous‑utilisés, en plus des instruments qui ne relèvent pas du droit des brevets comme la politique de la concurrence. Même si ce sont les responsables des politiques et les législateurs qui établissent finalement l'équilibre approprié, le cadre juridique international fournit le contexte et les principes généraux aux systèmes nationaux. Le cadre juridique multilatéral de la propriété intellectuelle, objet de la présente section, est défini en particulier par les traités administrés par l'OMPI et par l'Accord sur les ADPIC, qui fait partie du système juridique de l'OMC, et incorpore lui‑même les dispositions de fond de plusieurs traités de l'OMPI, parmi lesquels la Convention de Paris (voir l'encadré 2.4).

L'Accord sur les ADPIC a des incidences considérables sur l'application de la propriété intellectuelle aux technologies médicales, notamment par le biais de l'introduction de nouvelles normes internationales qui exigent que des brevets puissent être obtenus pour les inventions dans tous les domaines technologiques, y compris les produits pharmaceutiques, et de l'obligation de protéger les données d'essais cliniques contre une utilisation commerciale déloyale. Au cours des négociations sur cet accord, puis durant sa mise en œuvre, l'accent a été mis en permanence sur la propriété intellectuelle et les questions de santé (voir le tableau 2.3), et notamment sur la nature des obligations découlant de l'Accord et leur incidence sur les brevets pharmaceutiques et la protection des données d'essai.

Box 2.4. The Paris ConventionEncadré 2.4 Convention de Paris

La Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (la Convention de Paris) a été conclue en 1883 et révisée plusieurs fois, dont la dernière en 1967. Ouverte à tous les États, elle s'applique à la propriété industrielle au sens le plus large, qui inclut les brevets, les marques, les dessins et modèles industriels, les modèles d'utilité, les noms commerciaux, les indications géographiques et la répression de la concurrence déloyale. Elle contient des dispositions relatives au traitement national et au droit de priorité ainsi que des règles communes.

Le principe du traitement national au titre de cette convention signifie que chaque État contractant doit accorder les mêmes avantages aux nationaux des autres États contractants que ceux qu'il accorde à ses nationaux en ce qui concerne la protection de la propriété industrielle. Les nationaux des États non contractants ont droit au traitement national sous certaines conditions.

Le droit de priorité signifie que, sur la base du dépôt antérieur régulier d'une demande dans l'un des États contractants, le déposant peut demander la protection du même objet de propriété industrielle pendant un certain délai (délai de priorité) dans l'un quelconque des autres États contractants. Les demandes ultérieures ne pourront être affectées par des événements survenus dans l'intervalle entre la date de dépôt de la première demande (date de priorité) et la date de dépôt de la demande ultérieure, par exemple la publication de l'invention revendiquée dans la demande de brevet ou la vente d'articles portant la marque ou incorporant un dessin ou modèle industriel. Le délai de priorité au titre de la Convention de Paris est de 12 mois dans le cas des brevets et des modèles d'utilité et de 6 mois dans le cas des dessins et modèles industriels et des marques.

Les règles communes à respecter par tous les États contractants sont, entre autres, les suivantes:

  • Les brevets délivrés dans différents États contractants pour la même invention sont indépendants les uns des autres.
  • La délivrance d'un brevet ne peut être refusée, et un brevet ne peut être invalidé, du simple fait que la vente du produit breveté ou d'un produit obtenu au moyen du procédé breveté n'est pas autorisée, est restreinte ou est limitée en vertu de la législation nationale.
  • Les États contractants peuvent prendre des mesures législatives prévoyant la délivrance de licences obligatoires, dans certaines limites, afin de prévenir les abus qui pourraient résulter des droits exclusifs conférés.
  • L'enregistrement d'une marque dans un État contractant est indépendant de son enregistrement éventuel dans un autre pays, y compris le pays d'origine. Par conséquent, l'expiration ou l'annulation de l'enregistrement d'une marque dans un État contractant n'affecte pas la validité de l'enregistrement dans les autres États contractants.
  • Un État contractant doit accepter une demande relative à une marque régulièrement enregistrée dans un autre État contractant (le pays d'origine), mais il peut refuser cette demande lorsqu'elle n'est pas conforme aux prescriptions de la législation nationale.
  • Chaque État contractant doit refuser l'enregistrement et interdire l'usage d'une marque qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente de cet État estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d'une personne admise à bénéficier de la Convention de Paris et utilisée pour des produits identiques ou similaires.
  • Chaque État contractant doit assurer une protection effective contre la concurrence déloyale.
 

Tableau 2.3 L'Accord sur les ADPIC et la santé publique: principales étapes

1986

Punta del Este: lancement des négociations du Cycle d'Uruguay avec un mandat sur la propriété intellectuelle.

1994

Conclusion des négociations et adoption de l'Accord sur les ADPIC à la Conférence ministérielle de Marrakech.

1995

Entrée en vigueur de l'Accord sur les ADPIC et établissement de l'OMC, dotée de responsabilités juridiques et administratives concernant les ADPIC.

2000

La plupart des obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC entrent en vigueur pour les pays en développement Membres, mais pas en ce qui concerne les brevets de produits pharmaceutiques.

2000

Décision du Groupe spécial de l'OMC chargé du différend sur l'exception réglementaire (disposition "Bolar") au titre de l'Accord sur les ADPIC, destinée à faciliter la mise sur le marché des médicaments génériques.

2001

Atelier OMS‑OMC sur la fixation différenciée des prix et le financement des médicaments essentiels (Høsbjør, Norvège).

2001

Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique, incluant la prorogation jusqu'en 2016 de la période de transition accordée aux PMA Membres pour mettre en œuvre la protection conférée par les brevets et la protection des données d'essai.

2003

Les Membres de l'OMC adoptent le mécanisme du "paragraphe 6", qui permet la délivrance de licences obligatoires spéciales pour l'exportation de médicaments en tant que flexibilité additionnelle au titre de l'Accord sur les ADPIC, initialement sous la forme d'une dérogation légale, suivie par le Protocole de 2005 sur un amendement permanent de l'Accord sur les ADPIC.

2005

Les obligations relatives à la protection des produits pharmaceutiques par des brevets au titre de l'Accord sur les ADPIC s'appliquent aux pays en développement Membres (mais pas aux PMA).

2005

Le Conseil des ADPIC adopte la prorogation jusqu'en 2013 de la période accordée aux PMA pour mettre en œuvre l'Accord sur les ADPIC dans son ensemble.

2010

Le processus d'examen annuel du mécanisme du paragraphe 6 par le Conseil des ADPIC intensifie l'examen de fond de son fonctionnement et des aspects plus généraux de l'accès aux médicaments.

 

L'article 7 de l'Accord sur les ADPIC décrit notamment les objectifs relatifs à la protection des DPI et aux moyens de les faire respecter en termes d'équilibre de droits et d'obligations. Parmi ces objectifs figurent la "promotion de l'innovation technologique", le "transfert et … la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques", et aussi le "bien‑être social et économique". Les principes énoncés à l'article 8 disent expressément que les Membres de l'OMC pourront adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions de l'Accord. La Déclaration de Doha, texte historique adopté à la Conférence ministérielle de l'OMC en 2001, réaffirme ces objectifs et ces principes en tant qu'orientations pour la mise en œuvre des dispositions de l'Accord sur les ADPIC conformément à la politique de santé publique. Elle mentionne une série de flexibilités ou d'options juridiques dans le cadre de l'Accord, qui sont analysées ci‑dessous, après un examen général des questions de propriété intellectuelle.

Les normes multilatérales applicables à chaque forme de propriété intellectuelle sont généralement des normes minimales qui laissent souvent une marge considérable quant à leur application. L'Accord sur les ADPIC précise que les Membres de l'OMC sont libres de déterminer la méthode appropriée pour mettre en œuvre les normes figurant dans l'Accord dans le cadre de leur propre pratique juridique. Lorsqu'ils déterminent l'éventail des options de mise en œuvre, les responsables des politiques considèrent donc les normes internationales ainsi que la pratique dans les autres pays et les besoins et priorités de leur propre pays. Les pays peuvent aussi mettre en place une protection plus large s'ils le souhaitent, à condition qu'elle soit compatible avec l'Accord sur les ADPIC. Cette protection est parfois dénommée "ADPIC‑plus". De telles normes sont inscrites dans les sections consacrées à la propriété intellectuelle d'un nombre croissant d'accords bilatéraux et régionaux.2

Le principe de non‑discrimination est l'une des pierres angulaires du système international de propriété intellectuelle. En vertu du "traitement national", les pays ne doivent pas exercer de discrimination à l'encontre des nationaux des pays étrangers en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, mis à part quelques exceptions assez strictes. Ce principe était énoncé dès 1883 dans le texte original de l'article 2 de la Convention de Paris, avant d'être largement appliqué à l'article 3 de l'Accord sur les ADPIC. Le "traitement de la nation la plus favorisée (NPF)" prévoit que les pays ne doivent pas faire de discrimination entre les nationaux des différents pays en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle. Son application est également assortie de quelques exceptions. Le traitement NPF, qui constitue depuis longtemps une obligation du droit commercial international, a été appliqué à la propriété intellectuelle pour la première fois au travers de l'article 4 de l'Accord sur les ADPIC. L'application de ce principe signifie que si deux pays conviennent d'accorder à leurs nationaux mutuels un niveau plus élevé de protection de la propriété intellectuelle aux termes d'un traité bilatéral, ils doivent accorder les mêmes avantages aux nationaux de tous les autres Membres de l'OMC.3

Mis à part ces principes généraux, chaque forme de propriété intellectuelle est soumise à des normes spécifiques qui correspondent à des objectifs distincts en matière de politique ainsi qu'à des objets et à des effets économiques différents. Ces différences apparaissent dans l'étendue des objets visés par la protection, la portée des droits, la durée de la protection, la nature des exceptions et autres sauvegardes concernant les intérêts des tierces parties, et dans les moyens de faire respecter ses droits.

(b) Droit des brevets et politique en matière de brevets

L'utilisation de brevets pour des technologies médicales a enregistré une progression considérable au cours des dix dernières années du point de vue du nombre de demandes déposées, de la base géographique de l'activité (avec une augmentation notable du nombre de brevets émanant de certaines économies émergentes) et de la diversité des entités publiques et privées qui déposent des demandes de brevets. Cette période a également été marquée par un vif débat sur le rôle du système des brevets dans l'innovation et l'accès en matière de produits médicaux.

Le double effet de la protection de la propriété intellectuelle – encouragement au développement de nouveaux médicaments et impact sur les prix – a été reconnu dans la Déclaration de Doha. Depuis lors, le débat concerne essentiellement les incidences des droits conférés par les brevets sur l'accès aux médicaments essentiels. Il porte également sur la question de savoir si le système des brevets offre des incitations suffisantes et appropriées pour assurer le développement de nouveaux produits dans certains domaines – par exemple en ce qui concerne les maladies négligées ou certains pays. Dans la pratique, les brevets servent également à conclure de nombreux partenariats technologiques et arrangements de collaboration en matière de R‑D, avec de multiples accords de concession de licences destinés à apporter au public de nouvelles technologies médicales.

(i) Raison d'être du système des brevets

La raison d'être des brevets est de rendre attractif l'investissement dans l'innovation et d'offrir un mécanisme grâce auquel les connaissances figurant dans la demande de brevet sont accessibles à la société. Entre autres choses, l'obligation qu'ont les titulaires de brevet de divulguer leurs inventions permet à la société d'être informée des connaissances figurant dans les documents de brevet, puis de les utiliser. Si une invention pouvait être librement utilisée par d'autres sans frais supplémentaires, les "bénéficiaires sans contrepartie" ne prendraient pas à leur charge les dépenses de développement. Cela réduirait les retours attendus par l'inventeur originel et, en théorie, l'offre de nouvelles inventions. Un rapport récent de l'OMPI explique que c'est pour cette raison que le système des brevets est destiné à corriger la défaillance du marché susceptible d'entraîner une déficience de l'offre d'activités innovantes en accordant aux innovateurs des droits exclusifs pour empêcher autrui d'exploiter leurs inventions et en leur permettant, ce faisant, de bénéficier des rendements prévus pour leur innovation.4

Toutefois, l'usage du droit exclusif peut lui‑même contribuer à fausser le marché et entraîner une situation caractérisée par une perte d'efficacité, des prix élevés et une offre insuffisante de produits. Les études empiriques constatent des effets à la fois positifs et négatifs des brevets sur l'innovation. En raison de l'insuffisance des données sur le rôle du système des brevets comme encouragement à la R‑D et au transfert de technologie, il est difficile de tirer des conclusions définitives sur l'efficacité du système des brevets pour le développement économique.5

Les systèmes de brevets comportent divers mécanismes destinés à en prévenir et à en corriger les effets indésirables:

  • Les droits conférés par les brevets ont une durée limitée.
  • Des exclusions de la brevetabilité et des exceptions et limitations aux droits conférés par les brevets sont autorisées afin d'assurer la cohérence avec les objectifs plus larges de la politique publique.
  • Les procédures de demande, d'examen et de délivrance des brevets, ainsi que les procédures d'opposition, d'appel et d'autres procédures de réexamen permettent aux tribunaux et autres organes de corriger les décisions erronées et d'accorder le cas échéant des réparations, afin que le système des brevets dans son ensemble fonctionne comme un instrument au service de l'intérêt public.

(ii) Le cadre international

Les normes multilatérales fondamentales relatives à la protection conférée par les brevets sont essentiellement celles qui figurent dans la Convention de Paris (Acte de Stockholm de 1967) et l'Accord sur les ADPIC de 1994. La Convention de Paris ne réglementait pas ce qui est considéré comme brevetable et, jusqu'à l'entrée en vigueur de l'Accord sur les ADPIC en 1995, il y avait une diversité considérable dans les lois et les pratiques nationales à ce sujet. En 1988, au début des négociations sur les ADPIC, un rapport de l'OMPI citait 49 pays qui ne conféraient aucune protection aux produits pharmaceutiques au moyen de brevets ou ne leur conféraient qu'une forme limitée de protection. Certains de ces pays excluaient en outre les procédés pharmaceutiques.6 La durée des brevets variait également de façon considérable d'un pays à l'autre.

L'Accord sur les ADPIC est le premier traité multilatéral qui énonce les critères fondamentaux de l'objet brevetable.7Il dispose qu'un brevet doit pouvoir être "obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques" (article 27). L'expression "tous les domaines technologiques" signifie que des brevets doivent pouvoir être obtenus pour les produits pharmaceutiques (tels qu'un nouveau composé chimique ayant un effet médicinal) et les procédés (tels qu'une méthode de production du médicament). L'Accord dispose également que la durée de la protection offerte ne prendra pas fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande. Ces prescriptions sont entrées en vigueur progressivement, mais elles s'appliquent désormais à tous les Membres de l'OMC, sauf les PMA. Le changement le plus important ayant trait à la santé publique a été l'obligation de rendre les produits pharmaceutiques brevetables dans les pays en développement à partir de 2005.

Même avec ces normes internationales de protection par des brevets, il n'existe pas de brevet à l'échelle mondiale. Les brevets sont accordés en vertu de la législation nationale ou sur une base régionale. L'article 4bis de la Convention de Paris prévoit l'indépendance des brevets obtenus pour la même invention dans différents pays. Cela signifie qu'un brevet délivré dans un pays ne confère pas de droits dans un autre pays. Un brevet délivré pour une technologie pharmaceutique dans un pays ne peut être utilisé pour empêcher une concurrence générique dans d'autres pays où il n'existe pas de brevet. Une invention peut être brevetée dans un pays et pas dans un autre.

Encadré 2.5 Le Traité de coopération en matière de brevets

  1. Le Traité de coopération en matière de brevets (PCT)8permet de demander une protection juridique pour une invention de façon simultanée dans tous les États contractants en déposant une demande de brevet international. Cette demande peut être déposée par toute personne qui est un national ou un résident d'un État contractant, généralement auprès de l'office national des brevets de l'État contractant dont le déposant est un national ou un résident, ou auprès d'un office régional des brevets compétent, ou encore auprès du Bureau international de l'OMPI à Genève ("office récepteur"). La demande internationale a le même effet que si des demandes nationales avaient été déposées auprès de l'office national des brevets de chaque État contractant. Le PCT réglemente en détail les prescriptions formelles auxquelles toute demande internationale doit être conforme, mais il ne détermine pas les règles de fond appliquées par un pays pour décider de délivrer ou non un brevet.
  1. Le PCT prévoit une phase internationale durant laquelle la demande internationale est soumise à une recherche internationale, qui aboutit à un rapport de recherche internationale (liste de citations de documents publiés susceptibles d'influer sur la brevetabilité de l'invention) et un avis écrit préliminaire et non contraignant sur la question de savoir si l'invention remplit apparemment les critères de brevetabilité compte tenu du rapport de recherche. La demande internationale, si elle n'est pas retirée, est publiée en même temps que le rapport de recherche internationale. En outre, un examen préliminaire international facultatif et non contraignant est réalisé à réception d'une demande du déposant. Cependant, aucun brevet n'est délivré durant la phase internationale selon le PCT. Si le déposant décide de poursuivre la demande internationale afin d'obtenir une protection nationale ou régionale au titre d'un brevet, il doit engager séparément la procédure nationale ou régionale dans chacun des États contractants du PCT où il souhaite obtenir une protection ("phase nationale"). Durant cette "phase nationale", les autorités d'un pays peuvent appliquer les règles de fond relatives à la recevabilité des brevets qui sont définies dans la législation nationale et qui peuvent aboutir à des résultats différents d'un pays à l'autre.9

Il existe toutefois un système mondial pour le dépôt des demandes de brevets, connu sous le nom de Traité de coopération en matière de brevets (PCT), administré par l'OMPI (voir l'encadré 2.5). La décision finale de délivrer ou non un brevet n'est pas prise au niveau international: elle est prise séparément par les autorités nationales ou régionales compétentes à cet effet. Plusieurs accords régionaux ont également harmonisé et simplifié les lois sur les brevets à l'intérieur des différentes régions.10

Malgré cette coopération régionale et internationale, les lois et pratiques nationales en matière de brevets restent différentes, ce qui peut entraîner des résultats divergents. Lorsque des demandes de brevet sont déposées pour la même invention dans différents offices des brevets nationaux ou régionaux, elles sont traitées séparément conformément à la législation nationale ou régionale applicable, et ce traitement peut aboutir à des résultats divergents. Par exemple, lorsqu'une demande PCT relative à un certain composé pharmaceutique arrive à la phase nationale dans les États contractants du PCT, les prescriptions de fond en matière de brevetabilité peuvent être différentes selon le droit des brevets de chaque pays ou de chaque région. En fonction de l'application de ces prescriptions dans le cadre des processus d'examen nationaux, une revendication11de brevet peut être modifiée dans un pays et ne pas l'être dans un autre. Par conséquent, la même demande PCT peut aboutir à la délivrance d'un brevet dans un pays, à une modification dans un autre et à un refus dans un troisième. En outre, un brevet peut être invalidé par un tribunal dans un pays, mais confirmé par un tribunal dans un autre pays.

La majorité des brevets sont demandés, et finalement obtenus, dans un nombre relativement peu élevé de pays – généralement ceux où le titulaire du brevet a l'intention de concentrer ses efforts de production ou de commercialisation, ou bien ceux où il y a des concurrents importants ou des capacités de production élevées. Dans les pays où aucune demande de brevet n'est déposée, ou bien dans ceux où la demande a été abandonnée ou refusée, l'invention revendiquée entre dans le domaine public après la publication des documents de brevet, à condition qu'il n'y ait pas d'autres brevets sur la même technologie.

(iii) Questions fondamentales relatives aux brevets

Les brevets sont des droits territoriaux. En outre, la protection qu'ils confèrent est limitée dans le temps. Les lois sur les brevets prévoient généralement une durée de protection d'au moins 20 ans. Les titulaires de brevet peuvent toutefois abandonner un brevet plus tôt si, par exemple, la commercialisation de l'invention ne produit pas le retour sur investissement escompté et ne couvre pas les frais de maintien du brevet. Un brevet peut aussi être invalidé pour des motifs établis dans la législation nationale.

Cinq critères sont communs à toutes les lois sur les brevets: i) la demande doit se rapporter à un objet brevetable; ii) l'objet du brevet revendiqué doit être nouveau; iii) il doit faire intervenir une activité inventive (ou ne pas être évident); iv) il doit être susceptible d'application (ou avoir une utilité) industrielle (article 27 de l'Accord sur les ADPIC); et v) l'invention doit être divulguée de manière appropriée, ainsi que l'indique l'article 29 de l'Accord sur les ADPIC. Ces prescriptions s'appliquent de manière cumulée. Si l'un des critères n'est pas rempli, la demande de brevet est rejetée.

Bien que les mêmes critères essentiels de brevetabilité existent dans la grande majorité des pays, il n'y a pas d'entente au niveau international sur leur définition ni leur interprétation. Il en résulte une certaine marge de manœuvre concernant leur établissement au titre du droit national applicable. Par conséquent, les offices des brevets et les tribunaux interprètent et appliquent les prescriptions nationales en matière de brevetabilité au cas par cas dans le cadre juridique applicable. De nombreux offices des brevets publient des directives en matière d'examen pour permettre une application cohérente et uniforme de la législation sur les brevets, en se fondant souvent sur les affaires jugées précédemment par les tribunaux compétents.12

Qualité d'inventeur, propriété et admissibilité de la demande

Toute invention commence avec un ou plusieurs inventeurs. Alors que le droit international de la propriété intellectuelle est muet sur la question de savoir qui devrait être considéré comme inventeur – ce qui laisse aux lois nationales le soin de trancher cette question –, la pratique générale veut que ceux qui contribuent à la conception d'au moins l'une des revendications dans le cadre de la procédure de délivrance du brevet soient des inventeurs conjoints, quelle que soit la proportion dans laquelle ils ont contribué.

La qualité d'inventeur n'implique pas nécessairement la propriété. Les inventions réalisées par des salariés durant leur emploi peuvent, selon les règles de la législation nationale, appartenir à l'employeur, avec ou sans accord spécifique. Les contrats d'emploi ou de consultants peuvent prévoir que les inventions réalisées en dehors de l'emploi appartiendront également à l'employeur ou au client qui a engagé le consultant. Les inventeurs cèdent souvent leurs droits économiques sur une invention aux organismes qui financent leurs recherches.

Les politiques relatives à la propriété des brevets issus de recherches effectuées au sein d'institutions publiques telles que les universités peuvent avoir un effet important sur la manière dont les technologies médicales sont développées. L'absence de directives claires peut créer des incertitudes.

