RÉPERTOIRE DES RAPPORTS DE L’ORGANE D’APPEL

Législation impérative et facultative

M.1.1 États-Unis — Loi de 1916, paragraphes 60-61     haut de page
(WT/DS136/AB/R, WT/DS162/AB/R)

Avant l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC, il était fermement établi que l’article XXIII:1 a) du GATT de 1947 permettait à une partie contractante de mettre en cause une législation en tant que telle, indépendamment de l’application de cette législation dans des cas particuliers. Bien que le texte de l’article XXIII ne traite pas expressément de la question, les groupes spéciaux ont toujours considéré que, en vertu de l’article XXIII, ils avaient compétence pour examiner les allégations concernant une législation en tant que telle. Lorsqu’ils ont examiné ces allégations, les groupes spéciaux ont élaboré le concept selon lequel la législation impérative et la législation dispositive devraient être distinguées l’une de l’autre, considérant que seule une législation qui impose une violation des obligations contractées dans le cadre du GATT peut être jugée incompatible avec ces obligations. Nous étudions l’application de cette distinction aux présentes affaires dans la section IV B) ci-dessous.

Ainsi, le fait qu’une partie contractante pouvait mettre en cause une législation en tant que telle devant un groupe spécial était bien établi dans le cadre du GATT de 1947. Nous considérons que la jurisprudence qui établit cette pratique et la met en application fait partie de l’acquis du GATT qui, en vertu de l’article XVI:1 de l’Accord sur l’OMC, donne des indications à l’OMC et, donc, aux groupes spéciaux et à l’Organe d’appel. En outre, à l’article 3:1 du Mémorandum d’accord, les Membres affirment “leur adhésion aux principes du règlement des différends appliqués jusqu’ici conformément aux articles XXII et XXIII du GATT de 1947”. Nous notons que, depuis l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC, un certain nombre de groupes spéciaux ont examiné, dans le cadre du règlement des différends, des allégations formulées contre un Membre sur la base de sa législation en tant que telle, indépendamment de l’application de cette législation dans des cas particuliers.


M.1.2 États-Unis — Loi de 1916,
paragraphes 88-91     haut de page
(WT/DS136/AB/R, WT/DS162/AB/R)

… le concept de législation impérative par opposition à celui de législation dispositive a été élaboré par un certain nombre de groupes spéciaux du GATT comme étant une considération fondamentale pour déterminer quand une législation en tant que telle — plutôt qu’une application particulière de cette législation — était incompatible avec les obligations d’une partie contractante dans le cadre du GATT de 1947 La pratique des groupes spéciaux du GATT a été résumée comme suit dans l’affaire États-Unis — Tabac:

… des groupes spéciaux avaient toujours jugé qu’une législation qui rendait obligatoire des mesures incompatibles avec l’Accord général pouvaient être contestée en tant que telle, mais qu’une législation qui donnait seulement à l’exécutif d’une partie contractante la faculté d’agir de façon incompatible avec l’Accord général ne pouvait pas en soi être contestée; seule l’application effective de cette législation de façon incompatible avec l’Accord général pouvait être contestée. (pas d’italique dans l’original)

Ainsi, le pouvoir discrétionnaire dont il s’agit, afin de faire la distinction entre législation impérative et législation dispositive, est un pouvoir discrétionnaire conféré à l’exécutif.

La Loi de 1916 prévoit deux types d’actions devant un tribunal fédéral des États-Unis: une action au civil engagée par des parties privées, et une action au pénal engagée par le Département de la justice des États-Unis. S’agissant tout d’abord de l’action au civil, nous notons qu’il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire accordé à l’exécutif des États-Unis en ce qui concerne cette action. Les actions au civil sont engagées par des parties privées. Un juge en charge d’une telle procédure doit simplement appliquer la Loi de 1916. En conséquence, pour ce qui concerne les actions au civil qui peuvent être engagées en vertu de la Loi de 1916, cette loi est à l’évidence impérative au sens où ce terme a été interprété aux fins de la distinction entre législation impérative et législation dispositive.