Objet brevetable

Un brevet ne peut être obtenu que pour un objet brevetable, généralement défini comme "invention" dans le droit des brevets. En l'absence de définition de l'objet brevetable convenue au niveau international, les lois nationales définissent cette exigence de manière positive ou au moyen d'une liste négative d'objets exclus, ou les deux. Les exclusions de la brevetabilité peuvent être générales et porter, par exemple, sur les simples découvertes, les principes scientifiques ou les idées abstraites. L'objet brevetable qui ne relève pas de ces catégories peut aussi être exclu pour d'autres motifs. C'est par exemple le cas des inventions qui seraient considérées comme immorales si elles étaient exploitées commercialement (voir l'encadré 2.6) ou de certaines méthodes de traitement médical des personnes ou des animaux (article 27:3 a) de l'Accord sur les ADPIC). Un certain nombre de pays ont choisi de ne pas délivrer de brevets (ou de ne pas en autoriser l'application) pour des inventions relatives à des méthodes de traitement médical (ou, ce qui a des effets similaires, de limiter l'application de ces brevets). Certaines lois nationales énoncent aussi des exclusions très spécifiques, par exemple pour le premier et le deuxième usage médical, ou autorisent expressément le brevetage de ces usages.19

 

Encadré 2.6 Les valeurs sociales et morales dans le système de brevets

Ce qui est considéré comme contraire à la moralité dépend des valeurs fondamentales d'une société dans un contexte donné. L'article 27:2 de l'Accord sur les ADPIC offre, en ce qui concerne les jugements sur la moralité, un cadre flexible pour prendre en compte les valeurs sociales et éthiques. L'article 53 de la Convention sur le brevet européen (CBE) stipule, par exemple, que les brevets européens ne sont pas délivrés pour les inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs (paragraphe a)) et pour les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal (paragraphe c)).13L'utilisation d'embryons humains dans la recherche suscite des préoccupations éthiques particulières qui sont liées au droit des brevets et à son interprétation.
Une décision historique sur les cultures de cellules souches humaines a été rendue en 2008 par la Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets (OEB) dans une affaire concernant la Wisconsin Alumni Research Foundation (affaire WARF).14La Grande Chambre de recours a déterminé que la CBE interdisait de délivrer des brevets sur la base de revendications portant sur des produits qui ne pouvaient être obtenus, à la date de dépôt, qu'à l'aide d'une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains à l'origine desdits produits, même si ladite méthode ne fait pas partie des revendications. Cette détermination ne traitait cependant pas des inventions réalisées à partir de lignées cellulaires produites en laboratoire.
En 2011, dans l'affaire Oliver Brüstle contre Greenpeace e.V,15la Cour de justice de l'Union européenne a clarifié l'application de la Directive 98/44/CE de l'UE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.16Sans aborder les questions de nature médicale ou éthique, la Cour a déterminé que la notion d'"embryon humain" devait être comprise largement. Dans ce sens, tout ovule humain capable de commencer le processus de développement d'un être humain, fertilisé ou non encore fertilisé, devait être considéré comme un "embryon humain" au sens de l'article 6 2 c) de la Directive. La Cour a également déterminé que les brevets portant sur des inventions utilisant les embryons humains étaient interdits au sens de la Directive. Cette interdiction inclut l'utilisation de tels brevets à des fins de recherche scientifique.
Délivrance de brevets pour des micro‑organismes et des gènes
L'Accord sur les ADPIC prévoit expressément des exclusions facultatives pour les plantes et les animaux et les processus biologiques essentiels à leur reproduction. Mais cette exclusion ne s'étend pas aux micro‑organismes ni aux autres processus de reproduction des plantes ou des animaux, qui doivent être brevetables. Il n'y a pas eu de détermination définitive quant à la portée de cette disposition, bien que le Conseil des ADPIC de l'OMC l'examine depuis 1999,17et ait entendu des rapports sur les diverses manières dont les pays ont exercé cette option. Cette disposition a un rapport avec l'accès aux technologies médicales, car elle recoupe la question des inventions biotechnologiques liées à la santé telles que le diagnostic génétique, les organismes génétiquement modifiés employés dans la recherche médicale et d'autres aspects de la délivrance de brevets pour des gènes. Certains systèmes de brevets excluent expressément les parties de plantes et d'animaux telles que les cellules, les lignées cellulaires, les gènes et les génomes; d'autres les considèrent comme un type particulier de substance chimique si elles sont isolées et purifiées de leur milieu naturel, et donc comme des objets brevetables. Plusieurs pays ont expressément choisi d'exclure les brevets sur tout matériel génétique non modifié.18
 

Nouveauté

Le critère de la nouveauté vise à faire en sorte que les brevets ne soient délivrés que pour des technologies qui ne sont pas déjà disponibles dans le public. Dans de nombreuses juridictions, ce critère est entendu comme signifiant que l'invention revendiquée ne doit pas avoir été déjà divulguée au public dans un endroit quelconque du monde avant la date de dépôt ou de priorité de la demande de brevet – par exemple, au moyen d'une publication ou du fait qu'elle a été rendue publique, exécutée, présentée par oral ou utilisée avant le dépôt d'une demande de brevet. Les lois nationales définissent le type et la forme de document qui constituent une divulgation publique antérieure ayant un rapport avec l'évaluation de la nouveauté.

Considérons par exemple le cas où une demande de brevet revendique un nouveau type de plâtre utilisé pour immobiliser le bras d'un patient. Au moment où la demande de brevet a été déposée, cette invention n'était connue que des employés de l'entreprise déposante. En vertu de leur contrat de travail, ces employés étaient tenus de ne pas divulguer leurs connaissances au public. Toutefois, si le plâtre a été essayé sur des patients avant le dépôt du brevet sans qu'un accord de confidentialité ait été conclu et mis en place, l'invention revendiquée ne peut plus être considérée comme nouvelle, car il se peut que l'accès aux connaissances concernées n'ait pas été suffisamment limité et qu'elles soient donc considérées comme ayant été divulguées au public.

Activité inventive/non‑évidence

Généralement, le droit des brevets ne définit que la notion fondamentale de ce qui constitue une activité inventive et en laisse l'interprétation aux offices des brevets et aux tribunaux compétents. Différentes méthodes pratiques ont été mises au point pour déterminer l'existence d'une activité inventive sur la base de plusieurs indicateurs vérifiés par un examinateur de brevets. Dans de nombreuses juridictions, ce critère est interprété comme signifiant que l'invention doit représenter un progrès technique suffisant par rapport à ce qui existe – c'est‑à‑dire par rapport à ce qui a été utilisé ou décrit précédemment dans le domaine concerné – qui ne pouvait être évident pour une personne travaillant dans le domaine technique lié à l'invention avec des "compétences ordinaires" ou des connaissances moyennes ("personne du métier"). L'activité inventive (ou non‑évidence) pourra par exemple être démontrée par l'effet d'"imprévu" ou de "surprise" qui n'aurait pas été évident au moment de l'invention pour une personne moyenne dotée de connaissances moyennes dans ce domaine de la technologie. Ce qui est évident ou non évident peut changer au cours du temps. Par exemple, il a fallu des efforts considérables pour isoler un gène à la fin du XXe siècle, alors qu'aujourd'hui ce travail est considéré comme plus banal.20

Applicabilité/utilité industrielle

L'applicabilité (ou utilité) industrielle signifie que l'invention peut être fabriquée ou utilisée dans n'importe quel secteur, y compris l'agriculture, ou qu'elle a une utilité spécifique, crédible et substantielle. En général, l'application de cette condition ne pose pas de problème pratique. Mais, dans le domaine des biotechnologies, il faut la considérer de plus près en raison du risque que des demandes de brevet revendiquant des inventions liées à la génétique ne bloquent l'utilisation de la séquence génétique revendiquée pour des utilisations qui n'étaient pas encore connues du déposant et ne justifieraient donc pas la délivrance d'un brevet pour la fonction dont le déposant n'aurait même pas connaissance.21

Divulgation

Pour délivrer un brevet, il faut une divulgation suffisante de l'invention. L'article 29 de l'Accord sur les ADPIC énonce la règle selon laquelle le déposant d'une demande de brevet doit divulguer l'invention d'une manière suffisamment claire et complète pour qu'une personne du métier puisse l'exécuter. Dans certains pays, il pourra aussi être exigé du déposant qu'il indique la meilleure manière d'exécuter l'invention connue de l'inventeur à la date du dépôt ou qu'il divulgue des détails sur les brevets qu'il aura demandés ou qui lui auront été délivrés dans d'autres juridictions.

Certaines personnes qui critiquent le système des brevets avancent que la divulgation d'une invention brevetée n'est souvent pas suffisante pour exploiter le brevet. L'une des questions fondamentales soulevées au sujet de l'obligation de divulgation est la mesure dans laquelle le titulaire d'un brevet doit divulguer son invention au sein du système de brevets pour contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques. Alors que l'invention doit être décrite dans le brevet de telle sorte qu'une personne du métier puisse l'exécuter sans expériences ou essais indus, il faut souvent, pour produire l'invention dans des conditions rentables, que les renseignements techniques contenus dans un brevet soient complétés par des renseignements complémentaires dont on suppose qu'un spécialiste lisant le brevet dispose déjà. L'obligation de divulgation est destinée aux fins juridiques et techniques spécifiques du système de brevets. Les renseignements techniques diffusés au travers du système de brevets ne peuvent remplacer les autres sources d'information, par exemple les manuels et les revues scientifiques.22

Dans certains cas, un brevet peut être délivré par erreur alors que l'obligation de divulguer des renseignements suffisants au titre de la législation nationale ou régionale n'a pas été respectée. Le brevet peut alors être défectueux. La plupart des lois sur les brevets prévoient des procédures de révocation ou d'invalidation des brevets dans le cas où les prescriptions légales de brevetabilité ne sont pas respectées. Ce serait donc une stratégie risquée pour un déposant de décider de ne pas divulguer entièrement une invention de façon conforme à l'obligation de divulgation prévue par la législation nationale ou régionale.23

(iv) Procédures en matière de brevets

La question de savoir si une invention revendiquée dans une demande de brevet remplit tous les critères de brevetabilité est habituellement tranchée par l'office des brevets qui reçoit la demande. Dans certains pays, l'office national ou régional des brevets procède à des recherches sur l'état de la technique24et à un examen de fond. S'il détermine que toutes les prescriptions applicables ont été respectées, il délivre le brevet. Cet examen de fond permet d'offrir une plus grande sécurité juridique concernant la validité des brevets délivrés – supérieure à la sécurité conférée par un système qui se borne à enregistrer les demandes de brevets sans procéder à un examen de fond.

Cependant, lorsque les recherches et l'examen sont de mauvaise qualité, cela peut avoir un effet défavorable, car il y a alors de fausses attentes quant à la validité du brevet. Lorsque les offices des brevets n'ont pas les ressources nécessaires pour tenir à jour la documentation sur l'état de la technique et employer des examinateurs ayant les compétences requises – ou lorsqu'ils n'ont pas un nombre suffisant de demandes pour justifier l'emploi d'examinateurs qualifiés dans tous les domaines techniques –, le système des examens de fond n'est peut‑être pas l'approche qui convient le mieux. D'autres options sont possibles, entre autres, la délivrance de brevets sans examen de fond, l'enregistrement des brevets délivrés à la suite d'un examen de fond réalisé ailleurs, l'utilisation du résultat des recherches et de l'examen effectués par d'autres offices et la coopération entre différents offices des brevets.25Le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) prévoit par exemple la recherche internationale et l'examen préliminaire international non contraignants exécutés par un certain nombre d'offices des brevets nommés spécifiquement à cette fin par l'Assemblée de l'Union du PCT. Ces rapports de recherche et d'examen peuvent être utilisés par les offices nationaux des brevets pour se prononcer sur la délivrance d'un brevet.

Certains pays développés et pays en développement utilisent actuellement des "systèmes d'enregistrement" (par opposition aux "systèmes d'examen") qui ne prévoient pas d'examen de fond et n'évaluent donc pas si une invention revendiquée remplit les conditions de brevetabilité. Certains jugent sensé de reporter l'examen de fond jusqu'au moment où un brevet est effectivement contesté. La validité d'un tel argument peut dépendre du coût, de la durée et du nombre des litiges en matière de brevets, d'une part, et du coût de l'établissement et du maintien d'un système d'examen, de l'autre. Dans les pays où le système judiciaire fonctionne moins bien, il peut être difficile de corriger des brevets délivrés à tort.

Lorsque la loi sur les brevets prévoit l'examen complet des demandes de brevets, les offices des brevets les examinent eu égard aux critères de forme et de fond en matière de brevetabilité. Les déposants doivent souvent réduire la portée de leurs revendications durant ce processus afin d'éviter le rejet de leur demande. Ils peuvent aussi être amenés à retirer des revendications dont l'examinateur considère qu'elles ne répondent pas aux critères de brevetabilité, soit parce qu'elles sont déjà connues et ne sont donc pas nouvelles, soit parce qu'elles sont évidentes et ne comportent donc pas d'activité inventive. Souvent, la portée des droits accordés au titre d'un brevet délivré sera sensiblement inférieure à ce qui était revendiqué à l'origine dans la demande.26

(v) Procédures de révision

Dans la pratique, un brevet peut être délivré à tort. Pour remédier à ces déficiences, les systèmes de brevets prévoient des procédures de révision (devant un organe administratif tel qu'une commission de recours ou devant un tribunal). Dans certains pays, des tiers peuvent s'opposer à la délivrance du brevet auprès d'un organe administratif dans un délai limité. Ces procédures, qui viennent en complément des procédures de délivrance des brevets par les offices, permettent au public de contribuer à la qualité des brevets. Certains pays prévoient des procédures d'opposition avant la délivrance, d'autres après la délivrance et d'autres encore prévoient les deux.27

(vi) Droits conférés par un brevet

Une fois délivré, le brevet confère à son titulaire le droit d'empêcher des tiers de fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer l'invention brevetée dans le pays où les droits sont accordés (article 28 de l'Accord sur les ADPIC). La portée de la protection conférée par le brevet est définie par les revendications du brevet. Les revendications doivent être rédigées de manière claire et concise et être entièrement étayées par la divulgation de l'invention.

Dans la pratique, les brevets ne servent pas seulement à exclure les concurrents, ils permettent aussi à des tiers de fabriquer, utiliser, offrir à la vente, vendre ou importer l'invention brevetée grâce à la délivrance d'une licence.

Le propriétaire d'un brevet peut accorder une licence, ou vendre son brevet ou en transférer la propriété. La licence est un contrat par lequel le titulaire du brevet autorise un tiers à utiliser la propriété intellectuelle, soit en échange du versement de redevances (ou d'une autre contrepartie), soit gratuitement, pour un certain domaine d'utilisation sur un certain territoire (pendant la période de validité du brevet, s'il y a lieu). Les licences servent souvent à autoriser d'autres entreprises ayant des compétences spécialisées en matière de recherche ou de développement à accéder à l'ensemble des diverses technologies brevetées nécessaires pour fabriquer un produit pharmaceutique complexe selon des conditions mutuellement convenues.28

La délivrance d'un brevet et l'autorisation de mise sur le marché sont des questions distinctes. La délivrance d'un brevet pour un nouveau médicament dans un pays ne donne pas le droit au titulaire de vendre ce médicament dans le pays sans l'homologation de l'autorité réglementaire. Cette homologation est indépendante du fait qu'un brevet soit délivré ou non. Certains pays exigent cependant que les déposants qui demandent une homologation présentent des renseignements indiquant si des brevets ont été délivrés et lesquels, et ils n'autorisent pas leurs autorités réglementaires à accorder une autorisation de mise sur le marché lorsqu'un brevet pertinent subsiste ("autorisation de mise sur le marché/lien entre commercialisation et brevet" ("patent linkage")).29

(vii) Exceptions et limitations

Les exceptions et limitations aux droits conférés par un brevet sont des moyens de concilier des intérêts divergents. Elles sont communes à tous les systèmes de propriété intellectuelle. Elles peuvent, par exemple, limiter certaines utilisations de l'invention brevetée dans l'application des droits conférés par le brevet. Les articles 5 et 5ter de la Convention de Paris énoncent certaines règles relatives aux licences obligatoires et certaines limitations aux droits exclusifs dans le contexte de la préservation de l'intérêt public. Les articles 30 et 31 de l'Accord sur les ADPIC prévoient des exceptions et des limitations aux droits, et ils énoncent les conditions dans lesquelles ces droits peuvent être appliqués. 30

L'une des exceptions très courantes se rapporte à la recherche; elle autorise des tiers à utiliser l'invention brevetée à des fins de recherche pendant la période de validité du brevet. Une autre exception courante est l'exception pour examen réglementaire, qui autorise les fabricants de génériques à utiliser l'invention brevetée de manière limitée avant l'expiration du brevet pour obtenir une autorisation de commercialisation d'un produit concurrent. Cette exception, également dénommée exception "Bolar", est examinée au chapitre IV, section C.3 a) i).

Les lois nationales peuvent aussi autoriser dans certaines conditions l'octroi de "licences obligatoires" à des tierces parties pour leur propre usage ou pour l'usage par ou pour le compte des pouvoirs publics, sans l'autorisation du détenteur des droits. Au titre d'une licence obligatoire ou d'une autorisation d'utilisation par les pouvoirs publics, un tribunal ou l'autorité compétente délivre une autorisation spécifique à une personne autre que le titulaire du brevet pour lui permettre de produire, importer, vendre ou utiliser le produit protégé par le brevet, ou d'utiliser le procédé protégé par le brevet, afin de répondre à des besoins spécifiques. Les titulaires de brevets ont droit à une rémunération. L'Accord sur les ADPIC fixe certaines conditions relatives à la manière dont les licences obligatoires et les autorisations d'utilisation par les pouvoirs publics devraient être délivrées, afin de définir certaines limites pratiques et de préserver ainsi certains intérêts du titulaire du brevet. Chaque cas doit être examiné sur la base des considérations qui lui sont propres (article 31 a)); des efforts doivent d'abord être faits pour négocier une licence volontaire, sauf dans des situations d'extrême urgence ou en cas d'utilisation publique à des fins non commerciales (article 31 b)); et la licence doit être limitée principalement à l'approvisionnement du marché intérieur (article 31 f)). Il y a des limitations concernant la portée et la durée (article 31 c)) ainsi que la possibilité de rapporter l'autorisation (article 31 g)). Le droit d'utiliser le brevet ne doit pas être exclusif (article 31 d)) et il doit être incessible (article 31 e)). Le titulaire du brevet a le droit de demander un réexamen judiciaire ou administratif, qui pourra entraîner la cessation de l'utilisation ou le retrait de la licence (article 31 g)) et le droit de recevoir une rémunération adéquate (article 31 h)).

Il peut être dérogé à l'obligation de négocier une licence volontaire dans un délai raisonnable dans les situations d'urgence nationale, dans d'autres circonstances d'extrême urgence ou en cas d'utilisation publique à des fins non commerciales (article 31 b)). Dans les cas où l'utilisation du brevet est autorisée sans le consentement du titulaire pour remédier à des pratiques anticoncurrentielles à l'issue d'un processus judiciaire ou administratif, les Membres de l'OMC ne sont pas obligés d'appliquer ces conditions. En pareil cas, la licence n'a pas besoin d'être destinée principalement à l'approvisionnement du marché intérieur (ce qui autorise les exportations dans des quantités non limitées), et le montant de la rémunération peut être différent (c'est‑à‑dire qu'il peut être inférieur ou même nul). Certains pays ont eu recours à des licences obligatoires ou à l'utilisation par les pouvoirs publics pour fabriquer ou importer des produits pharmaceutiques en provenance de producteurs de génériques à des prix inférieurs afin d'accroître l'accès à ces produits avant l'expiration des brevets.31

La limitation des licences obligatoires et de l'utilisation par les pouvoirs publics principalement à l'approvisionnement du marché intérieur, énoncée à l'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC, a été révisée à la suite de la Déclaration de Doha, afin de permettre la production exclusivement pour l'exportation au titre d'une licence obligatoire dans des circonstances limitées (voir le chapitre IV, section C.3 a) ii)).

(viii) Information en matière de brevets

Le système des brevets exige la divulgation des inventions au public et fait des brevets publiés (et, dans de nombreux pays, des demandes de brevets) une source importante de renseignements techniques et juridiques. L'information en matière de brevets est l'un des piliers de la propriété intellectuelle et des stratégies et décisions des entreprises, et elle contribue à la R‑D. Le système des brevets constitue donc un répertoire complet et systématique de connaissances techniques (Bregonje, 2005).32

Les normes, recommandations et principes directeurs de l'OMPI aident les offices de la propriété industrielle à établir et à administrer leurs systèmes d'information et de publication en matière de brevets.35Les normes de l'OMPI ont permis de mettre en place une structure relativement uniforme de documents sur les brevets dans l'ensemble du monde. Elles portent sur la transmission, l'échange, le partage et la diffusion de l'information en matière de brevets entre les offices de la propriété industrielle et facilitent l'accès aux renseignements techniques contenus dans les documents de brevet ainsi que leur extraction.36La recherche de renseignements sur les brevets est donc devenue beaucoup plus simple et pratique.

La forme de publication des brevets varie toutefois considérablement d'un pays à l'autre. Au titre de l'article 12 de la Convention de Paris, les offices des brevets doivent publier régulièrement dans un journal périodique officiel les noms des titulaires des brevets délivrés, avec une brève désignation des inventions brevetées. Dans la pratique, les demandes de brevets sont généralement publiées de façon à permettre au public d'y accéder dans un délai de 18 mois après la date de dépôt (date de priorité). De même, l'article 21 du PCT requiert de manière générale la publication des demandes internationales dans un délai de 18 mois à compter de la date de priorité. Certains pays ne publient que les brevets délivrés et non les demandes de brevets. La publication peut être limitée à un bref avis de délivrance du brevet. En pareil cas, il est beaucoup plus difficile d'avoir accès aux renseignements techniques et d'analyser la portée et la situation juridique d'un brevet, et seule une inspection des dossiers à l'office des brevets permettra d'avoir des renseignements détaillés sur l'invention revendiquée. Les pays peuvent aussi choisir de publier des renseignements utiles supplémentaires tels que les rapports sur les recherches et l'examen, les corrections, les modifications, les traductions et la situation juridique.

Une famille de brevets est un ensemble de documents de brevet différents qui sont liés les uns aux autres par un ou plusieurs documents de priorité communs ou sont techniquement équivalents. Les demandes ultérieures déposées dans les autres pays revendiquent habituellement la priorité d'une première demande. Les membres d'une famille de brevets peuvent donc être liés les uns aux autres par ces revendications de priorité. Comme les dépôts ultérieurs peuvent revendiquer plusieurs priorités de différentes demandes antérieures, il existe diverses notions de famille.37Les bases de données peuvent utiliser des définitions différentes de ce qui constitue une famille de brevets. C'est pour cette raison que les résultats des recherches basées sur les familles de brevets peuvent différer d'une base de données à l'autre.

La publication et la numérisation de l'information en matière de brevets ont facilité l'accès aux connaissances et les recherches. Néanmoins, l'extraction, l'analyse et l'exploitation de l'information en matière de brevets sont des activités très complexes qui exigent des compétences spécialisées. Il peut aussi être difficile de faire efficacement des recherches sur les brevets en raison de problèmes de disponibilité des données dans les bases de données (OMPI, 2010).

(ix) Information sur la situation en matière de brevets et la situation juridique des brevets

L'information sur la situation en matière de brevets et sur la situation juridique des brevets aide à déterminer quelle est la liberté d'action eu égard à un projet et dans quelle mesure et avec qui les licences doivent être négociées. L'expression "situation en matière de brevets" est utilisée dans la présente étude à propos de tous les brevets se rapportant à un produit spécifique, alors que l'expression "situation juridique" se réfère à divers événements juridiques et administratifs qui se produisent durant le cycle de vie d'un brevet.38

Tous les registres des brevets consignent les événements juridiques les plus importants tels que la délivrance des brevets et leur titulaire. Seules ces sources primaires permettent d'obtenir des renseignements fiables faisant autorité en ce qui concerne la situation juridique. Les sources secondaires peuvent aussi fournir des renseignements, souvent avec un délai, mais elles peuvent ne pas comporter certaines données qui figurent dans les sources primaires.39

Pour analyser la situation en matière de brevets sur des produits médicaux, il faut généralement des compétences spécifiques. Un produit (y compris les combinaisons de plusieurs composants, comme dans le cas des combinaisons à dose fixe), son procédé de fabrication et son utilisation peuvent être couverts par plusieurs brevets qui protègent divers aspects technologiques. Les fabricants et les vendeurs d'un produit ne sont pas tenus de divulguer tous les brevets concernés. En outre, il est difficile de vérifier la situation juridique de tous les membres d'une famille de brevets.

Pour les médicaments commercialisés aux États‑Unis, on peut trouver certains renseignements dans le "Livre orange" de l'Agence des médicaments et des produits alimentaires (FDA)40qui énumère les médicaments homologués par la FDA et donne des renseignements sur les brevets relatifs aux produits et aux modes d'utilisation. Les brevets de procédé et les brevets qui revendiquent des conditionnements, des métabolites et des produits intermédiaires ne sont pas répertoriés dans le Livre orange, et aucun renseignement à leur sujet n'est communiqué à la FDA.41Santé Canada tient un registre des brevets similaire contenant une liste alphabétique des ingrédients médicinaux et leurs brevets associés, les dates d'expiration des brevets et d'autres renseignements pertinents.42Le Medicines Patent Pool a enregistré dans une base de données des renseignements sur la situation juridique des brevets publiés d'antirétroviraux (ARV) (voir l'encadré 2.7).

(x) Évolution des demandes déposées selon le système du Traité de coopération en matière de brevets

Selon l'OMPI (2012), les demandes déposées selon le PCT entre 1978 et 2011 se rapportaient principalement au domaine des technologies médicales. Mais cela ne représente qu'une fraction du nombre total de demandes (6,6% en 2011). Il faut noter que l'expression technologies médicales telle qu'elle est utilisée dans la publication de l'OMPI (2012) diffère de celle employée dans la présente étude, qui inclut des données relatives aux produits pharmaceutiques (4,7% du nombre total de dépôts selon le PCT en 2011). En 2011, le nombre de dépôts selon le PCT pour des technologies médicales et des produits pharmaceutiques a représenté 11,3% du nombre total de dépôts, et les deux pris ensemble constituent le domaine technologique dans lequel le nombre de dépôts selon le PCT a été le plus élevé entre 1978 et 2011 (voir la figure 2.1).

Dans le domaine des technologies médicales, le nombre annuel total de demandes déposées selon le PCT entre 2000 et 2010 était compris entre 4 496 et 10 481. Dans le domaine des produits pharmaceutiques, il était compris entre 3 789 et 7 863. En ce qui concerne les technologies médicales (au sens de la présente étude, c'est‑à‑dire y compris les produits pharmaceutiques), le nombre annuel total de demandes déposées selon le PCT entre 2000 et 2010 était compris entre 8 785 et 18 344 (voir la figure 2.2). Le total a augmenté chaque année jusqu'en 2008, puis il a baissé les deux années suivantes. Parmi les dix premiers pays d'origine figurent les États‑Unis, le Japon, la République de Corée et plusieurs pays d'Europe occidentale (voir la figure 2.3).

Encadré 2.7. Bases de données du Medicines Patent Pool concernant la situation en matière de brevets pour certains médicaments antirétroviraux

Le Medicines Patent Pool a créé une base de données sur les brevets qui contient des renseignements sur la situation en matière de brevets de certains ARV dans certains pays à revenu faible et intermédiaire. Les données relatives à la situation juridique proviennent de diverses sources parmi lesquelles des offices des brevets nationaux et régionaux qui ont communiqué ces renseignements par l'intermédiaire de l'OMPI, et elles font l'objet d'une vérification croisée. Bien que les renseignements proviennent de sources primaires, la base de données ne donne qu'un instantané à un moment donné et ne contient que certains des brevets relatifs à chaque ARV. Ils indiquent la date prévue d'expiration des brevets, sur la base d'une durée de 20 ans à compter de la date de dépôt de la demande. Il est cependant possible que certains brevets aient expiré ou soient devenus caducs, ou aient été retirés, refusés, révisés, révoqués ou aient fait l'objet d'une opposition après que les renseignements à leur sujet ont été enregistrés dans la base de données. Cela montre qu'il est important de confirmer la situation des renseignements auprès de l'autorité compétente chargée des brevets pour le cas où des renseignements précis seraient nécessaires ultérieurement.43

 


Source: Base de données statistiques de l'OMP


Source : Base de données statistiques de l’OMPI

(c) Essais cliniques et protection des données d'essai

Comme on l'a vu au chapitre II, section A.6, pour obtenir une autorisation de mise sur le marché d'un nouveau produit pharmaceutique, il faut généralement communiquer des données d'essai aux organismes de réglementation dans les pays qui effectuent une évaluation indépendante de la qualité, de la sécurité et de l'efficacité des médicaments. Les données d'essai sont produites par le laboratoire déposant (et non par les autorités publiques) au moyen d'essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques. Leur protection a une incidence sur ce que l'organisme de réglementation peut faire avec les données confidentielles figurant dans le dossier de demande du laboratoire de princeps. Elle est étroitement liée à la réglementation des médicaments. Mais elle fait aussi partie du système de propriété intellectuelle, car elle représente une forme de protection contre la concurrence déloyale. Sa raison d'être est qu'il faut souvent des efforts considérables, en temps et en argent, pour produire les données, surtout du fait que les prescriptions réglementaires sont de plus en plus strictes. Lorsqu'il produit les données, le laboratoire de princeps a donc tout intérêt à protéger son investissement. Inversement, les intérêts publics concurrents peuvent tenter d'assurer rapidement l'accès à des produits génériques. La protection des données d'essai est donc l'un des sujets les plus controversés du débat sur la santé publique et la propriété intellectuelle.


Source: Base de données statistiques de l'OMPI.

(i) Normes juridiques internationales

L'article 10bis de la Convention de Paris (qui exige une protection effective contre la concurrence déloyale en général) et, en particulier, l'Accord sur les ADPIC, contiennent des normes multilatérales à ce sujet.

Aux termes de l'Accord sur les ADPIC, les Membres doivent empêcher la divulgation non autorisée et l'exploitation déloyale dans le commerce des renseignements confidentiels soumis à une autorité réglementaire, sous réserve de certaines conditions. Les données d'essai doivent être protégées contre:

  • la divulgation: il s'agit de l'obligation simple de ne pas divulguer les données communiquées à des fins d'homologation. Les organismes de réglementation peuvent cependant divulguer les données quand cela est nécessaire pour protéger le public, ou dans le cas où des mesures sont prises pour s'assurer que les données ne font pas l'objet d'une exploitation déloyale dans le commerce (voir le chapitre III, encadré 3.6);
  • l'exploitation déloyale dans le commerce: l'Accord sur les ADPIC ne donne pas de définition de l'expression "exploitation déloyale dans le commerce" et n'indique pas non plus de quelle manière cette protection peut être assurée. Les avis, ainsi que les pratiques nationales, diffèrent donc sur ce qui est requis exactement. Certains avancent que le moyen le plus efficace d'assurer cette protection est d'accorder aux laboratoires de princeps un délai raisonnable d'exclusivité des données. Dans un régime d'exclusivité des données, les autorités réglementaires n'ont pas le droit, pendant un certain nombre d'années, de s'appuyer sur les données figurant dans la demande relative au produit princeps pour approuver des versions génériques du produit, éventuellement sur la base de données de bioéquivalence montrant que le générique est similaire ou essentiellement similaire au produit princeps. D'autres s'opposent au point de vue selon lequel l'Accord sur les ADPIC exige une telle exclusivité, faisant valoir que d'autres formes de protection contre l'exploitation déloyale dans le commerce sont admissibles. Durant les négociations du Cycle d'Uruguay, la possibilité a été discutée de faire de l'exclusivité des données une obligation expresse au titre de l'Accord sur les ADPIC, mais les négociateurs ont finalement adopté le libellé général de l'actuel article 39:3.

Il n'existe pas de jurisprudence ni d'indications faisant autorité à l'OMC sur l'un ou l'autre de ces deux sujets (bien que la question ait été soulevée, mais non résolue, lors de consultations entre les États‑Unis et l'Argentine dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l'OMC; la solution mutuellement convenue indique simplement que les parties ont exprimé leur point de vue et sont convenues que les divergences d'interprétation devront être résolues selon les règles du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends (voir le document de l'OMC WT/DS171/3‑WT/DS196/4). Ces divergences n'ont pas non plus été résolues au Conseil des ADPIC durant la période qui a précédé la Conférence ministérielle de Doha en 2001, bien que les Membres aient exprimé quelques avis sur l'interprétation de l'article 39:3 de l'Accord sur les ADPIC. Ce que l'on peut dire à l'heure actuelle, c'est que: i) les flexibilités et l'interprétation favorable à la santé publique figurant dans la Déclaration de Doha visent l'ensemble de l'Accord sur les ADPIC et s'appliquent donc à la protection des données d'essai au titre de l'article 39:3; ii) l'Accord sur les ADPIC ne contient pas d'obligation explicite d'assurer l'exclusivité des données, mais une certaine forme de protection contre l'exploitation déloyale dans le commerce est requise; et iii) le fait qu'il faut assurer deux formes de protection au titre de l'article 39:3 de l'Accord souligne que la protection contre l'exploitation déloyale dans le commerce doit aller plus loin que la simple non‑divulgation des données.

Cela dit, certaines conditions s'appliquent à la protection des données d'essai:

  • les données doivent être non divulguées: l'article 39:3 n'exige que la protection des données non divulguées, et non des renseignements déjà publiés. Si les données ont été divulguées, par exemple dans une revue scientifique, dans les documents de brevet ou ailleurs, aucune protection n'est nécessaire;
  • les pays doivent exiger la communication des données d'essai: un pays qui n'exige pas la communication des données d'essai ou d'autres données pour effectuer son propre examen réglementaire d'un produit pharmaceutique n'a aucune obligation au titre de l'Accord sur les ADPIC d'assurer la protection des données d'essai pour le produit en question. L'obligation de protéger les données provient uniquement de l'existence d'une obligation réglementaire de communiquer ces données comme condition de l'autorisation de mise sur le marché;.
  • les produits dont l'autorisation de mise sur le marché est demandée doivent utiliser des entités chimiques nouvelles: les données d'essai visées dans l'Accord sur les ADPIC ne concernent que les demandes d'autorisation de mise sur le marché relatives à des produits qui utilisent des "entités chimiques nouvelles". Cette expression n'est pas définie plus avant dans l'Accord, et l'OMC n'a pas publié de détermination quant à sa portée;
  • l'établissement des données doit demander un effort considérable: l'Accord sur les ADPIC ne précise pas la nature de cet effort, c'est‑à‑dire s'il doit être de nature technique ou économique. Il ne dit pas non plus que le déposant doit prouver qu'un tel effort a été consenti.

Les PMA Membres de l'OMC ne sont pas tenus de protéger les données d'essai relatives aux produits pharmaceutiques en raison d'une période de transition qui a été prolongée et s'étend actuellement jusqu'au 1er janvier 2016.

(ii) Distinction entre la protection conférée par les brevets et la protection des données d'essai

Les brevets et les données d'essai sont deux catégories distinctes de propriété intellectuelle. L'Accord sur les ADPIC traite la protection des données d'essai comme une forme de protection contre la concurrence déloyale dans la section sur la protection des renseignements non divulgués et non dans la section sur les brevets. Alors qu'un brevet protège une invention – par exemple une nouvelle molécule – quels que soient l'effort et l'investissement engagés, la protection des données d'essai porte sur un objet différent, à savoir les renseignements communiqués pour l'homologation (parfois appelés "dossier réglementaire"). Un brevet peut donc être détenu par une partie, tandis que le dossier réglementaire le sera par une autre (par exemple le titulaire local d'une licence au titre du brevet). Les deux formes de protection peuvent se dérouler en parallèle pour les médicaments brevetés qui parviennent jusqu'au marché. Toutefois, la protection conférée par les brevets commence généralement plusieurs années avant. En effet, les demandes de brevets sont habituellement déposées dès le stade de l'invention, alors que les essais cliniques sont effectués à un stade ultérieur du cycle de développement du produit. Au moment où les essais cliniques commencent, le brevet peut être encore en attente ou bien il peut avoir été délivré. Comme la protection des données d'essai et la protection conférée par les brevets sont distinctes, la protection des données d'essai peut procurer certains avantages à l'entreprise qui établit les données. Ces avantages s'appliqueront, par exemple, dans le cas où un produit n'est pas protégé par un brevet, dans le cas où il ne dispose plus que d'une courte période de protection par un brevet, ou dans le cas où la validité du brevet est contestée à l'occasion d'une procédure d'opposition. Dans ces situations, une période d'exclusivité peut retarder l'entrée des génériques sur le marché parce que les producteurs de génériques sont obligés d'attendre l'expiration de la période d'exclusivité.

(iii) Mise en œuvre nationale

Le désaccord susmentionné sur la manière d'assurer la protection des données d'essai au titre de l'Accord sur les ADPIC se reflète aussi dans la façon dont cette obligation a été incorporée dans la législation nationale. Conformément à leurs priorités politiques, les pays ont adopté des approches différentes en ce qui concerne la protection contre l'exploitation déloyale dans le commerce. Dans bien des cas, l'approche choisie a également été guidée par les dispositions des accords de libre‑échange (ALE) conclus par les pays44et, parfois, elle l'a été par les engagements juridiquement contraignants inscrits dans les protocoles d'accession à l'OMC qui prévoient expressément l'exclusivité des données (c'est‑à‑dire ceux de la Chine et de l'Ukraine). Ces pays ont donc accepté de contracter des obligations plus détaillées que ce qu'exige l'Accord sur les ADPIC.

La plupart des pays développés et certains pays en développement ont un régime d'exclusivité des données. D'autres, tels que l'Inde et de nombreux autres pays en développement, interdisent à leurs autorités réglementaires d'autoriser des tiers à accéder aux renseignements qui leur sont communiqués et à les utiliser, conformément aux lois sur la confidentialité et la concurrence déloyale. Mais ils ne leur interdisent pas de s'appuyer sur les données d'essai figurant dans une demande déposée pour un produit princeps déjà approuvé pour examiner et approuver les demandes présentées par le deuxième arrivé sur le marché et ceux qui viennent ensuite. Et ils n'accordent pas non plus de période d'exclusivité.

Parmi les autres options en matière de protection des données d'essai figurent les modèles de compensation ou de partage des coûts, qui autorisent l'utilisation des données princeps à condition que le fournisseur de génériques participe aux coûts d'établissement des données. Les États‑Unis, par exemple, prévoient à la fois l'exclusivité des données et un système de compensation obligatoire de ce type pour les données présentées dans les demandes d'homologation des pesticides (mais pas des produits pharmaceutiques). L'ALE entre l'Association européenne de libre‑échange (AELE) et la Corée (article 3, annexe XIII) admet également un système de compensation comme substitut à l'exclusivité des données.

Les pays qui accordent des droits d'exclusivité prévoient généralement une période fixe comprise entre cinq et dix ans, avec une possibilité de prorogation dans certains cas. Cette période débute habituellement à la date d'autorisation de mise sur le marché du produit princeps dans le pays où la protection des données d'essai est demandée. Certains Membres de l'OMC tels que les États‑Unis et l'Union européenne accordent une période supplémentaire d'exclusivité pour les indications et les formulations nouvelles.

Certains pays appliquent des exceptions et des limitations à l'exclusivité des données. La législation des États‑Unis ramène la période à quatre ans lorsque le déposant pour un second produit certifie que le brevet est invalide ou que le second produit ne porte pas atteinte au brevet (sous réserve d'une suspension éventuelle durant la procédure d'infraction). Le Canada ne prévoit pas l'exclusivité des données si le produit princeps n'est pas commercialisé sur son territoire. Le Chili et la Colombie ne la prévoient pas non plus si le produit princeps n'est pas commercialisé sur leur territoire dans les 12 mois suivant la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché. Le Chili ne prévoit pas l'exclusivité des données si la demande d'autorisation de mise sur le marché local est déposée plus de 12 mois après l'octroi pour la première fois de l'homologation ou de l'autorisation de mise sur le marché dans un pays étranger.

D'autres exceptions auront pour but de protéger l'intérêt public, par exemple dans les situations d'urgence sanitaire ou pour les exportations au titre d'une licence obligatoire dans le cadre du système prévu au paragraphe 645Si elle prend la forme d'une exclusivité des données, la protection des données d'essai peut entraver l'application du régime de licences obligatoires pour les brevets, dans le cas par exemple où un pays exige l'examen réglementaire des produits destinés à l'exportation au titre du système prévu au paragraphe 6.46Le Canada et l'Union européenne ont décidé de déroger à la protection des données pour les produits fabriqués dans le cadre d'une licence obligatoire uniquement pour l'exportation au titre du système prévu au paragraphe 6. Le Chili ne prévoit pas l'exclusivité des données si le produit fait l'objet d'un type quelconque de licence obligatoire.

(iv) Dimensions innovation et accès de la protection des données d'essai

Le mode de protection des données d'essai joue un rôle particulièrement important lorsqu'il s'agit de permettre de nouvelles innovations de produits ainsi que de faciliter l'accès aux technologies médicales existantes. La forme de protection au niveau du pays aura donc une influence sur le développement et l'introduction de nouveaux produits et déterminera également la date à laquelle les produits génériques pourront commencer à concurrencer les produits princeps.

Les nouveaux médicaments doivent subir plusieurs phases d'essais cliniques pour démontrer leur sécurité et leur efficacité aux fins de l'homologation. Ces prescriptions réglementaires font partie intégrante du processus de développement de nouveaux produits médicaux, ce qui donne à l'innovation médicale un caractère différent des autres domaines technologiques. Actuellement, l'établissement de données sur la qualité, la sécurité et l'efficacité au moyen d'essais cliniques est encore – malgré les divers débats et propositions sur ce sujet – financé en grande partie par des entreprises qui cherchent à introduire une nouvelle technologie médicale sur le marché.

Bien que les essais cliniques servent des objectifs légitimes en matière de santé, leur coût crée des obstacles importants à l'entrée sur le marché de nouveaux produits pharmaceutiques. Comme les brevets relatifs aux composés chimiques sont habituellement déposés assez tôt dans le processus de R‑D, le temps qu'il faut pour procéder aux essais cliniques, ajouté au processus d'homologation, réduit de facto la période d'exclusivité commerciale dont jouit un produit breveté, et donc la possibilité d'amortir les dépenses de R‑D consacrées à ce produit, ainsi que celles consacrées aux autres produits qui n'ont pas réussi.

L'industrie pharmaceutique basée sur la recherche fait donc valoir que la protection des données d'essai, surtout sous la forme de l'exclusivité des données, est pour elle une incitation importante à investir dans le développement de nouveaux produits et dans les essais cliniques qui s'y rapportent. En outre, les entreprises innovantes apprécient évidemment la relative sécurité offerte par l'exclusivité des données par rapport à l'incertitude croissante qui s'applique à la validité ou à la portée d'un brevet, laquelle accroît l'incertitude quant à la possibilité d'exclure temporairement la concurrence. On pourrait prendre comme exemple le développement d'une version pédiatrique d'un médicament existant qui, dans certaines juridictions, ne pourrait bénéficier d'un brevet en raison de l'absence de nouveauté. Dans une telle situation, la protection des données d'essais cliniques serait la seule incitation à investir dans le développement de cette formule. Une situation similaire se produirait pour les essais cliniques destinés à évaluer la sécurité et l'efficacité de médicaments traditionnels connus qui ne sont pas brevetables faute de nouveauté.

En revanche, ceux qui accordent une place prioritaire à la santé publique soulignent qu'en ce qui concerne les pays en développement, l'incitation supplémentaire à effectuer des recherches et des essais cliniques est marginale, alors que l'effet défavorable sur les prix, et donc sur l'accès aux technologies médicales, est considérable. De même, dans son rapport d'avril 2012, le Groupe de travail consultatif d'experts sur le financement et la coordination de la recherche‑développement (CEWG) constate que "rien ne montre que l'exclusivité des données contribue de façon essentielle à l'innovation pour les maladies du type II et du type III et les besoins spécifiques de R‑D des pays en développement concernant les maladies du type I", et il en conclut donc que "sa suppression, dans le cas où elle existe, n'aurait pas d'effet défavorable sur les incitations à l'innovation concernant ces maladies et contribuerait en outre à réduire les prix des médicaments concernés" (OMS, 2012a).

L'une des principales questions qui se posent au sujet de l'accès aux médicaments est de savoir comment traiter les demandes d'autorisation de mise sur le marché qui concernent des produits génériques identiques. Dans un régime d'exclusivité des données, la mise sur le marché de médicaments génériques peut être retardée, car les requérants doivent attendre l'expiration de la période d'exclusivité. Bien que le producteur de génériques puisse, en principe, refaire les essais cliniques ou s'entendre avec le laboratoire de princeps pour utiliser les données originelles, cela ne semble pas se produire en pratique. Les raisons à cela sont, entre autres, le temps et l'argent nécessaires à l'établissement de ces données. En revanche, ceux qui arrivent ensuite sur le marché et déposent des demandes pour le même médicament peuvent éviter de reproduire ces données originelles s'ils sont autorisés à utiliser les données communiquées dans le cadre de la demande du laboratoire de princeps pour montrer que leurs produits ont un effet équivalent (bioéquivalence). Cela permet d'introduire plus tôt sur le marché des produits génériques concurrents dans les situations où il n'y a pas de protection conférée par un brevet ou après l'expiration du brevet et, en permettant à un médicament concurrent d'entrer sur le marché, cela crée une solution de remplacement pour les consommateurs, tout en faisant baisser les prix de manière générale. Du point de vue de la santé publique, cette solution est jugée positive, car elle évite la répétition des essais cliniques, qui est contraire à l'éthique, et permet l'entrée rapide de génériques sur le marché. Toutefois, du point de vue du premier déposant, cela peut être considéré comme injuste, car le deuxième arrivé sur le marché et ceux qui viennent ensuite ne sont pas obligés d'investir dans des essais cliniques coûteux (y compris ceux qui n'aboutissent pas) et peuvent donc affronter directement la concurrence avec un avantage important en matière de coût.

La question de la protection des données d'essai est un bon exemple du problème essentiel qui se pose en matière de protection de la propriété intellectuelle. Pour offrir une incitation au développement de nouveaux produits, certains pays créent délibérément une exclusivité commerciale en vue de faciliter un certain retour sur investissement, même si cela doit retarder l'entrée des produits génériques.

(v) Biosimilaires: protection des données d'essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques

Une question récente et qui a des incidences à la fois sur les systèmes d'innovation et sur l'accès à la nouvelle génération de médicaments "biologiques" est la protection qui peut être conférée aux données d'essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques soumises à un organisme de réglementation pour appuyer l'homologation des produits de référence originels. Les modèles établis de protection des produits pharmaceutiques à petites molécules ne conviennent pas nécessairement aux médicaments biologiques, qui sont plus complexes et moins faciles à reproduire (voir l'encadré 2.3 sur le rôle des biosimilaires). Dans l'Union européenne et en Suisse, entre autres, l'exclusivité des données associée à la protection des données d'essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques s'applique à la fois aux médicaments à petites molécules et aux produits biothérapeutiques. La Directive 2004/27/CE47prévoit la présentation de données supplémentaires pour les médicaments biologiques, qui sont différents des médicaments génériques, mais elle n'établit pas de règles spécifiques pour l'exclusivité des données relatives à ces produits. Ce sont donc les règles relatives à l'autorisation des médicaments génériques qui s'appliquent.

Le Congrès des États‑Unis, en revanche, a adopté une législation spécifique: la Loi de 2009 sur la concurrence par les prix et l'innovation dans le domaine des produits biologiques. La FDA ne peut accepter une demande relative à un biosimilaire que si "la date se situe 12 ans après celle à laquelle le produit de référence a été autorisé pour la première fois". La durée de l'exclusivité appliquée aux produits biologiques diffère de celle appliquée aux médicaments à petites molécules ou aux médicaments orphelins, qui est respectivement de cinq et sept ans seulement selon la législation des États‑Unis.