Le Groupe spécial, cependant, a examiné la partie de la Loi de 1916 qui prévoit des poursuites pénales et a constaté que le pouvoir discrétionnaire dont jouissait le Département de la justice des États-Unis d’engager ou de ne pas engager des procédures pénales ne signifiait pas que la Loi de 1916 était une loi dispositive. Compte tenu de la jurisprudence qui a permis d’élaborer et d’appliquer la distinction entre législation impérative et législation dispositive, nous pensons que, de par sa nature ou son importance, le pouvoir discrétionnaire dont jouit le Département de la justice des États-Unis ne transforme pas la Loi de 1916 en une législation dispositive, tel que ce terme a été interprété aux fins de la distinction entre législation impérative et législation dispositive. Nous souscrivons, par conséquent, à la constatation du Groupe spécial sur ce point.


M.1.3 États-Unis — Loi de 1916,
paragraphe 99     haut de page
(WT/DS136/AB/R, WT/DS162/AB/R)

Nous notons que le fait de répondre à la question de savoir si la distinction entre législation impérative et législation dispositive pour les allégations formulées au titre de l’Accord antidumping reste pertinente n’aurait aucune incidence sur l’issue des présents appels, parce que la Loi de 1916 n’est à l’évidence pas une législation dispositive, tel que ce terme a été interprété aux fins de la distinction entre législation impérative et législation dispositive. Par conséquent, nous ne jugeons pas nécessaire d’examiner, en l’espèce, si l’article 18.4, ou une autre disposition de l’Accord antidumping, a remplacé ou modifié la distinction entre législation impérative et législation dispositive. Pour les mêmes raisons, il n’était pas nécessaire que le Groupe spécial, dans le rapport du Groupe spécial Japon, se prononce sur cette question.


M.1.4 États-Unis — Loi de 1916,
paragraphe 100     haut de page
(WT/DS136/AB/R, WT/DS162/AB/R)

… nous notons que, devant le Groupe spécial et devant nous, les États-Unis se sont appuyés sur la distinction entre législation impérative et législation dispositive pour faire valoir que la Loi de 1916 ne peut pas être une législation impérative parce que les tribunaux des États-Unis l’ont interprétée ou pourraient l’interpréter dans un sens qui la rendrait compatible avec les obligations des États-Unis dans le cadre de l’OMC. Comme nous l’avons vu, dans la jurisprudence élaborée dans le cadre du GATT de 1947, la distinction entre législation impérative et législation dispositive est centrée sur le point de savoir si le pouvoir discrétionnaire voulu a été conféré à l’exécutif. Les États-Unis, toutefois, ne s’appuient pas sur le pouvoir discrétionnaire conféré à leur exécutif, mais sur l’interprétation de la Loi de 1916 donnée par leurs tribunaux. Selon nous, cet argument est sans rapport avec la distinction entre législation impérative et législation dispositive.


M.1.5 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 259     haut de page
(WT/DS176/AB/R)

… Comme le Groupe spécial l’a fait observer à juste titre, dans l’affaire États-Unis — Loi de 1916, nous avons déclaré qu’il fallait faire une distinction entre une législation qui rend obligatoires un comportement incompatible avec les règles de l’OMC et une législation qui confère un pouvoir exécutif qui peut être exercé de façon discrétionnaire. Dans cette affaire, nous avons cité en l’approuvant la déclaration ci-après du Groupe spécial États-Unis — Tabac:

… Des groupes spéciaux avaient toujours jugé qu’une législation qui rendait obligatoires des mesures incompatibles avec l’Accord général pouvait être contestée en tant que telle, mais qu’une législation qui donnait seulement à l’exécutif d’une partie contractante la faculté d’agir de façon incompatible avec l’Accord général ne pouvait pas en soi être contestée; seule l’application effective de cette législation de façon incompatible avec l’Accord général pouvait être contestée.

Ainsi, lorsqu’un pouvoir discrétionnaire est conféré à l’exécutif d’un Membre de l’OMC, on ne peut pas supposer que ce Membre va manquer de bonne foi à ses obligations au regard de l’Accord sur l’OMC. En s’appuyant sur ces décisions et en les interprétant correctement, le Groupe spécial a conclu que l’on ne pouvait pas supposer que l’OFAC exercerait son pouvoir exécutif discrétionnaire de manière incompatible avec les obligations des États-Unis au regard de l’Accord sur l’OMC. Nous partageons également cette opinion.


M.1.6 États-Unis Mesures compensatoires concernant certains produits en provenance des CE,
paragraphe 159 et la note de bas de page 334
(WT/DS212/AB/R)     haut de page

Reste à savoir si l’article 1677 5) F) est incompatible en soi avec les obligations des États-Unis dans le cadre de l’OMC du fait qu’il prescrit334 une méthode particulière pour déterminer l’existence d’un “avantage” qui est contraire à l’Accord SMC. Nous convenons à la fois avec l’appelant et avec l’intimé que “l’article 1677 5) F) ne prescrit aucune méthode spécifique” et qu’il ne prescrit donc pas au DOC d’appliquer la méthode de la “même personne”. …


M.1.7 États-Unis — Réexamen à l’extinction concernant l’acier traité contre la corrosion, paragraphe 89     haut de page
(WT/DS244/AB/R)

Nous observons également que permettre que des mesures fassent l’objet de procédures de règlement des différends, qu’elles aient ou non un caractère impératif, est compatible avec la nature générale du droit des Membres de recourir au règlement des différends pour “préserver les droits et les obligations résultant pour [eux] des accords visés, et […] clarifier les dispositions existantes de ces accords”. Tant qu’un Membre respecte les principes énoncés à l’article 3:7 et 3:10 du Mémorandum d’accord, à savoir “jug[er] si une action au titre des présentes procédures serait utile” et engager une procédure de règlement des différends de bonne foi, alors ce Membre est habilité à demander qu’un groupe spécial examine les mesures qui, selon lui, annulent ou compromettent ses avantages. Nous ne pensons pas que les groupes spéciaux soient obligés, à titre de question juridictionnelle préliminaire, d’examiner si la mesure contestée est impérative. Cette question n’est pertinente, à supposer qu’elle le soit, que dans le cadre de l’évaluation faite par le groupe spécial du point de savoir si la mesure est, en tant que telle, incompatible avec des obligations particulières. C’est sur cette question que nous allons maintenant nous pencher.


M.1.8 États-Unis — Réexamen à l’extinction concernant l’acier traité contre la corrosion,
paragraphe 93 et la note de bas de page 94
(WT/DS244/AB/R)     haut de page

En suivant cette approche, le Groupe spécial appliquait, à titre de considération préliminaire, ce que l’on appelle la “distinction impératif/facultatif”. Nous avons expliqué dans l’affaire États-Unis — Loi de 1916 que cet outil analytique existait avant la création de l’OMC et qu’un certain nombre de groupes spéciaux du GATT l’avaient utilisé comme technique d’évaluation des allégations formulées à l’encontre d’une législation en tant que telle. Comme le Groupe spécial a semblé le reconnaître, nous n’avons pas encore été appelés à nous prononcer d’une manière générale quant à la question de savoir dans quelle mesure la distinction impératif/facultatif restait pertinente ou importante.94 Par ailleurs, nous n’estimons pas que le présent appel exige que nous entreprenions un examen détaillé de cette distinction. Néanmoins, nous souhaitons faire remarquer que, comme avec n’importe quel outil analytique de ce type, l’importance de la “distinction impératif/facultatif” peut varier d’un cas à l’autre. C’est pourquoi nous souhaitons aussi mettre en garde contre l’application de cette distinction de façon mécanique.