(d) Marques de fabrique ou de commerce

(i) Le système des marques de fabrique ou de commerce

Les marques permettent aux fabricants et aux commerçants de distinguer leurs produits de ceux de la concurrence. Elles aident les consommateurs à faire des choix en connaissance de cause et ont pour but d'empêcher la tromperie. L'enregistrement des marques est soumis à certaines conditions qui sont raisonnablement uniformisées à travers le monde et figurent dans presque toutes les lois sur les marques. Les marques doivent permettre de distinguer les produits ou les services de leur titulaire, ou au moins pouvoir acquérir cette capacité, et ne doivent pas induire en erreur. Elles ne doivent pas porter atteinte aux droits acquis par des tiers et ne doivent pas être composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine des produits ou l'époque de production, ou devenus usuels dans le langage courant ou les habitudes. Les termes génériques qui empruntent des mots ordinaires pour définir la catégorie ou le type de produit n'ont pas de caractère distinctif, et tous les concurrents devraient pouvoir les utiliser sans que des droits de marque y soient attachés.

Il y a une distinction essentielle entre le nom générique d'un produit – par exemple ampicilline –, qui doit être disponible pour identifier tout produit, et la marque de propriété utilisée par une entreprise pour distinguer le produit qu'elle fabrique et distribue. Celle‑ci est parfois dénommée "nom de marque". L'OMS gère un système de noms génériques de ce type, appelés dénominations communes internationales (DCI), qui sont universellement reconnus comme des noms uniques identifiant des substances pharmaceutiques ou des ingrédients pharmaceutiques actifs particuliers. Les marques sont liées à des produits et sont utilisées à la fois par les laboratoires de recherche et par les fabricants de génériques pour instaurer la confiance et créer une relation entre l'entreprise, le prescripteur et le patient, qui permettra éventuellement au propriétaire de la marque de faire payer un prix plus élevé. La distinction courante entre fabricant de produits pharmaceutiques "de marque" et fabricant de produits pharmaceutiques génériques peut être trompeuse, car les deux utilisent des marques pour commercialiser et distinguer leurs produits.

Les marques sont protégées par les lois de chaque pays ou région et non au niveau mondial. Tous les pays parties à la Convention de Paris ont un registre des marques. Les demandes de marque doivent être déposées séparément dans chaque pays ou région où l'enregistrement est recherché, ou auprès de l'OMPI au moyen du Système de Madrid concernant l'enregistrement international des marques (voir l'encadré 2.8).48Il n'est pas inhabituel qu'une marque soit protégée dans certains pays mais pas dans d'autres.

Encadré 2.8 Le Système de Madrid concernant l'enregistrement international des marques

Le Système de Madrid est régi par l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques (conclu en 1891) et le Protocole à l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques (conclu en 1989). Il offre aux titulaires de marques une possibilité simple, souple et pratique d'obtenir et de conserver la protection de leur marque sur les marchés d'exportation. En déposant une demande internationale dans une seule langue (anglais, espagnol ou français), avec paiement d'une redevance dans une seule monnaie (le franc suisse), le titulaire d'une marque peut obtenir une protection dans plus de 80 pays, y compris l'Union européenne, à condition d'avoir une "marque de base", c'est‑à‑dire une marque demandée ou déposée à l'"Office d'origine". Le Bureau international de l'OMPI procède à un examen de forme. Toute question de fond, par exemple la question de savoir si la marque remplit les conditions pour être protégée ou si elle est en conflit avec une marque antérieure, doit être tranchée par chacune des parties contractantes désignées, conformément à sa législation nationale sur les marques. Si l'office des marques d'une partie contractante désignée ne refuse pas la protection dans un délai spécifié, la marque est protégée comme si elle avait été enregistrée par l'office concerné.

Le Système de Madrid simplifie aussi beaucoup la gestion de la marque, car il n'existe qu'un enregistrement international avec une seule date de renouvellement à suivre, et il permet de protéger une marque dans de nombreuses parties contractantes désignées. Il est ensuite possible d'étendre cette protection à des parties contractantes supplémentaires. Il est également possible de renouveler l'enregistrement international et d'y apporter des modifications, qui peuvent porter sur le nom, l'adresse ou l'identité du propriétaire et peuvent être effectuées au moyen d'une seule procédure centralisée.

Le Bureau international enregistre la marque dans le Registre international, publie l'enregistrement international dans la Gazette OMPI des marques internationales et notifie ces renseignements aux parties contractantes désignées.

Le propriétaire d'une marque a le droit exclusif d'empêcher autrui d'utiliser des signes identiques ou similaires à sa marque sur certains types de produits ou de services dans les cas où une telle utilisation entraînerait un risque de confusion. Le propriétaire, et généralement tout titulaire d'une licence, peuvent faire respecter leurs droits en cas d'atteinte à ces droits. La durée de protection n'est pas limitée et la marque peut être renouvelée indéfiniment, à condition qu'elle continue d'être utilisée et conserve son caractère distinctif. Les droits conférés par une marque peuvent être perdus à la suite d'une annulation ou d'une radiation du registre si la marque n'est pas renouvelée ou si la taxe de maintien en vigueur n'est pas payée. Une marque peut perdre son caractère distinctif et devenir un terme générique. Cela peut se produire si le propriétaire de la marque ou le public, avec l'acceptation du propriétaire, utilise la marque en tant que désignation du produit ou terme d'usage courant, ou en remplacement de cette désignation ou de ce terme. Les normes internationales minimales de protection des marques sont énoncées dans la Convention de Paris et dans l'Accord sur les ADPIC.

(ii) Marques et dénominations communes internationales

Contrairement aux marques, qui sont des droits de propriété privés, les DCI sont des noms génériques d'ingrédients pharmaceutiques actifs. Chaque DCI est un nom unique reconnu au niveau mondial dans presque tous les États membres de l'OMS, et les DCI ne font pas l'objet de droits exclusifs. L'OMS a pour mandat constitutionnel de "développer, établir et encourager l'adoption de normes internationales en ce qui concerne les aliments, les produits biologiques, pharmaceutiques et similaires". Le Secrétariat et le Groupe d'experts des DCI de l'OMS collaborent étroitement avec les comités nationaux de la nomenclature, les autorités de réglementation pharmaceutique, les pharmacopées et l'industrie pharmaceutique pour choisir un nom unique acceptable au niveau mondial pour chaque substance active qui sera commercialisée comme produit pharmaceutique.

L'existence d'une nomenclature internationale des substances pharmaceutiques sous la forme de DCI est importante pour l'identification claire des médicaments, leur prescription sans risque et leur administration aux patients, ainsi que pour la communication et l'échange d'informations entre les professionnels de la santé et les scientifiques du monde entier. En tant que noms uniques, les DCI doivent se distinguer les unes des autres par leur consonance et leur orthographe et ne doivent pas prêter à confusion avec des appellations déjà couramment employées. Pour être disponibles à tous, elles sont formellement placées dans le domaine public par l'OMS, d'où le qualificatif de "communes". Une DCI peut être utilisée par tout producteur ou distributeur pour son produit, à condition de l'être de façon exacte. Par exemple, le terme "ibuprofène" est une DCI et peut donc être utilisé par tout producteur ou distributeur pour désigner ce produit.

Une autre caractéristique importante du système des DCI est que les noms des substances apparentées sur le plan chimique et pharmacologique démontrent leur relation au moyen d'un "segment clé" qui fait partie de la dénomination. L'utilisation de segments clés communs permet au praticien, au pharmacien ou à toute personne ayant affaire à des produits pharmaceutiques de voir que la substance appartient à un groupe de substances dont l'activité pharmacologique est similaire. Par exemple, tous les anticorps monoclonaux ont le suffixe/segment clé " mab", alors que les antagonistes des récepteurs adrénergiques ont le suffixe/segment clé " olol".

Il est important de veiller à ce que les marques se distinguent clairement des DCI pour pouvoir identifier de façon exacte les produits, et donc assurer la sécurité des patients. Il est également important de maintenir les DCI dans le domaine public et d'éviter d'accorder des droits de propriété privée à leur sujet. Les noms de marques ne doivent pas être tirés de DCI ni, en particulier, inclure leurs segments clés. Si un segment clé courant était utilisé dans un nom de marque, il deviendrait très difficile de choisir des noms supplémentaires dans une série. Pour les mêmes raisons, les DCI ne doivent pas contenir de marques existantes. Le Groupe d'experts des DCI convoqué par l'OMS rejette donc généralement les DCI proposées qui contiennent un nom de marque connu, et il existe une procédure de traitement des objections formées par les parties intéressées. Ces objections peuvent être fondées sur une similitude entre une DCI proposée et une marque. À l'inverse, les marques qui incluent un segment clé établi d'une DCI constituent une infraction au système des DCI. L'OMS a demandé aux États membres d'empêcher l'octroi de droits de marque ou d'autres droits de propriété exclusifs à toute DCI et à tout segment clé des DCI. Elle distribue à tous les États membres chaque liste nouvellement publiée de DCI proposées ou recommandées. Ces listes peuvent également être consultées sur son site Web.49

À la suite d'une décision du Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques (SCT) de l'OMPI, et en collaboration avec le Programme DCI, l'OMPI notifie officiellement aux offices nationaux et régionaux des marques de ses États membres la publication de chaque nouvelle liste de DCI proposées et recommandées. Une enquête réalisée par l'OMPI auprès des offices des marques a révélé que 72% des offices ayant répondu examinaient les demandes de marques sous l'angle d'éventuels conflits avec des DCI.50

Il est important de faire la distinction entre les DCI et les marques déposées pour faciliter la sélection de certains médicaments durant un processus d'achat. En effet, l'achat d'un produit sous sa DCI ouvre le processus à tous les fabricants du même produit désigné par la DCI. De nombreux pays exigent un étiquetage distinct pour la DCI, imprimé séparément du nom ou de la marque du laboratoire générique ou du laboratoire de princeps. Selon l'Accord sur les ADPIC, l'usage d'une marque au cours d'opérations commerciales ne doit pas être entravé par des prescriptions spéciales, mais des limitations justifiées sont admises (article 20). L'étiquetage inexact ou susceptible d'induire le public en erreur peut aussi être considéré comme une forme de concurrence déloyale. Il est visé par l'article 10bis de la Convention de Paris ainsi que par les lois sur la protection des consommateurs et les dispositions similaires existant dans de nombreux pays et qui sont destinées à prévenir l'étiquetage mensonger ou trompeur.

(iii) Approbation des noms de spécialité

Les noms sous lesquels les nouveaux médicaments seront vendus sur le marché (c'est à dire les marques ou noms commerciaux) sont également examinés par les autorités réglementaires et doivent être approuvés dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché. Durant les années 1990, les similitudes entre des noms de médicaments et les erreurs de médication ont conduit la FDA et l'EMA à mettre en place des évaluations de la nomenclature des marques dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques.51L'examen de ces noms dans le contexte de l'homologation est devenu plus formalisé au cours des dix dernières années avec la création d'organes spécifiques à la FDA et à l'EMA,52qui rejettent entre 30% et 40% des noms présentés pour approbation.53

Les critères d'évaluation des noms de spécialité appliqués par les autorités de réglementation pharmaceutique sont destinés à éviter les confusions et les erreurs de médication dans le contexte spécifique des pratiques de distribution et de prescription des produits pharmaceutiques. Ils recoupent donc dans une certaine mesure les critères qui sont également examinés dans le contexte d'une demande de marque. L'évaluation a pour but d'exclure les noms qui contiennent explicitement ou implicitement des revendications concernant l'efficacité et la sécurité du médicament qui sont fausses, trompeuses ou non étayées par des données. En outre, pour tenir compte des risques présentés par le contexte spécifique de la prescription pharmaceutique, l'évaluation réglementaire élimine les noms qui sont verbalement ou graphiquement similaires à ceux d'autres médicaments ou à des abréviations couramment utilisées dans les prescriptions rédigées à la main telles que la posologie, la forme galénique ou le mode d'administration.

L'obligation d'obtenir l'approbation du nom de spécialité d'un nouveau médicament dans le cadre de l'homologation des produits pharmaceutiques est un facteur important pour assurer la sécurité du médicament dans le contexte spécifique de la distribution et de la prescription pharmaceutiques. Du fait que la commercialisation du médicament est approuvée par les autorités sous un nom spécifique (c'est‑à‑dire que le médicament ne peut pas être commercialisé sous un autre nom), la difficulté pour les laboratoires pharmaceutiques est de concevoir un nom de médicament qui, non seulement sera approuvé par les autorités réglementaires, mais aussi pourra être protégé en tant que marque sur les principaux marchés où ce médicament sera vendu. Afin d'atteindre ce double objectif et de s'assurer un résultat positif, les laboratoires conçoivent habituellement plusieurs noms possibles pour le nouveau médicament et les enregistrent tous comme marques sur leurs principaux marchés avant de les soumettre comme choix possibles aux autorités réglementaires. Cette pratique explique en partie la prolifération des demandes de marque dans le domaine des produits pharmaceutiques, qui ont représenté 4,7% de l'ensemble des demandes de marque en 2010 (OMPI, 2011a). Un tel volume de demandes peut entraîner une situation dans laquelle de nombreux enregistrements de marques sont inutilisés.

(e) Droit d'auteur et produits pharmaceutiques

Le droit d'auteur s'applique à toute création originale dans les domaines littéraire ou artistique, quel que soit le type d'ouvrage (conformément aux dispositions de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, incorporées dans l'Accord sur les ADPIC), mais il ne s'étend pas aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels.

Pour les produits pharmaceutiques, l'une des questions essentielles liées au droit d'auteur est de savoir si la protection s'étend aux notices ou aux dépliants d'information qui accompagne les produits. Les producteurs de génériques sont libres d'utiliser les informations fournies dans une notice, car le droit d'auteur ne s'étend pas aux informations en tant que telles, mais seulement à la manière dont elles sont exprimées. Toutefois, étant donné que le droit d'auteur s'étend généralement à la réalisation de copies d'œuvres originales à l'échelle commerciale, les tribunaux ont parfois déterminé que les producteurs de génériques ne pouvaient pas reproduire pour leurs propres produits des copies directes des expressions originales figurant dans les notices du premier producteur du produit. C'est la décision qui a été rendue en 2002 en Afrique du Sud au sujet d'une notice concernant le médicament antibactérien amoxilline/clavulanate de potassium.54Une décision similaire a été rendue en Australie en 2011 au sujet d'un médicament contre l'arthrite rhumatoïde, le leflunomide. La Cour fédérale a constaté que le droit d'auteur subsistait dans les documents d'information. Toutefois, plus tard dans l'année, le Parlement australien a approuvé un amendement à la Loi sur le droit d'auteur établissant que l'utilisation d'informations déjà approuvées sur un produit dans le texte relatif à d'autres produits pharmaceutiques d'une manière quelconque, y compris la reproduction directe, n'était pas une atteinte au droit d'auteur. Une décision judiciaire ultérieure a confirmé que les laboratoires pharmaceutiques fabricants de génériques pouvaient désormais reproduire des informations de produits approuvées par l'Administration des produits thérapeutiques sans porter atteinte au droit d'auteur dans une série de circonstances prescrites.55

(f) Mesures destinées à faire respecter les droits

La valeur des règles sur la propriété intellectuelle exposées ci dessus dépend de l'existence d'un système efficace permettant de les faire respecter. Comme les DPI sont des droits privés, leur respect relève généralement de la responsabilité des titulaires de droits eux mêmes. En cas d'atteinte aux droits, ce sont donc normalement les titulaires qui engagent une action au civil. Toutefois, l'intérêt public est en jeu lorsque l'atteinte à la propriété intellectuelle a lieu au niveau pénal, par exemple lorsqu'un commerçant fabrique, distribue ou vend des produits commercialisés sous la marque d'une autre entreprise sans autorisation, sciemment et sur une échelle commerciale. Cela dit, les mesures destinées à faire respecter les DPI se distinguent clairement de la réglementation des médicaments à des fins de sécurité, de qualité et d'efficacité, y compris la lutte contre les produits médicaux de qualité inférieure/faux/faussement étiquetés/falsifiés/contrefaits (SSFFC).

(i) Lien entre le respect des DPI et la santé publique

Le sens du terme "contrefait" est différent dans le contexte de la santé publique et dans celui de la propriété intellectuelle, de même que ce qui motive la lutte contre les produits SSFFC est différent dans le contexte de la santé publique et dans celui de la propriété intellectuelle56Dans la perspective de la santé publique, qui est régie par des aspects réglementaires, le terme "contrefait" est employé dans son sens le plus large et ne devrait pas être confondu avec les atteintes aux droits conférés par les marques. C'est pourquoi il a été remplacé, dans les discussions sur la politique de santé, par l'expression "de qualité inférieure/faux/faussement étiquetés/falsifiés/contrefaits"57La lutte contre les produits SSFFC est exclusivement motivée par le souci de protéger la sécurité publique et par des préoccupations connexes relatives à la protection des consommateurs. Du point de vue de la propriété intellectuelle, l'utilisation d'une marque à des fins commerciales sans autorisation de son titulaire est la condition essentielle pour considérer un produit comme contrefait. Dans ce contexte, l'objectif est de préserver l'intérêt qu'a le titulaire de la marque de faire respecter ses droits, et il est aussi de protéger l'intérêt public en luttant contre les atteintes aux droits lorsqu'ils ont lieu au niveau pénal.

Bien que les motivations puissent être différentes, les méthodes employées pour interdire la production, le commerce et la distribution de tous les types de produits portant atteinte aux droits conférés par les marques et des produits SSFFC présentent quelques similitudes, les contrôles douaniers et le droit pénal figurant parmi les moyens les plus fréquemment utilisés. Par exemple, les produits pharmaceutiques sont régulièrement signalés comme figurant parmi les principaux produits dont la mise en libre circulation est suspendue par les autorités douanières pour atteinte aux DPI.58En effet, dans le commerce international, la marque joue un rôle important comme identifiant commercial et comme indication de la source du produit, ce qui peut faciliter l'identification des produits contrefaits. Les contrefacteurs utilisent des marques sans autorisation pour prétendre, régulièrement mais pas toujours, que le produit est authentique, donnant ainsi une représentation fausse de son identité et de sa source. Par conséquent, certains estiment que les mesures destinées à faire respecter les DPI en luttant contre la contrefaçon de marque peuvent avoir des effets secondaires positifs en soutenant les efforts faits pour tenir les produits dangereux à l'écart du marché. D'autres font valoir que les considérations de santé publique devraient rester strictement distinctes des mesures destinées à faire respecter les DPI afin d'éviter de brouiller les objectifs, c'est‑à‑dire le respect des droits privés et la protection de la santé publique, surtout dans le contexte de la rétention de produits génériques en transit en Europe.59

(ii) Mesures destinées à faire respecter les droits au titre de l'Accord sur les ADPIC

L'Accord sur les ADPIC établit le seul cadre multilatéral complet permettant de faire respecter les DPI. Il contient un ensemble de normes minimales destinées à préserver les droits des détenteurs de propriété intellectuelle, tout en évitant les obstacles au commerce légitime. Ces normes portent, entre autres, sur les procédures civiles et les mesures correctives qui devraient être disponibles telles que les injonctions, les dommages‑intérêts et les ordonnances de mise hors circuit des marchandises portant atteinte aux droits conférés par les marques. Ces mesures correctives doivent être disponibles pour tous les DPI visés par l'Accord sur les ADPIC, y compris les brevets, la protection des données d'essai, les marques et le droit d'auteur. Les procédures administratives telles que les actions engagées devant les autorités administratives sont facultatives et doivent être conformes aux principes applicables aux procédures civiles. Un éventail plus large de procédures, parmi lesquelles des mesures douanières et des procédures pénales, doit être disponible pour les marchandises de marque contrefaites telles qu'elles sont définies dans l'Accord sur les ADPIC, y compris les produits médicaux et les marchandises pirates portant atteinte au droit d'auteur. L'Accord énonce également certaines obligations générales ou certaines normes de résultat qui stipulent que les Membres de l'OMC doivent faire en sorte que ces procédures spécifiques destinées à faire respecter les droits permettent une action efficace, y compris des mesures correctives rapides destinées à prévenir et à décourager toute atteinte. Ces procédures doivent être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif. L'Accord sur les ADPIC précise que les Membres de l'OMC n'ont aucune obligation en ce qui concerne la répartition des ressources entre les moyens de faire respecter les DPI et les moyens de faire respecter la loi en général.60

(g) Flexibilités au titre de l'Accord sur les ADPIC et de la Déclaration de Doha

La détermination des choix optimaux parmi l'éventail disponible des options est une considération essentielle dans la conception d'un régime national de propriété intellectuelle. Toutefois, bon nombre de ces options, souvent désignées sous le nom de "flexibilités au titre de l'Accord sur les ADPIC", font depuis longtemps partie des mécanismes utilisés dans les systèmes de brevets pour maintenir un équilibre entre les intérêts publics et privés – bien avant que l'Accord sur les ADPIC n'ait été négocié et que la Déclaration de Doha établie.

(i) Flexibilités dans le système de propriété intellectuelle

L'adoption des normes énoncées dans l'Accord sur les ADPIC a entraîné la création de diverses options offertes aux Membres de l'OMC pour mettre en œuvre leurs obligations au titre de l'Accord, tout en prenant en compte différentes considérations telles que leur stade de développement et les intérêts nationaux spécifiques (par exemple en matière de santé publique). Toutefois, malgré des références répétées aux "flexibilités" dans le débat sur les politiques, ni l'Accord sur les ADPIC ni aucun des instruments ultérieurs n'ont formellement défini le sens exact de ce terme. L'Accord sur les ADPIC ne l'utilise que de manière limitée. En fait, bien que des flexibilités existent à une échelle beaucoup plus large, y compris pour les pays en développement et les pays développés, le terme de "flexibilités" est exclusivement mentionné en relation avec la prescription spéciale qui est faite aux PMA Membres de se doter d'une base technologique solide et viable, ce qui explique la période de transition additionnelle qui leur est accordée (voir le Préambule et l'article 66:1 de l'Accord sur les ADPIC). Le terme de "flexibilités" n'est entré dans le jargon de la communauté plus large de la propriété intellectuelle que durant la période précédant la Déclaration de Doha, et en particulier après la conclusion de ces négociations.61

Pour expliquer le rôle des "flexibilités", la Déclaration de Doha a clarifié l'importance des choix nationaux dans la mise en œuvre de l'Accord sur les ADPIC. Elle accorde une place beaucoup plus grande aux flexibilités. Cela peut s'expliquer par l'importance centrale que le débat sur les options en matière de promotion de la santé publique revêt depuis les travaux préparatoires aux négociations de Doha, dont le point d'orgue a été l'adoption de la Déclaration de Doha en 2001. L'Accord sur les ADPIC souligne l'existence de flexibilités et leur importance pour le secteur pharmaceutique, et la Déclaration de Doha confirme "le droit des Membres de l'OMC de recourir pleinement aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC, qui ménagent une flexibilité" en vue de protéger la santé publique. La Déclaration énumère plusieurs de ces flexibilités relatives à l'octroi de licences obligatoires et à l'épuisement des droits. La décision ultérieure du 30 août 2003 sur la mise en œuvre du paragraphe 6 de la Déclaration de Doha (Décision de 2003) confirme à nouveau les "droits, obligations et flexibilités qu'ont les Membres en vertu des dispositions de l'Accord sur les ADPIC".62

Sur la base de l'Accord du 22 décembre 1995 entre l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l'Organisation mondiale du commerce,63l'OMPI fournit une assistance technico‑juridique relative à l'Accord sur les ADPIC. Les administrations publiques chargées de rédiger les lois demandent souvent conseil à l'OMPI sur la manière d'utiliser dans le pays les flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC. Des conseils sont dispensés après un examen attentif des flexibilités, de la compatibilité avec l'Accord et des incidences juridiques, techniques et économiques. Mais la décision finale sur le choix des options législatives incombe exclusivement à l'État membre. Quatre groupes de flexibilités ont été relevés dans les travaux de l'OMPI:

  • les modalités de la mise en œuvre des obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC;
  • les normes fondamentales de protection;
  • les mécanismes destinés à faire respecter les droits;
  • les domaines non visés par l'Accord sur les ADPIC.

L'utilisation de flexibilités est également traitée dans plusieurs recommandations inscrites dans le Plan d'action pour le développement de l'OMPI (voir l'encadré 2.9). À la demande du Comité du développement et de la propriété intellectuelle (CDPI), l'OMPI a réalisé une étude préliminaire sur la question des éléments de flexibilité relatifs aux brevets dans le cadre juridique multilatéral et leur mise en œuvre législative aux niveaux national et régional.64Cette étude présente un nombre non exhaustif d'éléments de flexibilité dans le domaine des brevets, accompagnés dans chaque cas d'un développement conceptuel, ainsi que des annexes et des tableaux faisant état des dispositions et des pratiques juridiques correspondantes dans un grand nombre de pays.

L'étude montre que les flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC, parmi lesquelles les licences obligatoires, l'exception en faveur de la recherche, l'épuisement des droits et l'exception pour l'examen réglementaire – également appelée exemption "Bolar" – sont transposées de manière diverse dans les lois nationales.65Dans un deuxième document, cette recherche est étendue à d'autres flexibilités, à savoir les périodes de transition, la brevetabilité des substances existant dans la nature, les éléments de flexibilité relatifs à la divulgation, les aspects relatifs à l'examen de fond et le contrôle d'office des clauses contractuelles anticoncurrentielles par les offices de propriété intellectuelle dans les accords de concession sous licence de brevets (voir l'encadré 2.10).66

(ii) Contexte de la Déclaration de Doha

Le but des négociateurs de l'Accord sur les ADPIC était de faire en sorte que les pays rendent les produits pharmaceutiques brevetables, tout en conservant certaines options relatives à la brevetabilité et à la portée des droits à des fins de santé publique. Or, de vives controverses ont surgi à propos de la mesure dans laquelle l'Accord favorisait la santé publique, surtout au moment où la plupart des obligations de fond inscrites dans l'Accord sont entrées en vigueur pour les pays en développement en 2000. Dans le cadre d'une procédure judiciaire historique, une association professionnelle pharmaceutique et 39 de ses laboratoires affiliés ont déposé des plaintes devant la Haute Cour de Pretoria, alléguant, entre autres choses, que la loi sud‑africaine sur les médicaments autorisait l'importation parallèle de médicaments (contre le VIH/SIDA) et était incompatible avec l'Accord sur les ADPIC. Le procès a déclenché une campagne active dirigée par des organisations non gouvernementales (ONG) et des militants de la lutte contre le SIDA. Au cours de la procédure, il est apparu que la loi sud‑africaine était fondée sur une loi type de l'OMPI, et les laboratoires ont finalement retiré leurs plaintes sans condition en 2001. Il était devenu évident pour de nombreux gouvernements et autres instances que la relation entre l'Accord sur les ADPIC et la santé publique avait besoin d'être éclaircie.

Encadré 2.9 Définition des flexibilités selon l'OMPI

  • Selon le rapport du CDPI de l'OMPI,67le terme "éléments de flexibilité" signifie qu'il existe différentes options pour transcrire les obligations découlant de l'Accord sur les ADPIC dans la législation nationale, de sorte que les intérêts nationaux soient pris en considération et que les dispositions et les principes prévus par l'Accord sur les ADPIC soient respectés. Cette définition délimiterait efficacement la portée de cette notion au moyen des éléments suivants:
  • elle souligne l'idée que différentes options sont disponibles aux fins de la mise en œuvre;
  • elle renvoie au processus législatif de mise en œuvre, rappelant que la première étape pour tirer parti d'un élément de flexibilité consiste à le transcrire dans la législation nationale;
  • elle renvoie aux fondements des éléments de flexibilité, qui sont de prendre en considération l'intérêt national;
  • elle indique qu'un élément de flexibilité doit être compatible avec les dispositions et les principes de l'Accord sur les ADPIC.

Ces éléments de flexibilité peuvent être classés de diverses manières, par exemple selon la durée de vie des DPI concernés. Ils peuvent ainsi être appliqués:

  • durant le processus d'acquisition du droit;
  • lors de la définition de la portée du droit;
  • lors de l'application du droit.
 

Encadré 2.10 Les flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC et mises en relief dans la GSPA‑PHI

La GSPA‑PHI de l'OMS mentionne expressément les flexibilités réaffirmées dans la Déclaration de Doha. Elle invite instamment les États membres à envisager d'utiliser pleinement les flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC, y compris celles reconnues dans la Déclaration de Doha, en les incorporant dans leur législation nationale (élément 5.2 a). En ce qui concerne une protection de la propriété intellectuelle allant au‑delà de celle prévue par l'Accord sur les ADPIC, les États membres sont instamment invités à tenir compte des effets sur la santé publique en envisageant l'adoption ou l'application de ces obligations (élément 5.2 b). Ils devraient aussi tenir compte des flexibilités lors de la conclusion d'accords commerciaux (bilatéraux ou régionaux) (élément 5.2 c). La GSPA‑PHI mentionne en outre plusieurs flexibilités et options en matière de politique publique à la disposition des États membres, qui sont destinées à faciliter la recherche et l'accès aux technologies médicales:l

  • exceptions pour la recherche (élément 2.4 e)68
  • communautés de brevets volontaires de technologies d'amont et d'aval (élément 4.3 a).69
  • dans les pays disposant d'une capacité de production, envisager de prendre les mesures nécessaires pour appliquer le système du paragraphe 6 de l'OMC (élément 5.2 d)70
  • mettre au point des dispositifs efficaces et durables dans les PMA pour élargir l'accès aux médicaments existants en reconnaissant la période de transition jusqu'en 2016 (élément 6.1 b)71
  • exception réglementaire ou disposition de type "Bolar" (élément 6.3 a).72

En avril 2001, les Secrétariats de l'OMS et de l'OMC ont convoqué un atelier sur la fixation différenciée des prix et le financement des médicaments essentiels, qui s'est tenu à Høsbjør (Norvège). À l'issue de la publication du rapport sur cet atelier73 le Groupe africain a proposé que l'OMC convoque une session extraordinaire du Conseil des ADPIC, afin d'engager un débat sur l'interprétation et l'application des dispositions pertinentes de l'Accord sur les ADPIC, en vue de préciser les éléments de flexibilité dont peuvent se prévaloir les Membres et, en particulier, d'établir la relation entre les DPI et l'accès aux médicaments. Cette proposition a reçu le soutien de tous les Membres.74Elle a été suivie en juin 2001 par une proposition écrite détaillée établie par un groupe de pays en développement, et demandant à l'OMC de prendre des mesures visant à garantir que l'Accord sur les ADPIC ne porte en aucune manière atteinte au droit légitime qu'ont les Membres de l'OMC de formuler leurs propres politiques de santé publique et de les mettre en œuvre en adoptant des mesures destinées à protéger la santé publique. À la quatrième Conférence ministérielle de l'OMC, qui s'est tenue à Doha (Qatar) le 14 novembre 2001, les Ministres ont adopté par consensus la Déclaration de Doha, qui traite des préoccupations exprimées.

(iii) Contenu de la Déclaration de Doha

En explicitant le rôle général joué par l'Accord sur les ADPIC en faveur de l'accès aux médicaments et en précisant les flexibilités spécifiques à cette fin, la Déclaration de Doha a offert un contexte plus clair pour les choix opérationnels spécifiques relatifs à l'utilisation des options en matière de politique offertes au titre de l'Accord.

La Déclaration de Doha reconnaît la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et PMA, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies. Cette déclaration historique a été suivie par plusieurs déclarations importantes signalant à tous les Membres qu'ils étaient libres d'utiliser les dispositions de l'Accord sur les ADPIC d'une manière favorable à la protection de la santé publique. Le paragraphe 4 de la Déclaration de Doha confirme que "l'Accord sur les ADPIC n'empêche pas et ne devrait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique", qu'il "peut et devrait être interprété et mis en œuvre d'une manière qui appuie le droit des Membres de l'OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l'accès de tous aux médicaments" et qu'en outre, les Membres de l'OMC ont le droit "de recourir pleinement aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC, qui ménagent une flexibilité à cet effet".

Le paragraphe 5 confirme spécifiquement quatre aspects sous lesquels les dispositions de l'Accord ménagent une flexibilité à cet effet:

  • • La première clarification concerne la manière dont l'Accord sur les ADPIC est interprété. Chaque disposition de l'Accord doit être lue à la lumière de l'objet et du but de l'Accord tels qu'ils sont exprimés, en particulier, dans ses "objectifs" et "principes". Ces termes ne sont pas définis ailleurs dans la Déclaration de Doha, mais il existe un parallèle avec les titres respectifs des articles 7 et 8 de l'Accord sur les ADPIC – même si des objectifs et principes sont également mentionnés ailleurs dans l'Accord.
  • • Les deuxième et troisième clarifications concernent les licences obligatoires. Chaque Membre de l'OMC a "le droit d'accorder des licences obligatoires et la liberté de déterminer les motifs pour lesquels de telles licences sont accordées". Ces clarifications ont dissipé l'idée fausse selon laquelle les licences obligatoires ne pouvaient être accordées qu'en cas d'urgence nationale. Chaque Membre a également le droit de déterminer ce qui constitue une situation d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence. Ces clarifications ont une utilité pratique car, dans de telles situations, les pays sont dispensés de tenter d'abord de négocier une licence volontaire avec le titulaire du brevet. Comme exemples de ces situations d'urgence, la Déclaration de Doha cite "les crises dans le domaine de la santé publique, y compris celles qui sont liées au VIH/SIDA, à la tuberculose, au paludisme et à d'autres épidémies".
  • • Enfin, la Déclaration de Doha confirme la liberté de chaque Membre "d'établir son propre régime en ce qui concerne cet épuisement sans contestation", sous réserve des règles qui interdisent la discrimination en fonction de la nationalité. Cela permet à un Membre de choisir entre l'épuisement national, régional ou international. L'épuisement régit la mesure dans laquelle un titulaire de DPI peut empêcher la revente et l'importation de marchandises authentiques mises sur le marché avec son consentement dans le même pays ou dans un autre. Les pays sont donc libres de déterminer s'ils veulent ou non autoriser l'importation parallèle de produits brevetés, y compris les produits médicaux.

Le paragraphe 6 de la Déclaration de Doha donnait pour instruction de commencer des travaux qui devaient aboutir à l'adoption d'une flexibilité additionnelle destinée à aider les pays ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou n'en disposant pas dans le secteur pharmaceutique à recourir de manière effective aux licences obligatoires.76

Le paragraphe 7 réaffirmait l'engagement des pays développés Membres d'offrir des incitations à leurs entreprises et institutions pour promouvoir et encourager le transfert de technologie vers les PMA Membres conformément à l'article 66:2 de l'Accord sur les ADPIC, confirmant ainsi que le transfert de technologie vers les PMA est aussi une question de santé publique. Le paragraphe 7 contenait en outre une instruction donnée au Conseil des ADPIC de proroger jusqu'au 1er janvier 2016 la période de transition accordée aux PMA au sujet de leurs obligations relatives aux brevets et à la protection des données d'essai pour les produits pharmaceutiques (y compris les procédures destinées à faire respecter les droits et les mesures correctives).

(iv) Mise en œuvre de la Déclaration de Doha

Contrairement à l'Accord sur les ADPIC lui‑même, la Déclaration de Doha n'impose pas de promulguer une législation spécifique. Certains pays y font quand même référence dans des instruments juridiques. Il est également fait référence à la Déclaration de Doha dans les travaux d'autres organisations internationales, notamment la Stratégie et le plan d'action mondiaux pour la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle (GSPA‑PHI) de l'OMS, dans de nombreuses autres résolutions de l'OMS, dans le Plan d'action pour le développement de l'OMPI et dans les résolutions 65/1 et 65/27777de l'Assemblée générale des Nations Unies, qui portent respectivement sur les OMD et sur le VIH/SIDA.

(v) Période de transition accordée aux PMA

L'Accord sur les ADPIC prévoit plusieurs périodes de transition afin que les pays puissent mettre en œuvre de façon progressive leurs obligations dans le cadre de l'Accord. Certaines de ces périodes concernent spécifiquement la délivrance de brevets pour les produits pharmaceutiques. Elles ont désormais expiré pour les pays développés et les pays en développement Membres de l'OMC, mais les PMA, sur la base de la Déclaration de Doha et de la Décision ultérieure du Conseil des ADPIC, bénéficient d'une prorogation jusqu'au 1er janvier 2016 pour les brevets de produits pharmaceutiques et la protection des données d'essai relatives à ces produits (y compris les procédures destinées à faire respecter les droits et les mesures correctives).78Le Conseil général de l'OMC a également approuvé une dérogation pour les PMA en ce qui concerne l'obligation énoncée à l'article 70:9 de l'Accord sur les ADPIC, en vertu de laquelle la période de transition est également prorogée jusqu'au 1er janvier 2016.79En conséquence, les PMA ne sont pas tenus d'accorder des droits exclusifs de commercialisation pour les produits pharmaceutiques tant que les demandes de brevets sont en instance – même pour des produits qui relèveraient par ailleurs des circonstances très spécifiques mentionnées à l'article 70:9. Ces décisions sont distinctes de la prorogation générale de la période de transition accordée aux PMA – jusqu'au 1er juillet 2013 –pour la plupart de leurs autres obligations au titre de l'Accord sur les ADPIC.80De nouvelles prorogations des périodes de transition accordées aux PMA sont possibles sur demande dûment motivée de ces pays. À cet égard, les Ministres présents à la huitième Conférence ministérielle de l'OMC, qui s'est tenue en décembre 2011, ont invité le Conseil des ADPIC "à prendre pleinement en considération une demande dûment motivée présentée par les pays les moins avancés Membres en vue de la prorogation de la période de transition".81En novembre 2012, le Groupe des PMA a présenté une demande de prorogation additionnelle de la période de transition. Selon le projet de décision proposé, les PMA seraient dispensés d'appliquer l'Accord sur les ADPIC aussi longtemps qu'ils conserveraient le statut de PMA..82Aucune décision n'avait été prise à l'OMC au moment de la rédaction du présent ouvrage.

Au niveau national, les PMA peuvent donc conserver pour le moment leurs normes juridiques destinées à protéger et à faire respecter les droits sans avoir à se conformer aux obligations concernant les brevets et la protection des données d'essai spécifiées dans l'Accord sur les ADPIC pour ce qui concerne les produits pharmaceutiques. Toutefois, s'ils souhaitaient abaisser leurs normes protégeant les produits pharmaceutiques au moyen de brevets, ce qui serait autorisé au titre de la décision de prorogation susmentionnée, ils devraient encore normalement prendre des dispositions pour incorporer ces changements dans leur législation nationale. C'est ce qui s'est produit au Rwanda en 2009, lorsqu'une nouvelle loi sur la protection de la propriété intellectuelle a été adoptée. Cette loi exclut de la brevetabilité les "produits pharmaceutiques aux fins des conventions internationales ratifiées par le Rwanda".83Selon la législation précédente du Rwanda sur les brevets, les produits pharmaceutiques étaient des objets brevetables. Les PMA peuvent aussi décider de ne pas modifier leur législation et déclarer simplement que, jusqu'à la fin de la période de transition, ils n'appliqueront pas les dispositions juridiques relatives à la protection des données d'essai ou aux brevets dans le domaine des produits pharmaceutiques. Pour toute mesure de ce type, ils devraient en tout état de cause vérifier aussi la conformité de la mesure qu'ils envisagent avec leur propre système juridique et avec les obligations juridiques résultant de leur appartenance à des organisations régionales ou des accords commerciaux bilatéraux ou autres traités auxquels ils sont parties.

La période de transition peut offrir à ces pays des possibilités d'attirer des investissements dans la production locale de produits pharmaceutiques.84Alors que certains PMA excluent les produits pharmaceutiques de la protection conférée par les brevets durant la période de transition, d'autres, par exemple les PMA membres de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle, ont renoncé à cette option, car l'Accord de Bangui prévoit l'octroi de brevets pharmaceutiques.85

(h) Modalités d'accession à l'OMC

Les modalités d'accession à l'OMC sont une autre source potentielle d'engagements en matière de propriété intellectuelle dans le système de l'OMC. Les nouveaux Membres de l'OMC doivent négocier leur accession au titre de l'article XII de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.86Les modalités d'accession font donc l'objet d'une négociation. Cette négociation se déroule entre le Membre accédant et les Membres intéressés qui choisissent de participer au groupe de travail de l'accession. Les modalités d'accession prévoient toujours au minimum le respect de tous les Accords multilatéraux de l'OMC, y compris l'Accord sur les ADPIC, sous réserve de périodes de transition possibles. Dans un certain nombre de cas par le passé, les Membres existants ont également demandé des engagements additionnels. S'ils sont acceptés par le Membre accédant, ces engagements sont consignés dans le rapport du groupe de travail et dans le protocole d'accession, qui fait partie de l'Accord sur l'OMC pour ce Membre. Les nouveaux Membres peuvent accepter des modalités d'accession qui exigent une protection de la propriété intellectuelle plus élevée que celle prévue dans l'Accord sur les ADPIC. Toutefois, les éléments du rapport du groupe de travail n'ont pas tous le même statut juridique. Alors que certains équivalent à des engagements juridiquement contraignants, qui sont mentionnés dans le rapport et dans le protocole d'accession, d'autres sont de nature descriptive et reflètent simplement les renseignements communiqués au groupe de travail par le pays accédant. En pareil cas, aucun engagement n'est consigné par le groupe de travail.

Les questions relatives à la propriété intellectuelle et aux produits pharmaceutiques ont figuré dans plusieurs négociations sur l'accession (voir Abbott et Correa (2007) pour un panorama complet des éléments relatifs à la propriété intellectuelle figurant dans les accords d'accession à l'OMC). Par exemple, lorsque l'Ukraine a accédé à l'OMC en 2008, elle a inscrit l'engagement de notifier aux premiers déposants de la demande d'autorisation de mise sur le marché des produits pharmaceutiques princeps les demandes ultérieures, afin de donner aux premiers déposants la possibilité de fournir des renseignements sur le point de savoir si les déposants de ces demandes ultérieures étaient autorisés à utiliser les données d'essai originelles et d'accorder des droits exclusifs à ces données d'essai pour au moins cinq ans.87

En ce qui concerne les PMA, il a été convenu, dans la Déclaration ministérielle de 2001 qui a marqué le lancement du Programme de Doha pour le développement, que les Membres de l'OMC œuvreraient pour faciliter et accélérer les négociations avec les PMA accédants. En 2002, le Conseil général de l'OMC a adopté les Lignes directrices sur l'accession des PMA.88Ce texte dispose, entre autres choses, que les périodes de transition prévues dans des Accords de l'OMC spécifiques seront accordées – compte tenu des besoins de ces pays en matière de développement, de finances et de commerce – et qu'elles s'accompagneront de plans d'action pour le respect des règles commerciales. En outre, une décision prise à la huitième Conférence ministérielle de l'OMC, en décembre 2011, stipule que "les demandes de périodes de transition additionnelles seront examinées en tenant compte des besoins de développement individuels des PMA accédants"88Par la suite, la Décision du Conseil général de l'OMC du 25 juillet 2012 a favorisé encore plus la rationalisation et la mise en œuvre effective des Lignes directrices sur l'accession des PMA notamment grâce à une amélioration de la transparence et à l'engagement que les demandes de périodes transitoires additionnelles seraient examinées favorablement au cas par cas.89Le Cambodge et le Népal ont accédé à l'OMC en 2004, Cabo Verde en 2008 et le Samoa et le Vanuatu en 2012 (voir l'encadré 2.11).

Encadré 2.11 L'exemple du Cambodge: modalités d'accession d'un PMA à l'OMC

Le Cambodge a été le premier des PMA à conclure ses négociations d'accession à l'OMC (de nombreux PMA étaient Membres originels de l'OMC lors de sa création en 1995). Le Groupe de travail chargé de son accession a été établi en 1994 et s'est réuni entre 2001 et 2003, et le Cambodge a accédé à l'OMC en 2004. Dans les modalités d'accession le concernant, le Cambodge s'est engagé à mettre en œuvre l'Accord sur les ADPIC au plus tard le 1er janvier 2007 – bien qu'une prorogation jusqu'au 1er janvier 2016 ait été convenue pour les PMA Membres dans la Déclaration de Doha en ce qui concerne les brevets et la protection des données d'essai pour les produits pharmaceutiques et qu'une prorogation générale ait ensuite été convenue pour les PMA Membres jusqu'au 1er juillet 2013.

Le Cambodge s'est engagé à mettre en œuvre l'Accord sur les ADPIC à partir de 2007 étant entendu entre autres choses que, durant la période de transition, il accorderait des droits exclusifs sur les données d'essai pendant cinq ans et assurerait le lien entre les brevets et les autorisations de mise sur le marché (document de l'OMC WT/ACC/KHM/21, paragraphes 204 à 206 et 224). Il a donc accepté des demandes faites par les Membres existants qui allaient au‑delà des obligations expresses figurant dans l'Accord sur les ADPIC. En agissant ainsi, il a apparemment renoncé, dans son accord d'accession, à un certain nombre de flexibilités offertes par l'Accord dont il aurait bénéficié sans cela au titre des périodes de transition existantes.

Cependant, immédiatement avant l'adoption de la décision sur l'accession du Cambodge, le Directeur général adjoint de l'OMC, s'exprimant au nom du Président du Groupe de travail de l'accession du Cambodge, a apporté la précision suivante: "Les résultats obtenus dans le cas du Cambodge parlent d'eux‑mêmes et j'aimerais aussi ajouter à cet égard que les conditions de cette accession n'empêchent pas le Cambodge en tant que pays parmi (les moins avancés), de bénéficier des avantages prévus dans la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle et la santé publique." (Document de l'OMC WT/MIN(03)/SR/4.)

2. Politique de la concurrence

Parmi les moyens dont les gouvernements disposent pour répondre aux préoccupations de santé publique, la politique de la concurrence joue un rôle important en assurant l'accès aux technologies médicales et en encourageant l'innovation dans le secteur pharmaceutique. La concurrence favorise la liberté de choix, fait baisser les prix et assure un bon rapport qualité prix, tout en constituant un moteur important pour l'innovation et l'accroissement de la productivité.

(a) La double fonction de la politique de la concurrence

Lorsqu'on examine les politiques destinées à encourager l'innovation et à assurer l'accès aux technologies médicales, on peut considérer que la politique de la concurrence a deux fonctions complémentaires liées entre elles (Hawkins, 2011).

Premièrement, la politique de la concurrence est importante pour éclairer les mesures réglementaires et les autres choix de politique qui concernent l'innovation et l'accès en matière de technologies médicales. On peut charger les organes compétents de procéder à de vastes examens de la concurrence et de la réglementation, des systèmes de réglementation des prix des produits pharmaceutiques, de la réglementation applicable aux pharmacies et des arrangements de vente en gros et de distribution. Ces organes peuvent formuler des recommandations pour une série de politiques touchant la concurrence – non seulement le fonctionnement de la concurrence et les lois sur la protection des consommateurs, mais aussi des aspects intéressant directement la santé publique. Des institutions telles que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale ont publié des études sur l'interaction entre la politique de la concurrence et la réglementation en matière de santé. Cette interaction favorise la coordination entre les autorités de la concurrence et les organismes qui réglementent les prix des produits médicaux et le secteur de la santé en général.90

Deuxièmement, l'application du droit de la concurrence aide aussi à corriger les comportements anticoncurrentiels susceptibles de se produire dans les différents secteurs de l'activité commerciale qui participent au développement des technologies médicales et à leur fourniture aux patients qui en ont besoin. Elle vise à prévenir les pratiques anticoncurrentielles qui peuvent, par exemple, freiner la R‑D, limiter la disponibilité des ressources nécessaires à la production de technologies médicales, créer des obstacles non nécessaires à la concurrence des génériques ou à la concurrence intermarques, et restreindre les circuits de distribution disponibles et le choix des consommateurs en général. Les pratiques qui ont été recensées comme néfastes à cet égard sont, entre autres, les suivantes: i) usage abusif des DPI dû à l'imposition de conditions trop restrictives à la délivrance de licences concernant les technologies médicales ou au refus de remédier à ces conditions; ii) atteinte à la concurrence des génériques en raison d'accords amiables anticoncurrentiels concernant des brevets; iii) fusions entre laboratoires pharmaceutiques entraînant une concentration néfaste de la R‑D et des DPI; iv) ententes entre laboratoires pharmaceutiques, y compris entre les fabricants de génériques; v) comportement anticoncurrentiel dans le secteur de la vente au détail de produits médicaux et d'autres secteurs apparentés; et vi) collusions à l'occasion de marchés publics. Ces pratiques peuvent être réprimées au cas par cas grâce à l'application du droit de la concurrence.