M.1.9 États-Unis — Réexamen à l’extinction concernant l’acier traité contre la corrosion,
paragraphe 98     haut de page
(WT/DS244/AB/R)

Le Groupe spécial a suivi une approche étroite semblable lorsqu’il a constaté que le Sunset Policy Bulletin n’était pas une “procédure administrative” au sens de l’article 18.4 de l’Accord antidumping. Ayant estimé qu’une procédure administrative était “une règle préétablie applicable à la conduite d’une enquête antidumping”, le Groupe spécial a supposé que “règle” signifiait “règle impérative”, et il a fait fond sur sa constatation antérieure selon laquelle le Sunset Policy Bulletin n’était pas un instrument juridique impératif pour conclure qu’il ne pouvait donc pas être une procédure administrative. Là encore, le Groupe spécial n’a pas examiné la nature normative des dispositions du Sunset Policy Bulletin, ni comparé le type de normes que l’USDOC est tenu de publier dans des règlements formels avec le type de normes qu’il peut établir dans des énoncés de principes. Ces examens auraient aidé le Groupe spécial à déterminer si le Sunset Policy Bulletin était en fait une “procédure administrative” au sens de l’article 18.4 de l’Accord antidumping.


M.1.10 États-Unis — Coton upland,
paragraphe 706     haut de page
(WT/DS267/AB/R)

Le Groupe spécial a expliqué qu’à son avis, la “menace” de contournement au titre de l’article 10:1 prescrivait qu’il y ait un “droit juridique inconditionnel”. Nous ne voyons rien qui justifie cette prescription dans l’article 10:1. Le Groupe spécial a aussi dit que “[p]our constituer une “menace” au sens de l’article 10:1 de l’Accord sur l’agriculture, [il] ne pens[ait] pas qu’il [était] suffisant qu’un programme de garantie de crédit à l’exportation puisse éventuellement, ou théoriquement, être utilisé d’une manière qui mena[çait] d’entraîner un contournement des engagements en matière de subventions à l’exportation”. Dans ces deux déclarations, le Groupe spécial semble amalgamer le membre de phrase “menace d’entraîner … un contournement” et la certitude que le contournement se produira. En outre, il nous paraît difficile de concilier l’interprétation du Groupe spécial avec le sens ordinaire du terme “menacer” qui, comme nous l’avons indiqué auparavant, indique que quelque chose se produira “probablement”. Il nous paraît également difficile de concilier ces déclarations du Groupe spécial avec son propre point de vue selon lequel il “ne pens[e] pas que la distinction “impératif/facultatif” soit la seule distinction déterminante d’un point de vue juridique pour notre examen du point de savoir si l’existence d’une “menace” de contournement des engagements en matière de subventions à l’exportation au sens de l’article 10:1 de l’Accord sur l’agriculture a été prouvée suivant le critère requis”.

 

334. Nous n’excluons pas, par implication, la possibilité qu’un Membre puisse manquer à ses obligations dans le cadre de l’OMC en promulguant une législation qui accorde à ses autorités le pouvoir discrétionnaire d’agir en violation de ses obligations dans le cadre de l’OMC. Nous ne formulons aucune constatation à cet égard.     haut de texte

94. Dans notre rapport sur l’affaire États-Unis — Loi de 1916, nous avons examiné la législation contestée et constaté que les éléments de cette législation qui, selon les allégations, étaient “dispositifs” n’étaient pas de nature à, même en vertu de la distinction impératif/dispositif, permettre que la mesure soit considérée comme “dispositive” et donc compatible avec l’Accord antidumping. En d’autres termes, nous avons supposé que la distinction pouvait être appliquée parce qu’elle n’affectait en aucun cas le résultat de notre analyse. Nous avons spécifiquement indiqué qu’il n’était pas nécessaire, dans cet appel, que nous répondions à “la question de savoir si la distinction entre législation impérative et législation dispositive pour les allégations formulées au titre de l’Accord antidumping rest[ait] pertinente”. (Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Loi de 1916, paragraphe 99) Nous avons également expressément refusé de répondre à cette question dans la note de bas de page 334 relative au paragraphe 159 de notre rapport sur l’affaire États-Unis — Mesures compensatoires sur certains produits en provenance des CE. Qui plus est, l’appel formé dans l’affaire États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits présentait un ensemble de circonstances unique. Dans cette affaire, pour défendre la mesure contestée par les Communautés européennes, les États-Unis ont en vain fait valoir qu’un règlement facultatif, promulgué en vertu d’une loi séparée, remédiait aux aspects discriminatoires de la mesure en cause.     haut de texte


Les textes reproduits ici n’ont pas le statut juridique des documents originaux conservés par le Secrétariat de l’OMC à Genève.