(b) Interface entre la politique de la concurrence et la protection de la propriété intellectuelle

Dans le domaine de l'innovation, les objectifs et les effets de la protection de la propriété intellectuelle et de la politique de la concurrence peuvent être complémentaires: toutes deux visent à encourager l'innovation en créant des incitations au développement de nouveaux produits en tant qu'avantage sur la concurrence. La protection de la propriété intellectuelle pour les nouvelles technologies médicales est généralement considérée comme un moyen important de promouvoir l'investissement dans la R‑D relative aux nouvelles technologies médicales. Il en résulte une concurrence entre les différents laboratoires de princeps pour développer de nouvelles technologies médicales utiles et donc pour produire et offrir plus rapidement de nouveaux produits. Cette forme de concurrence n'est généralement pas entravée par les DPI qui auraient au contraire plutôt tendance à la renforcer. La politique de la concurrence aide aussi à maintenir le potentiel d'innovation de l'industrie en réglementant la structure du marché et en prévoyant des contre‑mesures en cas de comportement anticoncurrentiel. Les autorités de la concurrence surveillent les fusions entre laboratoires pharmaceutiques et peuvent obliger ces derniers à céder certaines branches de recherche pour éviter l'abandon de recherches sur des technologies médicales futures qui pourraient être concurrentielles.91Cela entraîne en principe ce qu'on appelle une concurrence entre brevets sur les marchés de produits pharmaceutiques: des produits alternatifs appartenant à la même classe thérapeutique peuvent être disponibles, et leurs producteurs entrent donc en concurrence sur le même marché.

Dans certaines circonstances cependant, les DPI, tout en ayant pour but de stimuler l'innovation, peuvent l'empêcher ou la réduire dans le secteur pharmaceutique au stade de la fabrication, car les concurrents sont exclus de l'utilisation des technologies médicales brevetées ou protégées d'une autre manière. Une considération importante à cet égard est la mesure dans laquelle des produits alternatifs sont disponibles. Lorsque des produits alternatifs compétitifs sont disponibles, les DPI n'entraînent pas la création de monopoles économiques.

Les responsables politiques sont donc confrontés à la tâche difficile de trouver un équilibre global entre les mesures destinées à protéger et faire respecter les DPI légitimes et le besoin de stimuler la concurrence et de prévenir le comportement anticoncurrentiel.

(i) Réponse aux préoccupations relatives à la politique de la concurrence dans le cadre juridique de la protection de la propriété intellectuelle

La politique de la concurrence a inspiré le cadre juridique de protection de la propriété intellectuelle dans le sens où les accords internationaux ainsi que les lois nationales relatives à la propriété intellectuelle reconnaissent le rôle qu'elle a à jouer comme contrepoids aux DPI. Les dispositions juridiques relatives à la concurrence peuvent être considérées comme faisant partie intégrante des règles relatives à la protection de la propriété intellectuelle.

Au niveau international, la Convention de Paris a reconnu il y a longtemps l'importance de la politique de la concurrence dans la conception des règles relatives à la protection de la propriété intellectuelle comme fondement de l'octroi de licences obligatoires en vue de prévenir l'usage abusif des DPI. Cette importance apparaît également dans plusieurs dispositions de l'Accord sur les ADPIC.

L'article 8:2 de l'Accord sur les ADPIC dit que des mesures appropriées (compatibles avec les dispositions de l'Accord) peuvent être nécessaires afin d'éviter l'usage abusif des DPI par les détenteurs de droits ou le recours à des pratiques qui restreignent de manière déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert international de technologie. Apparemment, l'objet de cette disposition ne se limite pas nécessairement aux violations du droit de la concurrence: on peut penser qu'elle se rapporte à la notion plus générale d'usage abusif des DPI.

Dans un domaine apparenté, mais plus spécifiquement à propos des pratiques en matière d'octroi de licences qui limitent la concurrence, l'article 40:1 de l'Accord sur les ADPIC consigne l'accord entre les Membres de l'OMC sur le fait que certaines pratiques ou conditions en matière d'octroi de licences touchant aux DPI qui limitent la concurrence peuvent avoir des effets préjudiciables sur les échanges et entraver le transfert et la diffusion de nouvelles technologies. Afin de remédier à ce problème, l'article 40:2 reconnaît aux Membres le droit de prendre des mesures pour prévenir l'usage abusif et anticoncurrentiel des DPI. Il contient également une courte liste exemplative de pratiques qui peuvent être considérées comme des abus, à savoir les clauses de rétrocession exclusives, les conditions empêchant la contestation de la validité et le régime coercitif de licences groupées.92

Au titre de l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC, qui établit certaines conditions relatives à l'utilisation d'un brevet sans l'autorisation du détenteur des droits, l'alinéa k) dit clairement que les Membres ne sont pas tenus d'appliquer certaines de ces conditions dans les cas où une licence obligatoire est accordée "pour remédier à une pratique jugée anticoncurrentielle à l'issue d'une procédure judiciaire ou administrative" – à savoir l'obligation de montrer que le candidat utilisateur s'est efforcé d'obtenir l'autorisation du détenteur du droit, suivant des conditions et modalités commerciales raisonnables et que ses efforts n'ont pas abouti dans un délai raisonnable, ainsi que l'obligation selon laquelle l'autorisation d'utiliser un brevet dans le cadre d'une licence obligatoire doit être destinée principalement à l'approvisionnement du marché intérieur du Membre qui a autorisé cette utilisation. Par ailleurs, les autorités peuvent prendre en compte la nécessité de corriger des pratiques anticoncurrentielles dans la détermination de la rémunération due.

Dans de nombreux pays, la législation nationale sur la propriété intellectuelle qui transpose l'Accord sur les ADPIC reconnaît aussi le rôle de la politique de la concurrence à l'égard des DPI. Par exemple, la Loi sur les brevets de l'Inde prévoit l'octroi de licences obligatoires sans qu'il y ait obligation pour le titulaire du brevet de tenter au préalable d'obtenir une licence selon des modalités et conditions raisonnables en cas de pratiques anticoncurrentielles de la part du titulaire (article 84.6 iv)), ainsi que le droit d'exporter tout produit fabriqué au titre de telles licences, si nécessaire.

(ii) Mesures destinées à faire respecter le droit de la concurrence dans le contexte de la propriété intellectuelle

Les mesures destinées à faire respecter le droit de la concurrence offrent un moyen utile de remédier à l'usage abusif des DPI au cas par cas.93D'une manière générale, il n'y a pas de principes spéciaux du droit de la concurrence qui s'appliquent à la propriété intellectuelle, et la protection de la propriété intellectuelle n'est pas exemptée de l'application des disciplines prévues dans le droit de la concurrence. Cette protection n'est pas non plus censée conférer une emprise sur le marché ni indiquer un comportement anticoncurrentiel. Les DPI sont en effet considérés comme utiles pour créer des marchés qui fonctionnent bien et encourager l'innovation. Le droit de la concurrence n'empêche pas, en règle générale, les titulaires de DPI d'exercer leurs droits exclusifs. Ce respect général des DPI au titre du droit de la concurrence est fondé sur l'hypothèse que les DPI ont été acquis de manière légitime au moyen d'un système qui ne confère pas de droits trop larges.

L'application du droit de la concurrence n'a donc pour rôle d'offrir des mesures "correctives" que dans le cas où elles sont nécessaires. Une action destinée à faire respecter les droits au titre des lois sur la concurrence peut être justifiée dans le cas où le système de protection de la propriété intellectuelle ne peut pas empêcher des restrictions indésirables de la concurrence.

3. Contexte de la politique commerciale

Tous les pays misent à des degrés divers sur les produits importés pour répondre aux besoins de santé de leur population. Dans la plupart d'entre eux, surtout les petits pays en développement qui n'ont que peu ou pas de capacités de production dans le domaine des technologies médicales, ces importations apportent une contribution précieuse aux systèmes de santé nationaux. Les pays s'engagent en outre de plus en plus dans le commerce des services de santé. La politique commerciale influe donc sur la manière dont les marchés des technologies médicales s'ouvrent à la concurrence des biens et des services importés.

Les règles du commerce international sont établies au niveau multilatéral dans le cadre de l'OMC. L'une des pierres angulaires de l'OMC est la non‑discrimination dans les relations commerciales internationales. Elle est appliquée grâce aux principes du traitement national et de la nation la plus favorisée (NPF). Ces principes sont inscrits dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) pour le commerce des marchandises, dans l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) pour le commerce des services et dans l'Accord sur les ADPIC pour la propriété intellectuelle. Dans le cas du GATT et de l'AGCS, des exceptions importantes s'appliquent, notamment le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement et les accords de libre‑échange (ALE).

L'OMC garantit également à ses Membres le droit de protéger la santé publique. Depuis sa création en 1947, le GATT accorde aux pays le droit de prendre des mesures restrictives pour le commerce si elles sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux, sous certaines conditions énoncées à l'article XX b). L'AGCS prévoit une exception similaire pour le commerce des services à l'article XIV b). Ces exceptions générales peuvent prévaloir sur les obligations et les engagements au titre de l'OMC, à condition que les mesures de santé et la manière dont elles sont appliquées répondent à certaines conditions. En outre, l'article 8 de l'Accord sur les ADPIC reconnaît aux Membres le droit de prendre des mesures pour protéger la santé publique, à condition qu'elles soient compatibles avec les dispositions de l'Accord.

(a) Droits de douane

Les droits de douane sur les marchandises importées sont un instrument traditionnel de la politique commerciale et ils sont préférés, au titre des règles de l'OMC, aux restrictions quantitatives telles que les contingents, qui sont généralement prohibées. Les droits de douane sont relativement transparents et, contrairement aux contingents, ils n'imposent pas de restrictions rigides sur les volumes d'importation.

Les Membres de l'OMC sont convenus de certains niveaux maximaux pour leurs droits de douane respectifs sur la totalité ou la plupart des produits importés, y compris les produits pharmaceutiques. Ces niveaux maximaux, appelés "consolidations tarifaires", varient selon les pays et les produits. Ils sont le résultat de dizaines d'années de négociations tarifaires qui ont entraîné progressivement des consolidations sur un nombre croissant de produits et qui créent un environnement commercial plus prévisible et plus stable. Les cycles successifs de négociations ont également permis d'abaisser les taux de droits consolidés et, dans la pratique, les Membres de l'OMC appliquent souvent des droits inférieurs aux taux consolidés. Par exemple, les pays en développement ont consolidé leurs droits sur les formulations de médicaments à 22,4% ad valorem en moyenne (calcul fondé sur la valeur des importations), alors qu'ils appliquent en réalité des droits de 3,4% ad valorem en moyenne.94

Les droits de douane renchérissent les produits importés, y compris les médicaments, pour les consommateurs. Malgré cela, de nombreux pays appliquent des droits qui favorisent la compétitivité de leurs entreprises sur le marché intérieur, afin de préserver l'emploi ou de favoriser le développement de l'industrie (par exemple, les capacités de production locales du secteur pharmaceutique), ou encore de conserver un certain niveau d'indépendance par rapport aux marchés internationaux. Pour les consommateurs, la protection tarifaire peut se révéler coûteuse. Les droits de douane accroissent également les recettes publiques, bien que, dans le cas des médicaments, ces recettes soient généralement peu élevées.

Dans les pays développés, les droits de douane appliqués sur les médicaments sont très faibles, voire nuls. Plusieurs Membres de l'OMC, qui sont principalement des pays développés, ont conclu en 1994 un Accord sur l'élimination des droits de douane pour les produits pharmaceutiques. Au titre de cet accord, ils ont éliminé leurs droits de douane sur tous les produits pharmaceutiques finis ainsi que sur certains ingrédients actifs et certains intrants manufacturiers. Depuis 1994, les parties ont régulièrement actualisé la portée de cet accord. Les pays développés appliquent en moyenne des droits inférieurs à 0,1% ad valorem sur les médicaments depuis 2000. Quant aux pays en développement, ils ont ramené leurs droits de 6,7% à 4,2% en moyenne au cours des dix dernières années. Parmi ces pays en développement, quelques‑uns ont une capacité de fabrication locale et appliquent des droits de douane relativement élevés sur les produits finis. Dans le cas des PMA, les taux appliqués vont de 2% à 4,5% en moyenne.

Des exonérations de droits sont souvent accordées pour certains médicaments ou certains acheteurs. Le secteur public et les acheteurs privés à but non lucratif sont souvent dispensés d'acquitter ces droits. Health Action International (HAI), en collaboration avec l'OMS, a lancé un grand projet afin de déterminer les divers coûts associés aux prix des médicaments dans différents pays. Pour certains pays, les données incluent des renseignements sur les droits de douane et les exonérations.95

(b) Mesures non tarifaires

La baisse régulière des taux de droit à l'issue des cycles successifs de négociations au cours des 60 dernières années a entraîné un déplacement vers d'autres types de mesures commerciales. Certains experts soutiennent que ces autres mesures sont de plus en plus utilisées à la place des droits de douane pour protéger les branches de production nationales. Les mesures non tarifaires (MNT) comprennent, entre autres, les mesures sanitaires, les règlements techniques, les inspections avant expédition, les licences d'importation, les mesures de contrôle des prix, les taxes et impositions et les restrictions à la distribution et aux services après‑vente. Plusieurs Accords de l'OMC sont consacrés à ces types de MNT. Ils ont, entre autres, pour objectif fondamental d'établir des règles relatives à l'utilisation de ces mesures, afin qu'elles ne deviennent pas des obstacles non nécessaires au commerce. Toutes ces mesures peuvent avoir un effet sur le commerce des produits pharmaceutiques, mais les deux qui sont décrites ci‑après ont un lien direct avec les résultats en matière de santé publique.

(i) Mesures sanitaires et phytosanitaires

L'Accord de l'OMC sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) contient des règles spécifiques destinées à assurer la sécurité sanitaire des aliments et à prévenir la transmission aux humains des maladies véhiculées par les animaux et les végétaux par l'intermédiaire du commerce. Il vise à établir un équilibre entre la reconnaissance du droit souverain qu'ont les Membres de déterminer le niveau de protection sanitaire qu'ils jugent approprié et la nécessité d'empêcher que les règlements SPS ne représentent des restrictions non nécessaires, arbitraires, scientifiquement injustifiables ou déguisées au commerce international. Il exige que les mesures SPS ne soient pas plus restrictives pour le commerce qu'il n'est requis pour obtenir le niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire approprié, compte tenu de la faisabilité technique et économique. Il encourage donc les Membres à suivre les normes, directives et recommandations internationales. Les Membres sont autorisés à adopter des mesures SPS qui entraînent un niveau plus élevé de protection sanitaire ou phytosanitaire ou des mesures pour lesquelles il n'existe pas de normes internationales, à condition qu'elles soient scientifiquement justifiées.96

(ii) Obstacles techniques au commerce

L'Accord OTC s'applique aux prescriptions techniques concernant les produits qui ne sont pas visés par l'Accord SPS. Il porte à la fois sur les prescriptions obligatoires ("règlements techniques") et les prescriptions volontaires ("normes") ainsi que sur les procédures destinées à évaluer la conformité avec ces prescriptions, telles que les inspections. Les règlements techniques et les normes comprennent, par exemple, les exigences de qualité pour les produits pharmaceutiques, les prescriptions en matière d'étiquetage des produits alimentaires et les normes de sécurité des appareils de radiographie. L'Accord OTC incorpore le principe de non discrimination en ce qui concerne aussi bien le traitement national que le traitement NPF. Il exige également que les règlements techniques ne soient pas plus restrictifs pour le commerce qu'il n'est nécessaire pour réaliser un objectif légitime, compte tenu des risques que la non réalisation entraînerait. La protection de la santé ou de la sécurité des personnes figure parmi la liste des objectifs légitimes. En d'autres termes, l'Accord OTC permet aux pays de réglementer le commerce en vue de protéger la santé, mais il exige que ces mesures ne limitent pas inutilement le commerce. Les Membres sont également encouragés à fonder leurs mesures sur les normes internationales, bien qu'ils puissent s'en écarter s'ils considèrent que leur application serait inefficace ou inappropriée pour réaliser des objectifs légitimes.97

(c) Commerce des services

Les services de santé contribuent de façon importante à ce que de nombreux produits pharmaceutiques et autres technologies médicales soient effectivement disponibles et correctement utilisés, notamment les services qui concernent la prévention, le diagnostic et le traitement, mais aussi ceux qui assurent un soutien annexe et technique. Pour de nombreux services de diagnostic ou schémas thérapeutiques sophistiqués, il n'y a pas de distinction claire entre l'accès effectif et approprié à une technologie en tant que telle et la fourniture des services qui s'y rapportent. Le choix d'ouvrir les services de santé aux fournisseurs étrangers peut donc avoir un effet sur l'accès aux technologies médicales.

(i) Cadre juridique multilatéral

L'AGCS est le principal instrument juridique multilatéral régissant le commerce des services de santé. Il définit le commerce des services comme la fourniture d'un service selon des "modes de fourniture" différents, qui ont chacun une incidence sur le secteur de la santé:

  • mode 1: fourniture transfrontières (par exemple, télémédecine);
  • mode 2: consommation à l'étranger (par exemple, un patient se fait soigner dans un pays étranger);
  • mode 3: établissement d'une présence commerciale (par exemple, une clinique ouvre une filiale à l'étranger ou investit dans un établissement existant à l'étranger);
  • mode 4: présence de personnes physiques (par exemple, un médecin déménage à l'étranger pour travailler dans un établissement à capitaux étrangers).

(ii) Portée des engagements au titre de l'AGCS dans les secteurs de la santé

L'AGCS offre aux Membres de l'OMC une entière flexibilité lorsqu'il s'agit de décider quels secteurs et quels modes de fourniture ils ouvriront à la concurrence étrangère, ainsi que le niveau des obligations qu'ils sont disposés à contracter. Les services de santé relèvent de plusieurs catégories: i) les services hospitaliers; ii) les autres services de santé humaine; iii) les services sociaux; iv) les services médicaux et dentaires; et v) les services des accoucheuses, infirmières et physiothérapeutes et du personnel paramédical.98D'autres services complètent et facilitent l'accès aux technologies médicales, par exemple la R‑D en sciences médicales et pharmacie, la vente en gros et au détail de divers produits pharmaceutiques et articles et dispositifs médicaux et chirurgicaux, l'entretien et la réparation de matériel médical et les services d'essais et d'analyses techniques. Les disciplines de l'AGCS ne visent pas les services "fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental" (c'est‑à‑dire ceux qui ne sont fournis "ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services"). C'est pourquoi de nombreux services de santé du secteur public ne relèvent pas de l'AGCS.

De nombreux pays ont progressivement libéralisé leurs services de santé, offrant ainsi davantage de possibilités aux opérateurs privés. Mais ils hésitent encore à consolider cette ouverture au titre de l'AGCS. Mis à part les services d'assurance maladie, les engagements pris dans le cadre de l'AGCS au sujet des services de santé sont moins nombreux que pour tout autre secteur (voir le tableau 2.4). Cela est peut‑être dû au rôle important joué par les entités publiques dans la fourniture de services de santé, à quoi s'ajoutent la question des sensibilités politiques et l'absence d'intérêts actifs de la part des entreprises. Les services de santé n'ont pas fait l'objet de négociations bilatérales actives, et les engagements pris dans ce secteur résultent surtout des initiatives prises par des pays à titre individuel (Adlung, 2010). Il importe de noter que l'engagement d'ouvrir un secteur de services à la concurrence étrangère est de toute façon sans effet sur la capacité des pouvoirs publics à réglementer ce secteur..

Pour les six secteurs de santé considérés, on observe une réticence générale à contracter des engagements concernant la fourniture transfrontières de services de santé. Cela est probablement dû aux incertitudes sur la manière de concevoir et de faire respecter une réglementation appropriée des fournisseurs de services installés à l'étranger (tendance observée pour d'autres secteurs de services). Les engagements concernant les services de santé consommés à l'étranger représentent le nombre le plus élevé d'engagements complets, ce qui tient peut‑être au fait que les pouvoirs publics ne souhaitent – et ne peuvent – pas empêcher leurs ressortissants de quitter le pays pour consommer des services à l'étranger (pratique constatée également dans tous les secteurs de services). Certains Membres limitent la transférabilité du bénéfice de l'assurance pour les traitements à l'étranger, ce qui peut dissuader les patients de se faire soigner hors de leur pays. Près de la moitié des engagements relatifs à la fourniture de services de santé au moyen d'une présence commerciale sont consolidés sans limitations au niveau sectoriel, ce qui semble supérieur à la moyenne de l'ensemble des secteurs.99 La plupart des engagements relatifs à ce mode sont assujettis à des limitations, par exemple en ce qui concerne la participation étrangère et les obligations en matière de coentreprise ou de résidence. Certains inscrivent des examens des besoins économiques et prennent en compte des critères tels que la densité démographique, les établissements médicaux existants, le degré de spécialisation, le type de matériel médical et la distance ou la disponibilité d'infrastructures de transport avant d'autoriser de nouveaux hôpitaux et cliniques.

Contrairement aux autres modes de fourniture, les engagements concernant les services de santé fournis au moyen de la présence de personnes physiques sont contractés sur une base "horizontale" par la grande majorité des Membres, ce qui signifie qu'ils s'appliquent à tous les secteurs de services visés. La plupart des Membres ont des engagements très restreints concernant ce mode et privilégient les personnes très qualifiées ou liées à une présence commerciale plutôt que les travailleurs indépendants (OMC, 2009). Certains ajoutent des restrictions supplémentaires, qui portent sur les connaissances linguistiques, la résidence ou la nationalité, la reconnaissance des diplômes, la fixation de limites temporelles strictes, les examens des besoins économiques ou les quotas, ce qui limite encore davantage le niveau déjà restreint des consolidations. Les faits tendent cependant à montrer que, dans la pratique, les professionnels de santé bénéficient de conditions d'accès meilleures que si elles se limitaient exclusivement aux consolidations inscrites dans l'AGCS. Les engagements concernant les services de santé sont également limités quant à l'étendue des activités visées, par exemple au moyen de l'exclusion des fournisseurs publics ou de la limitation des engagements concernant les services hospitaliers aux services fournis ou financés par le secteur privé, ou quant aux types de spécialisations médicales visées.

(iii) Importance économique croissante du commerce des services de santé et incidence des engagements pris au titre de l'AGCS

Selon Gottret et Schieber (2006), "[l]es soins de santé sont probablement le plus vaste secteur au monde, avec un chiffre d'affaires combiné qui dépasse les 3 200 milliards de dollars par an, soit l'équivalent du dixième du PIB mondial, et qui emploie plus de 59 millions de personnes". Les services de santé continuent de se mondialiser grâce au mouvement transfrontières des personnels de santé et des patients, ainsi qu'aux investissements réalisés par les prestataires de services de santé (OMS/OMC, 2002; Blouin et al., 2006). Le progrès technologique et l'effondrement des coûts de télécommunication ont contribué à l'émergence de la télémédecine pour une série de procédures (par exemple, la téléradiologie, le télédiagnostic, la télépathologie, les téléconsultations et la téléchirurgie). Il est presque impossible de mesurer l'incidence des engagements pris dans le cadre de l'AGCS sur les services de santé – et sur tout autre secteur –, car les données sont limitées et la distinction est difficile à faire entre les effets des consolidations effectuées dans le cadre de la politique commerciale et ceux des autres mesures et réglementations. Les études tendent cependant à montrer que les effets des engagements contractés au titre de l'AGCS – lorsqu'ils existent – sur la structure des échanges ont probablement été insignifiants. Ces engagements n'entraînent pas de libéralisation additionnelle, ils ne font que consolider (au mieux) les niveaux existants d'accès aux marchés. Par conséquent, la commercialisation des services de santé s'est produite indépendamment des obligations au titre de l'AGCS, et le principal effet de l'Accord semble avoir été de rendre les politiques nationales plus prévisibles (Adlung, 2010).

Tableau 2.4 Nombre d'engagements pris dans le cadre de l'AGCS

 

Services médicaux et dentaires

Services des sages‑femmes, infirmières, etc.

Services hospitaliers

Autres services de santé humaine

Services sociaux

Services d'assurance maladie

Nombre d'engagements

65

35

57

26

27

6

103

 

Source WTO Source: Secrétariat de l'OMC (les États membres de l'UE sont comptés individuellement).

79

Encadré 2.12 Code de pratique mondial pour le recrutement international des personnels de santé

Pour tenter de mieux réglementer les migrations et le mouvement des personnels de santé dans les zones qui en ont le plus besoin, l'OMS a élaboré le Code de pratique mondial pour le recrutement international des personnels de santé, dont les principaux éléments sont les suivants:

  • un plus grand engagement à aider les pays confrontés à des pénuries aiguës de personnels de santé dans leurs efforts pour améliorer et soutenir leurs effectifs d'agents de santé;
  • un investissement conjoint dans la recherche et les systèmes d'information afin de suivre les migrations internationales des personnels de santé pour mettre au point des politiques reposant sur les données factuelles;
  • les États membres doivent répondre à leurs besoins en personnels de santé au moyen de leurs propres ressources humaines dans la mesure du possible et donc prendre des mesures pour former, fidéliser et pérenniser leur personnel de santé;
  • les droits des personnels de santé migrants sont consacrés et égaux à ceux des personnels de santé formés localement.100

Le secteur de la santé est virtuellement absent des négociations sur les services menées à l'OMC dans le cadre du Cycle de Doha, puisqu'une douzaine de Membres seulement, pour la plupart des pays en développement, ont présenté des offres dans ce secteur. Ces offres sont généralement très restrictives (ne concernant qu'un seul mode ou des spécialisations médicales particulières). D'autres Membres, parmi lesquels le Canada, la Suisse et l'Union européenne, excluent explicitement les services de santé et les autres services sociaux des négociations à l'OMC. Ce manque général d'intérêt peut être attribué au rôle dominant du secteur public dans la fourniture de soins de santé, ajouté au fait qu'il comporte une forte dimension sociale et de service public et au souci de ne pas limiter les options futures en matière de politique.

(iv) Difficultés liées à l'ouverture du commerce des services de santé

L'ouverture du commerce des services de santé ne devrait pas être considérée comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen d'apporter des avantages distincts si elle est correctement utilisée dans un cadre d'action plus large. Du point de vue de la santé publique, l'accroissement du commerce des services présente à la fois des possibilités d'améliorer la fourniture de services de santé et des risques en matière d'équité si les nouveaux services de santé transfrontières ne sont accessibles qu'à ceux qui en ont les moyens. La crainte est souvent exprimée que l'ouverture des services de santé ne crée un système à deux niveaux – de bons services pour les riches et de mauvais services pour les pauvres – ce qui mettrait en danger le principe d'un accès équitable pour tous. Par exemple, l'exportation de services de santé par le biais d'Internet à partir de centres délocalisés pourrait créer des emplois dans les pays en développement et limiter les coûts dans les pays développés. Le fait d'attirer les personnels de santé vers des offres financièrement plus attractives risque de créer des pénuries dans le secteur de santé local.

Pour permettre aux fournisseurs privés concurrents d'opérer de façon à répondre aux préoccupations générales de la politique publique telles que la garantie d'un accès équitable et abordable pour tous, il faut un système réglementaire solide mis en œuvre de façon crédible. Les établissements de santé du secteur public posent aussi des problèmes de réglementation. Il faut donc un cadre réglementaire approprié pour que l'ouverture du commerce des services de santé profite à toutes les catégories de la population. Avant de prendre des engagements contraignants dans le cadre de l'AGCS ou de tout autre accord commercial, il faudrait procéder à une évaluation d'impact sur la fourniture des services de santé. Les migrations de personnels de santé sont une question essentielle, car les travailleurs tendent à se déplacer des zones les plus pauvres d'un pays vers les villes plus riches et, de là, vers les pays à revenu élevé (voir l'encadré 2.12). La demande de personnels de santé étrangers a augmenté dans les pays à revenu élevé en raison du nombre insuffisant de professionnels formés sur place, ainsi que du vieillissement de la population dans ces pays. Les gouvernements qui souhaitent limiter l'exode des compétences restent libres de le faire, car ces mesures ne sont pas assujetties aux disciplines de l'AGCS, qui concernent uniquement – notamment pour le mode 4 – l'immigration temporaire de personnels de santé étrangers. En raison de la portée limitée du mode 4, quant à sa définition aussi bien qu'aux engagements spécifiques, l'AGCS joue probablement un rôle insignifiant dans les migrations internationales de personnels de santé.

4. Marchés publics

Un marché public désigne généralement l'achat de biens, de services et/ou de services de construction, par ou pour le compte d'organismes publics aux fins de l'exercice de leurs missions de service public, y compris dans des domaines d'une importance vitale sur le plan social, comme les soins de santé. La présente section traite des retombées positives pour le secteur de la santé qui peuvent être attendues d'un régime des marchés publics bien conçu. Les règles établies à cette fin par l'Accord de l'OMC sur les marchés publics (AMP) y sont aussi évoquées, de même que la taille des marchés dans les secteurs liés à la santé qui sont couverts par cet accord.101

Encadré 2.13 Éléments attestant de la réduction/de l'optimisation des coûts dans le secteur de la santé grâce à des régimes de passation des marchés transparents et concurrentiels

En 2011, aux États‑Unis, le Bureau national de recherche économique a publié une étude sur les déterminants des prix des médicaments princeps et génériques dans un large éventail de pays (Danzon et al., 2011). Son intérêt s'est principalement porté sur les traitements contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme dans des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI). L'objectif était d'analyser l'incidence sur les prix selon que les médicaments étaient vendus par l'intermédiaire du circuit des pharmacies de détail ou acquis par la voie d'appels d'offres, comme ceux passés par le Fonds mondial et la Fondation Clinton.

L'étude établit que les appels d'offres attirent les fournisseurs de médicaments génériques et réduisent sensiblement les prix des médicaments princeps et génériques par rapport aux prix pratiqués par les pharmacies de détail. Plus précisément, "les données sur les traitements contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme montrent que les mécanismes de passation des marchés abaissent les prix de 42% pour les médicaments princeps et de 28% pour les médicaments génériques, par rapport à leurs prix dans les pharmacies de détail".

Quant aux avantages découlant de procédures de passation des marchés transparentes et concurrentielles, une étude menée sur le sujet par l'OCDE en 2003 en livre quelques exemples:

  • Au Guatemala, les coûts d'achat des médicaments ont pu être diminués de 43% grâce à la mise en place de procédures de passation des marchés plus transparentes et plus concurrentielles et à la suppression des cahiers des charges favorisant certains soumissionnaires
  • Au Nicaragua, le budget des dépenses en produits pharmaceutiques a pu être considérablement réduit grâce à la création d'une autorité des marchés publics transparente et à la mise en œuvre effective d'une liste des médicaments essentiels (OCDE, 2003).

(a) Importance pour le secteur de la santé d'une procédure de passation des marchés transparente et concurrentielle

Pour le secteur de la santé, la possibilité de réaliser des économies substantielles en adoptant de meilleurs instruments de passation des marchés publics revêt une importance particulière. Selon la Banque mondiale, ce secteur s'est en effet distingué par sa mauvaise gestion des achats de médicaments, qui s'est traduite par des situations de pénurie et de gaspillage, une baisse de la qualité et une hausse des prix (Banque mondiale, 2011). Dans le même ordre d'idées, une étude sur les prix des médicaments a mis au jour une majoration de 34% à 44% en moyenne des prix supportés par les pouvoirs publics en Afrique, en Europe et dans le Pacifique occidental (Cameron et al., 2009). Il serait bon que ces anomalies dans les pratiques de passation des marchés publics soient reconnues comme des défaillances graves des systèmes de santé publique. Car, à l'inverse, en dotant les systèmes de santé de procédures de passation des marchés plus efficaces, plus transparentes et plus concurrentielles, il est possible de contribuer grandement à rendre les médicaments plus accessibles et plus abordables et, par voie de conséquence, d'aider à établir des systèmes de distribution des soins plus efficaces et économes, moins sujets aux gaspillages et aux pratiques de fraude et de corruption. Différents éléments attestent les réductions de coûts qui ont été obtenues dans le secteur de la santé en appliquant des procédures de passation des marchés transparentes et concurrentielles (voir l'encadré 2.13).

(b) Marchés de technologies médicales et de services de santé dans le cadre de l'AMP

L'AMP prévoit un ensemble approprié de règles au niveau international, visant à encourager un commerce et des meilleures pratiques efficients dans le domaine des marchés publics. L'AMP est un accord plurilatéral, autrement dit ses dispositions ne sont contraignantes que pour les Membres de l'OMC qui y sont parties. En 2012, 42 Membres de l'OMC étaient parties à l'AMP.

(i) Champ d'application de l'AMP

L'AMP est particulièrement important pour le secteur de la santé publique, compte tenu de ses domaines d'application, à savoir: l'achat de médicaments, de produits pharmaceutiques et de services de santé. Par principe, l'AMP prône la transparence et la concurrence loyale, et aide les gouvernements et organismes publics à optimiser leurs coûts. Sauf exception expressément prévue, l'AMP couvre toutes les marchandises, y compris les médicaments et les produits pharmaceutiques, qui font l'objet de marchés d'un montant supérieur aux valeurs de seuil applicables de la part des entités visées102(voir le tableau 2.5 pour plus de détails).

L'AMP s'applique uniquement aux marchandises et services et aux organismes publics pour lesquels les parties ont pris des engagements spécifiques et que chacune d'elles a inscrits dans sa Liste d'engagements figurant à l'Appendice I de l'AMP. Pour évaluer les engagements spécifiques pris par les parties à l'AMP dans le secteur de la santé, il convient de se poser les questions suivantes: i) Des entités sanitaires figurent‑elles dans la Liste d'engagements de la partie à l'AMP considérée? et, dans l'affirmative, lesquelles? et ii) Les produits et services de santé sont‑ils couverts par l'AMP? et, dans l'affirmative, lesquels?

Tableau 2.5 Champ d'application de l'AMP au secteur de la santé pour chacune des Parties

Entités sanitaires du gouvernement central couvertes par l'AMP

Entités sanitaires des gouvernements sous‑centraux couvertes par l'AMP

Marchandises couvertes par l'AMP

(les produits pharmaceutiques sont généralement considérés comme des marchandises)  

Services de santé couverts par l'AMP

Arméniea

P

 

P

                P

Canada

P

                   P

P

                X

 

P

                   P

                   P

                X

Hong Kong,Chine

P

N/A

P

X

     

P

X

 

P

X

P

X

 

P

X

P

X

Corée, République de

P

X

P

X

     

P

X

 

P

N/A

P

X

 

P

 

P

X

 

P

N/A

P

X

 

P

P

P

X

 

P

P

P

X

Etats-Unis

P

P

P

P

Notes: Les noms des Parties à l'AMP sont ceux utilisés par l'OMC. Les symboles "v" et "X" indiquent si les entités sanitaires de la Partie à l'AMP considérée sont expressément couvertes ou non. Lorsque le champ d'application est présenté en des termes généraux ou descriptifs, sans autres détails – sans liste exemplative, par exemple –, la case correspondante est laissée vierge. Par ailleurs, une note de bas de page indique si l'élément considéré n'est ni expressément inclus ni expressément exclu. Il convient aussi de préciser que certaines Parties ne disposent pas de gouvernements sous centraux et n'ont donc inscrit aucun engagement relevant de ce niveau administratif dans leurs Listes. C'est le cas de Hong Kong, Chine, des Pays Bas pour le compte d'Aruba, et de Singapour. a) Dans l'annexe 2 de la Norvège et de l'Arménie, les entités sanitaires ne sont pas expressément incluses ni exclues. b) Les entités sanitaires ne sont ni expressément incluses ni expressément exclues. c) Israël a expressément exclu les marchandises achetées par son Ministère de la santé qui sont énumérées ci après: pompes à insuline et pompes à perfusion, audiomètres, pansements médicaux (bandages, sparadraps, à l'exception des bandes et des tampons de gaze), solution intraveineuse, dispositifs de transfusion, dispositifs épicrâniens, tubes pour hémodialyse, poches de transfusion sanguine et aiguilles à seringue. Il convient de noter qu'un certain nombre de ces exclusions ont été supprimées après l'aboutissement des négociations sur l'AMP.

S'agissant du premier point abordé, les entités sanitaires des Parties qui sont couvertes par l'AMP relèvent de différents niveaux administratifs (voir le tableau 2.5). Plus précisément:

  • Pour la quasi‑totalité des Parties, les entités sanitaires sont expressément couvertes par l'AMP au niveau du gouvernement central (par exemple, entités fédérales et ministères).
  • Pour la majorité des Parties disposant de gouvernements sous‑centraux (par exemple, États, provinces, cantons et municipalités), les entités sanitaires sont couvertes par l'AMP à ce niveau administratif ou ne sont pas expressément exclues.
  • Pour trois Parties à l'AMP, d'autres types d'entités sanitaires publiques sont couvertes (par exemple, les hôpitaux).

De plus, comme il ressort de son texte révisé, l'AMP ne s'applique pas aux marchandises ou services acquis pour être vendus ou revendus dans le commerce.

En outre, l'Union européenne a pris des engagements contraignants dans le cadre de l'AMP pour les entités sanitaires du gouvernement central pour chacun de ses 27 États membres et pour un certain nombre d'entités sanitaires des gouvernements sous‑centraux. Pour ce qui est des États‑Unis, leur Département fédéral de la santé et des services sociaux et les entités sanitaires de plusieurs de leurs États sont couverts.

Autre point important: les produits pharmaceutiques étant généralement considérés comme des marchandises dans le cadre de l'AMP, ils entrent donc dans son champ d'application dès lors qu'ils font l'objet de marchés d'un montant supérieur aux valeurs de seuil applicables par des entités mentionnées dans les Listes des Parties. En outre, ils ne sont actuellement soumis à aucune exclusion générale de la part d'une Partie à l'AMP. L'une de ces Parties a toutefois exclu un certain nombre de produits acquis par son Ministère de la santé. Enfin, les États‑Unis sont les seules Parties à l'AMP qui appliquent l'Accord aux services de santé. Pour résumer, l'AMP couvre un nombre relativement étendu d'entités sanitaires, en particulier pour les marchés de marchandises (dont les médicaments), mais un nombre limité de services de santé.

(ii) Ampleur des marchés liés à la santé dans les Parties à l'AMP

L'AMP est le principal instrument international de réglementation du commerce dans le secteur des marchés publics. En 2008, la valeur totale des marchés couverts par cet accord a été estimée à 1 600 milliards de dollars EU environ.103 Pour apprécier l'importance des marchés publics liés à la santé qui sont couverts par l'AMP, il est nécessaire d'établir la valeur potentielle de ces engagements en matière d'accès aux marchés. Les rapports statistiques qui ont été récemment communiqués par les Parties à l'AMP au Comité des marchés publics sont riches d'informations sur la taille des marchés couverts. Même s'ils ne sont pas toujours d'une parfaite cohérence (des efforts sont faits pour assurer une meilleure cohérence méthodologique), ces rapports restent une source précieuse de renseignements sur l'ampleur des engagements en matière d'accès aux marchés qui ont été pris dans le cadre de l'AMP.104

Il ressort clairement de ces sources officielles que les marchés publics couverts par l'AMP dans le domaine de la santé sont loin d'être négligeables.105Dans leurs rapports statistiques, les États‑Unis, par exemple, observent que les dépenses générales totales, par fonction, de leurs 37 États couverts par l'AMP se sont élevées à 40 milliards de dollars EU pour les hôpitaux et à 50 milliards de dollars EU pour la santé en 2008.106Ils mentionnent aussi que les marchés de marchandises et de services couverts par l'AMP qui ont été passés en 2008 par le Département de la santé et des services sociaux étaient, selon les estimations, d'environ 30 milliards de dollars EU. Dans son rapport statistique de 2007, l'Union européenne indique que ses entités visées ont acquis pour 11 milliards d'euros d'appareils médicaux et appareils de laboratoire, de produits pharmaceutiques et de consommables médicaux connexes couverts par l'AMP.107Enfin, le Japon déclare que les marchés adjugés par son Ministère de la santé, du travail et de la protection sociale ont atteint une valeur estimée à 1,8 milliard de dollars EU en 2010.108

5. Accords de libre-échange

(a) Tendances actuelles en matière de négociations commerciales en dehors de la scène multilatérale

Il existe une tendance mondiale à la conclusion d'accords d'intégration économique selon diverses configurations bilatérales et régionales (voir l'encadré 2.14), parallèlement aux accords multilatéraux – évolution qui présente des difficultés systémiques importantes pour le système multilatéral, comme cela est évoqué dans le présent chapitre (et analysé dans OMC, 2011). Ces accords sont appelés accords commerciaux régionaux (ACR), accords de libre échange (ALE), accords commerciaux bilatéraux ou accords commerciaux préférentiels (ACPr), expression employée dans les rapports récents de la Banque mondiale et de l'OMC et qui traduit le fait que bon nombre de ces accords ne sont pas "régionaux" mais peuvent réunir des pays géographiquement dispersés et qu'ils prévoient des droits de douane préférentiels sur de nombreux produits. Ces expressions se recouvrent souvent, et plusieurs d'entre elles peuvent s'appliquer concrètement à un même accord selon ses caractéristiques. Aux fins de la présente étude, on utilisera le sigle "ALE" pour désigner tout type d'accord commercial.

Dans le passé, les accords d'intégration étaient souvent axés sur le commerce des marchandises et l'élimination des droits de douane et autres restrictions entre les parties. Mais l'OMC (2011) constate que, depuis quelques années, les accords commerciaux prennent souvent la forme de processus d'intégration approfondie comportant des dispositions applicables à un large éventail de domaines d'action à l'intérieur des frontières ou de domaines réglementaires tels que les services et la propriété intellectuelle, et réunissent un éventail plus large d'acteurs différents. L'ouverture des échanges qui résulte de ces processus crée des pressions en vue de concilier des pratiques nationales divergentes et suscite des demandes de gouvernance et de primauté du droit qui transcendent les frontières nationales. Dans le domaine du droit et de la politique de la propriété intellectuelle, cette tendance peut se traduire par des changements importants dans les lois nationales, lesquels ont un effet direct sur le cadre qui régit l'accès et l'innovation dans le domaine des médicaments et des technologies médicales – ensemble de processus plus dynamiques depuis quelque temps que l'établissement de normes au niveau multilatéral.

Encadré 2.14 Évolution de la géographie et de la portée des ALE

Les ACPr peuvent être des ALE ou des unions douanières dotées d'un tarif extérieur commun. Cette "vague" très récente de régionalisme couvre un réseau beaucoup plus large de participants
– avec des initiatives bilatérales, plurilatérales et transrégionales – et réunit des pays à différents niveaux de développement économique, dans le cadre d'alliances entre pays développés, entre pays en développement ou entre pays développés et pays en développement. Bien que ces nouveaux accords prévoient, comme les ACPr précédents, des réductions préférentielles des droits de douane, ils portent davantage sur d'autres questions telles que les flux de capitaux, les normes, la propriété intellectuelle, les régimes réglementaires (dont beaucoup ne sont pas discriminatoires) et les engagements en matière de travail et d'environnement.

De nombreux facteurs sont en jeu, dont ceux ci mentionnés par le rapport de l'OMC (2011):
i) neutraliser les politiques commerciales du "chacun pour soi" qui visent à procurer des avantages à un pays aux dépens des autres; ii) augmenter la taille des marchés; iii) accroître la prévisibilité des politiques; iv) donner des signes d'ouverture aux investisseurs; et v) développer les réseaux de production mondiaux. L'OMC (2011) conclut que, pour les pays en développement, des politiques communes avec les économies avancées peuvent offrir des avantages en leur permettant d'importer des systèmes réglementaires qui ont fait leurs preuves et qui représentent les "meilleures pratiques". En revanche, les pays en développement peuvent être poussés à adopter des règles communes qui ne sont pas adaptées à leur niveau de développement ou qui peuvent être utilisées par les pays avancés pour protéger des intérêts particuliers.

L'augmentation de la taille des marchés peut être une raison de conclure des ALE, car elle permet aux entreprises des États signataires de bénéficier d'économies d'échelle et d'obtenir un avantage relatif par rapport aux entreprises concurrentes exclues. En outre, l'accès préférentiel à un marché plus vaste peut permettre à un pays d'attirer davantage les investissements étrangers directs (IED). Ces deux raisons valent en particulier pour les petites économies, ce qui peut expliquer pourquoi ces pays acceptent de faire des concessions sur d'autres questions plus litigieuses, comme les DPI ou les normes environnementales, lorsqu'ils négocient des ALE avec de grands pays (OMC, 2011).

(b) Bilatéralisme et régionalisme: la question des préférences

L'une des caractéristiques principales des ALE est d'accorder aux parties un traitement préférentiel et des avantages qui ne sont pas nécessairement étendus de façon automatique aux tierces parties. Pour certains autres domaines qui se situent au delà du champ d'application traditionnel des accords sur le commerce des marchandises, par exemple les marchés publics ou la politique de la concurrence, les négociateurs ont aussi la possibilité d'offrir des préférences réservées aux parties à l'accord. Mais la situation est différente pour la plupart des aspects des normes en matière de propriété intellectuelle.

Contrairement aux accords commerciaux de l'OMC tels que le GATT et l'AGCS, l'Accord sur les ADPIC ne prévoit pas d'exceptions générales au principe NPF dans le cas des ALE. Cela peut avoir des incidences importantes sur l'accès aux médicaments et aux technologies médicales ainsi que sur l'innovation. Concrètement, si deux Membres de l'OMC conviennent d'accorder à leurs ressortissants mutuels des normes de protection de la propriété intellectuelle plus élevées que ce que prévoit l'Accord sur les ADPIC, ils ne peuvent, en principe, refuser le même niveau de protection aux ressortissants d'un quelconque autre Membre de l'OMC. Autrement dit, le niveau de protection plus élevé qui a été convenu ne se limitera pas aux ressortissants des parties à l'ALE et devra être accordé à tous les ressortissants de tous les autres Membres de l'OMC. Par exemple, si deux pays sont convenus d'allonger la durée de validité des brevets pour leurs titulaires mutuels, le principe NPF prévu dans l'Accord sur les ADPIC les obligera à accorder le même délai supplémentaire aux titulaires de brevets de tous les autres Membres de l'OMC. En revanche, s'ils conviennent de supprimer les droits de douane sur les produits pharmaceutiques ou les ingrédients chimiques qu'ils importent entre eux dans le cadre d'un ALE ou d'une union douanière, ils ne seront pas tenus de les supprimer sur les importations en provenance des autres pays.

(c) Normes en matière de propriété intellectuelle

Comme on l'a montré au chapitre II, section B.1 a), et au chapitre IV, section C.5, les Membres de l'OMC sont libres d'incorporer dans leur législation nationale une protection de la propriété intellectuelle plus étendue que les normes minimales exigées par l'Accord sur les ADPIC, à condition que cette protection ne soit pas contraire aux prescriptions de l'Accord. Plusieurs ALE prévoient une protection plus étendue pour les brevets et les données d'essai, ainsi que des normes plus strictes s'agissant du respect des droits, ce qui a une influence sur le commerce des produits pharmaceutiques et peut se répercuter sur les prix des technologies médicales. Bon nombre de ces accords constituent des "familles" dont chacune est regroupée autour d'un "centre". Les "centres" les plus importants du point de vue du nombre d'accords contenant de telles dispositions sont l'AELE, les États Unis et l'Union européenne. Chaque centre tend à utiliser une même approche dans la négociation des accords, de sorte que les dispositions relatives à la propriété intellectuelle (entre autres) de tous les accords d'une même famille ont souvent en commun de nombreuses caractéristiques importantes. En pratique, le processus exporte des aspects du régime réglementaire du centre vers ses partenaires commerciaux. À cet égard, l'OMC (2011) note que, par rapport aux Accords de l'OMC, ce processus a généralement servi à relever les niveaux d'engagement. Les domaines faisant l'objet d'engagements contraignants sont relativement peu nombreux et relèvent principalement de l'investissement, de la politique de la concurrence, des DPI et des flux de capitaux.

Les ALE peuvent avoir une vaste incidence sur les régimes nationaux de la propriété intellectuelle car, comme on l'a indiqué ci dessus, la protection plus étendue qu'ils prévoient pour la propriété intellectuelle, y compris les brevets et les données d'essai, doit être offerte sans discrimination aux ressortissants de tous les autres Membres de l'OMC et pas seulement aux ressortissants des autres parties à l'accord. En outre, dans les domaines qui sont habituellement assujettis à la réglementation nationale tels que la propriété intellectuelle, les services et la politique de la concurrence (OMC, 2011), il serait de toute façon coûteux en pratique d'adapter la réglementation de manière à favoriser les ressortissants originaires des partenaires préférentiels, et cela deviendrait d'autant plus difficile que le nombre d'ALE signés par un pays augmenterait. Par conséquent, pour des raisons de principes et de commodité, on constate un effet d'"engrenage" sur les normes en matière de propriété intellectuelle, dans le sens où il en découle des niveaux de protection plus élevés, avec des effets potentiels sur l'innovation et l'accès en matière de technologies médicales. Plusieurs guides ont été publiés au sujet des ALE. Le Bureau régional de l'OMS pour les pays de la Méditerranée orientale a ainsi publié un document d'orientation à l'intention des négociateurs et des responsables de la mise en œuvre des dispositions en matière de propriété intellectuelle figurant dans les ALE bilatéraux (El Said, 2010).109

(d) Engagements dans d'autres secteurs

De par leur nature même, les ALE ne se limitent pas à fixer des normes relatives à la protection et au respect des DPI. Toute analyse approfondie des effets potentiels de ces accords sur l'innovation et l'accès dans le domaine des technologies médicales doit donc également tenir compte des normes et des engagements convenus dans d'autres domaines d'action essentiels qui ont directement à voir avec le secteur pharmaceutique tels que les droits de douane, les marchés publics et le droit de la concurrence.

En ce qui concerne toutefois les droits de douane, alors que les premiers ALE étaient motivés par l'abaissement de droits relativement élevés appliqués sur une base NPF, il est probable que la mise en place de telles réductions tarifaires, y compris pour les produits pharmaceutiques, a perdu une partie de sa pertinence initiale au cours des dernières années et qu'elle ne joue donc qu'occasionnellement un rôle dans les ALE. Comme l'indique le rapport de l'OMC (2011), cela est dû au fait que la moyenne des droits appliqués sur l'ensemble des produits de tous les pays en 2009 n'était que de 4%, ce qui ne laisse habituellement que peu de marge pour échanger des concessions tarifaires préférentielles dans les accords commerciaux.

En revanche, des questions telles que l'investissement, la politique de la concurrence et les marchés publics occupent une place grandissante dans la génération récente des ALE, en complément de la réduction des obstacles au commerce, ce qui illustre la tendance à la mondialisation des politiques qui étaient précédemment traitées au niveau national. Les disciplines relatives à ces questions peuvent être énoncées dans des chapitres distincts des ALE ou, comme c'est souvent le cas pour la concurrence, faire partie intégrante de chapitres consacrés, par exemple, aux DPI ou aux marchés publics. L'OMC (2011) estime, par exemple, qu'environ 20% des chapitres sur les DPI contiennent des dispositions visant à prévenir l'usage abusif des DPI ou le comportement anticoncurrentiel.


1.Pour un examen de l'économie de la propriété intellectuelle dans le domaine des technologies médicales, voir le chapitre II, section C.5.  retour au texte

2. Comme expliqué dans la section B.5 ci‑dessous. retour au texte

3. Cet effet de "multilatéralisation" de la portée des accords bilatéraux sur la propriété intellectuelle est étudié au chapitre IV, section D. retour au texte

4. Document de l'OMPI SCP/12/3 Rev.2. retour au texte

5. Ibid. retour au texte

6. Document de l'OMPI MTN.GNG/NG11/W/24/Rev.1. retour au texte

7. Pour une explication plus détaillée sur les critères de brevetabilité, voir la section iii) ci‑dessous. retour au texte

8. Pour des détails sur le traité, voir: www.wipo.int/treaties/en/registration/pctretour au texte

9. Article 27 du PCT. retour au texte

10. Les principaux accords régionaux en la matière sont les suivants: Convention sur le brevet européen (CBE), Convention sur le brevet eurasien, Protocole d'Harare de l'Organisation régionale africaine de la propriété industrielle (ARIPO), Accord de Bangui de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle, Règlement sur les brevets du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et Décision 486 de la Communauté andine sur le Régime commun de propriété intellectuelle (CAN). retour au texte

11. Pour une explication du terme revendication, voir la section B.1 b) vi) ci‑dessous. retour au texte

12. Voir le chapitre IV, section C.1 b). retour au texte

13. La règle 29 du Règlement d'exécution de la Convention sur le brevet européen, contenu dans la CBE, donne des précisions sur la brevetabilité des inventions relatives au corps humain, l'utilisation d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales et plusieurs autres cas dans lesquels la délivrance de brevets européens est exclue. retour au texte

14. Voir G 002/06 (Utilisation d'embryons/WARF) du 25 novembre 2008, JO 2009, 306: www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/pdf/g060002ep1.pdf.Voir aussi T 1374/04 (Cellules souches/WARF) du 7 avril 2006, JO 2007, 313: www.epo.org/law-practice/case-law-appeals/recent/t041374ex1.htmlretour au texte

15. Voir C‑34/10 du 18 octobre 2011: http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=en&num=C-34/10retour au texte

16. JO 1998 L213/13. retour au texte

17. Document de l'OMC IP/C/W/369/Rev.1. retour au texte

18. Cette question est étudiée plus avant au chapitre III, section D.3 a).. retour au texte

19. Ces questions sont traitées au chapitre III, section D.3 b).. retour au texte

20. Ibid. retour au texte

21. Ibid. retour au texte

22. Document de l'OMPI SCP/13/5. retour au texte

23. Voir par exemple la Décision de la Cour suprême du Canada du 8 novembre 2012, 2012 SCC 60, Teva Canada Limitée c. Pfizer Canada Inc.: http://scc.lexum.org/decisia­scc-csc/scc-csc/scc-csc/en/item/12679/index.do. Dans cette décision, la Cour suprême a déterminé que le brevet canadien 2 163 446 délivré pour une invention relative au traitement de l'impuissance était nul, car il ne satisfaisait pas aux exigences de divulgation énoncées dans la Loi sur les brevets L.R.C. (1985), ch. P‑4. Elle a dit que la divulgation adéquate de l'invention dans le mémoire descriptif était une condition préalable à la délivrance du brevet. Le mémoire descriptif, constitué des revendications et de la divulgation, devait définir la "portée exacte et précise" du privilège revendiqué. Le public, du point de vue de la personne versée dans l'art, devait pouvoir, en n'ayant que le mémoire descriptif, utiliser l'invention de la même façon que l'inventeur à l'époque de la demande. En l'espèce, les revendications étaient présentées en "cascade", la revendication 1 correspondant à plus de 260 trillions de composés, les revendications 2 à 5 se rapportant à des nombres de composés de moins en moins importants et les revendications 6 et 7 ne visant chacune qu'un composé. La Cour a dit que la revendication en cascade était courante et ne compromettait pas nécessairement l'exigence de divulgation. Le lecteur versé dans l'art savait que, dans ce type de revendication, c'était habituellement le composé individuel revendiqué en dernier qui constituait le composé utile. Les revendications de composés non fonctionnels étaient simplement réputées invalides, toute revendication valide le demeurant. Mais, en l'espèce, le mémoire descriptif prenait fin par la revendication de deux composés individuels, et rien ne permettait à une personne versée dans l'art de déterminer, uniquement à partir de la divulgation dans le mémoire descriptif, à laquelle des revendications 6 et 7 correspondait le composé utile. Des essais supplémentaires s'imposaient pour déterminer lequel des deux composés était de fait efficace. La divulgation ne précisait donc pas en termes clairs quelle était l'invention et la rendait donc au contraire obscure. retour au texte

24. L'état de la technique s'entend, d'une façon générale, de toutes les connaissances qui ont été mises à la disposition du public avant la date de dépôt ou de priorité d'une demande de brevet en cours d'examen. Elle sert à déterminer l'étendue de la nouveauté et de l'activité inventive, deux conditions de brevetabilité (document de l'OMPI SCP/12/3 Rev.2). retour au texte

25. Documents de l'OMPI SCP/12/3 et CDIP/7/3. retour au texte

26. Les procédures de délivrance de brevets du point de vue de l'accès aux médicaments sont examinées plus avant au chapitre IV, section C.1 et 2. retour au texte

27. Pour des renseignements complémentaires sur les systèmes d'opposition et les autres mécanismes administratifs de révocation et d'invalidation, voir le document de l'OMPI SCP/18/4. Les procédures de révision du point de vue de l'accès aux médicaments sont examinées au chapitre IV, section C.2. retour au texte

28. La question de l'octroi de licences est examinée plus avant au chapitre III, section D.4 c), et au chapitre IV, section C.3 d).  retour au texte

29. Pour de plus amples renseignements, voir le chapitre IV, section C.5 a) vi). retour au texte

30. Voir aussi les documents de l'OMPI SCP/13/3, SCP/15/3, SCP/16/3, SCP/17/3 et SCP/18/3. Les exceptions et limitations et les flexibilités prévues dans le système des brevets du point de vue de l'innovation et de l'accès en matière de médicaments sont examinées respectivement au chapitre III, section D.4, et au chapitre IV, section C.3 a). retour au texte

31. Voir le chapitre III, section D.4 b). retour au texte

32. La question des licences obligatoires est examinée au chapitre IV, section C.3 i) et ii). retour au texte

33. La question de l'information en matière de brevets est examinée aux chapitres III, section D.4 f), et IV, section C.4, du point de vue de l'innovation et de l'accès en matière de médicaments. retour au texte

34. Voir la publication en ligne de l'OMPI, Manuel sur l'information et la documentation en matière de propriété industrielle:, www.wipo.int/standards/en/retour au texte

35. Pour une liste des normes, recommandations et principes directeurs de l'OMPI, voir: www.wipo.int/standards/en/part_03_standards.htmlretour au texte

36. Pour plus de renseignements, voir: Manuel sur l'information et la documentation en matière de propriété industrielle www.wipo.int/standards/en/pdf/08-01-01.pdf); et les définitions des familles de brevets de l'OEB www.epo.org/searching/essentials/patent-families.html). retour au texte

37. Un aperçu des questions relatives à la liberté d'action est donné au chapitre III, section D.4 g). retour au texte

38. Une étude technique de l'OMPI (document de l'OMPI CDIP/4/3 REV./STUDY/INF/3) examine l'accessibilité de données sur la situation juridique des brevets à partir de sources primaires et secondaires et décrit les difficultés liées à l'accessibilité, à la fiabilité et à la comparabilité de ces données. Au total, 87 autorités chargées des brevets ont communiqué des renseignements pour cette étude, qui a confirmé la situation parfois déficiente en matière d'accessibilité de données fiables sur la situation juridique et de comparabilité de ces données. L'étude recommande des améliorations, qui exigeraient un engagement considérable de la part des autorités nationales. Pour de plus amples renseignements sur le Projet de l'OMPI relatif aux données sur la situation juridique des brevets, voir: www.wipo.int/patentscope/en/programs/legal_status/index.htmlretour au texte

39. Le titre complet du livre est Approved Drug Products with Therapeutic Equivalence Evaluations. Voir: www.fda.gov/Drugs/InformationOnDrugs/ucm129662.htm. retour au texte

40. Voir www.accessdata.fda.gov/scripts/cdrh/cfdocs/cfcfr/CFRSearch.cfm?fr=314.53retour au texte

41. Voir www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/prodpharma/patregbrev/index-eng.phpretour au texte

42. Source: The Medicines Patent Pool. Voir www.medicinespatentpool.org/patent-data/retour au texte

43. Voir les chapitres II, section B.5, et IV, section C.5. retour au texte

44. Voir l'explication donnée au chapitre IV, section C.3 iii). retour au texte

45. Ibid. retour au texte

46. Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. retour au texte

47. Voir http://www.wipo.int/madrid/en/. retour au texte

48. Voir www.who.int/medicines/publications/druginformation/innlists/en/index.html.En outre, l'Extranet des DCI, MedNet, donne gratuitement accès à la base de données consultable des DCI: http://mednet.who.int/retour au texte

49. Document de l'OMPI SCT/19/4. retour au texte  retour au texte

50. D'autres pays tels que l'Afrique du Sud, l'Australie, le Canada, le Japon et le Mexique ont mis en place leurs propres examens des noms de spécialité, qui relèvent du Ministère de la santé. retour au texte

51. La Division de prévention et d'analyse des erreurs de médication (DMEPA) de la FDA et le Groupe d'examen des noms (inventés) (NRG) de l'EMA. retour au texte

52. En 2011, le NRG a rejeté 47% des noms proposés. Voir EMA, "Overview of Invented Names Reviewed in November 2011 by the Name Review Group (NRG)", communiqué de presse EMA/802336/2011. La DMEPA "rejette environ le tiers des noms de spécialité proposés" (Scheib et Witherell, 2011). retour au texte

53. Affaire n° 594/2000: Décision rendue le 25 mars 2002 par la Haute Cour de Pretoria en faveur de Beecham Group plc et SmithKline Beecham Pharmaceuticals (Pty) Ltd agissant en qualité de plaignants, contre Biotech Laboratories (Pty) Ltd agissant en qualité de défendeur. La Cour a considéré que les plaignants avaient démontré que la notice avait le statut d'œuvre littéraire selon la définition de la Loi sud‑africaine sur le droit d'auteur et a interdit à Biotech de porter atteinte au droit d'auteur. Biotech Laboratories (Pty) Ltd a fait appel de la décision de la Cour, appel qui a été rejeté avec dépens. retour au texte

54. Affaire n° FCA 1307: Décision rendue le 18 novembre 2011 par la Cour fédérale d'Australie ne donnant pas droit à réparation pour atteinte au droit d'auteur de la part du défendeur Apotex Pty Ltd en faveur des plaignants Sanofi‑Aventis Australia Pty Ltd, Sanofi‑Aventis Deutschland Gmbh et Aventisub II Incoporated. retour au texte

55. Voir le chapitre IV, encadré 4.10. retour au texte

56. Ibid. retour au texte

57. Voir les documents de l'OMC IP/C/W/570 et IP/C/W/571; et Commission européenne (2010). retour au texte

58. Voir le chapitre IV, section C.3 e). retour au texte

59. Les évolutions relatives au respect des DPI et le lien avec l'accès aux technologies médicales, y compris l'incidence de normes plus strictes visant à faire respecter les droits, qui résultent de cadres régionaux ou interrégionaux tels que l'Accord commercial anti‑contrefaçon (ACAC), sont étudiés au chapitre IV. retour au texte

60. Document de l'OMPI CDIP/5/4 Rev. retour au texte

61. Document de l'OMC WT/L/540. Voir le chapitre IV, section C.3 iii), et l'annexe II. retour au texte

62. Voir www.wipo.int/treaties/en/agreement/trtdocs_wo030.htmlretour au texte

63. Document de l'OMPI CDIP/5/4 Rev. retour au texte

64. Ibid. retour au texte

65. Documents de l'OMPI CDIP/7/3 et CDIP/7/3 Add. retour au texte

66. Voir www.wipo.int/treaties/en/agreement/trtdocs_wo030.htmlretour au texte

67. Voir le chapitre III, section D.4 b). retour au texte

68. Voir le chapitre III, encadré 3.8. retour au texte

69. Voir le chapitre IV, section C.3 iii). retour au texte

70. Voir le chapitre II, section B.1 g) v). retour au texte

71. Voir le chapitre IV, section C.3 a) i). retour au texte

72. Le rapport peut être consulté à l'adresse suivante: http://whqlibdoc.who.int/hq/2001/a73725.pdfretour au texte

73. Le compte rendu de la session extraordinaire figure dans le document de l'OMC IP/C/M/31. retour au texte

74. Voir l'explication donnée au chapitre IV, section C.3 c). retour au texte

75. Voir le chapitre IV, section C.3 a) iii). retour au texte

76. Documents de l'ONU A/RES/65/1 et A/RES/65/277. retour au texte

77. Document de l'OMC IP/C/25. retour au texte

78. Document de l'OMC WT/L/478. retour au texte

79. Document de l'OMC IP/C/40. retour au texte

80. Document de l'OMC  WT/L/845. retour au texte

81. Document de l'OMC  IP/C/W/583. retour au texte

82. Article 18:8 de la Loi n° 31/2009 du 26/10/2009 portant protection de la propriété intellectuelle.  retour au texte

83. Voir les chapitres II, section B.1 g) v), et IV, section B.6. retour au texte

84. Voir www.wipo.int/wipolex/en/other_treaties/details.jsp?treaty_id=227retour au texte

85. Document de l'OMC LT/UR/A/2. retour au texte

86. Document de l'OMC WT/ACC/UKR/152, paras. 425, 433 and 512. retour au texte

87. Document de l'OMC WT/L/508. retour au texte

88. Document de l'OMC WT/L/846. See www.wipo.int/wipolex/en/other_treaties/details.jsp?treaty_id=227retour au texte

89. Document de l'OMC WT/L/508/Add.1. retour au texte

90. Voir Banque mondiale (2005, 2009). Pour une liste des publications de l'OCDE, voir: www.oecd.org/regreform/liberalisationandcompetitioninterventioninregulatedsectors/bestpracticeroundtablesoncompetitionpolicy.htm. Voir en particulier les documents suivants publiés à l'occasion des tables rondes: Generic Pharmaceuticals (2009); Competition, Patents and Innovation II (2009); Competition, Patents and Innovation (2006); Competition in the Provision of Hospital Services (2005); Enhancing Beneficial Competition in the Health Professions (2004); Competition in the Pharmaceutical Industry (2000); et, plus généralement, Relations Between Regulators and Competition Authorities (1998). retour au texte

91. Selon certaines informations, des fusions récentes entre laboratoires pharmaceutiques auraient entraîné une baisse de l'activité de R‑D dans le secteur. Voir, par exemple, LaMattina (2011). retour au texte

92. Les "clauses de rétrocession exclusives" désignent toute obligation qui est faite au preneur de licence de concéder une licence exclusive au donneur de licence pour les améliorations qu'il apporte à la technologie visée par la licence ou pour les nouvelles applications qu'il trouve à partir de cette technologie. Les "conditions empêchant la contestation de la validité" sont celles qui imposent au preneur de licence l'obligation de ne pas contester la validité des DPI détenus par le donneur de licence. Le "régime coercitif de licences groupées" désigne l'obligation faite au preneur de licence d'accepter une licence sur plusieurs technologies différentes alors que son intérêt se limite à une partie de ces technologies. retour au texte

93. À cet égard, plusieurs organismes nationaux ou régionaux chargés de la concurrence ont publié des lignes directrices qui offrent un fondement solide pour leur analyse des affaires de propriété intellectuelle et des affaires antitrust: US Department of Justice/Federal Trade Commission (1995); Commission européenne, Lignes directrices relatives à l'application de l'article 81 du Traité CE aux accords de transfert de technologie, document de la Commission européenne 2004/C 101/02; pour le Canada, voir le Bureau de la concurrence (2000); pour une traduction non officielle en anglais des lignes directrices de la Commission des pratiques commerciales loyales du Japon, voir: Guidelines for the Use of Intellectual Property under the Antimonopoly Act: www.jftc.go.jp/en/legislation_guidelines/ama/pdf/070928_IP_Guideline.pdf,Guidelines on Standardization and Patent Pool Arrangements:www.jftc.go.jp/en/legislation_guidelines/ama/pdf/Patent_Pool.pdfet Guidelines Concerning Joint Research and Development under the Antimonopoly Act:www.jftc.go.jp/en/legislation_guidelines/ama/pdf/jointresearch.pdfretour au texte

94.Pour des détails complémentaires sur les données tarifaires, voir le chapitre IV, section D.1. retour au texte

95. Voir www.haiweb.org/medicinepricesretour au texte

96. Pour des détails complémentaires, voir OMS/OMC (2002). retour au texte

97. Ibid. retour au texte

98. Ces descriptions sectorielles figurent dans la Classification sectorielle des services (document de l'OMC MTN.GNS/W/120), que les Membres de l'OMC ont utilisée de manière générale pour inscrire leurs engagements au titre de l'AGCS. Les secteurs i) à iii) ci‑dessus se trouvent dans la section "Services de santé et services sociaux", les secteurs iv) et v) se trouvent dans les "Services professionnels", et le secteur vi) se trouve dans les "Services financiers". retour au texte

99. Si l'on tient compte des limitations horizontales inscrites dans certaines listes (c'est‑à‑dire les limitations qui s'appliquent à tous les secteurs mentionnés), les engagements partiels dominent. retour au texte

100. OMS, "Migration des personnels de santé", Aide‑mémoire n° 301, juillet 2010. retour au texte

101. Pour plus de précisions, voir Müller et Pelletier (à paraître). retour au texte

102. Pour le texte intégral des Listes des parties à l'AMP (appendice 1), y compris les valeurs de seuil applicables, www.wto.org/english/tratop_e/gproc_e/gp_gpa_e.htmretour au texte

103. Voir http://shenyang.usembassy-china.org.cn/wto-gpa.htmlretour au texte

104. Des données statistiques complémentaires sont disponibles à l'adresse suivante: www.wto.org/english/tratop_e/gproc_e/gp_gpa_e.htmretour au texte

105. L'analyse qui suit porte uniquement sur les possibilités d'accès aux marchés dans le cadre de l'AMP. Elle ne tient pas compte des obstacles à l'accès aux marchés qui pourraient survenir en dehors du cadre de l'AMP (DPI, par exemple). retour au texte

106. Document de l'OMC GPA/102/Add.3. Il est rappelé que l'AMP s'applique à toutes les entités, marchandises et services figurant dans les Listes de chaque partie. retour au texte

107. Document de l'OMC GPA/94/Add.4. retour au texte

108. Document de l'OMC GPA/108/Add.4.La valeur indiquée était libellée en droits de tirage spéciaux (DTS) et a été convertie en dollars EU. Elle peut subir des variations de taux de change et des problèmes de conversion liés à ces variations.. retour au texte

109. Certaines caractéristiques spécifiques des ALE ayant trait aux produits pharmaceutiques sont étudiées au chapitre IV, section C.5. retour au texte