RÉPERTOIRE DES RAPPORTS DE L’ORGANE D’APPEL

Ordre d’analyse — recours à des hypothèses

O.2.1 États-Unis — Essence, page 24     haut de page
(WT/DS2/AB/R)

… Pour que la protection conférée par l’article XX puisse s’appliquer à elle afin de la justifier, la mesure en cause ne doit pas seulement relever de l’une ou l’autre des exceptions particulières — paragraphes a) à j) — énumérées à l’article XX; elle doit aussi satisfaire aux prescriptions établies dans les clauses introductives de l’article XX. En d’autres termes, l’analyse est double: premièrement, justification provisoire de la mesure au motif qu’elle relève de l’article XX g); deuxièmement, nouvelle évaluation de la même mesure au regard des clauses introductives de l’article XX.


O.2.2 États-Unis — Crevettes,
paragraphe 119     haut de page
(WT/DS58/AB/R)

L’ordre des étapes indiqué ci-dessus à suivre pour analyser une allégation concernant une justification au titre de l’article XX ne dénote pas un choix fortuit ou aléatoire, mais plutôt la structure et la logique fondamentales de l’article XX. Le Groupe spécial semble donner à entendre, ne serait-ce que de façon indirecte, que suivre l’ordre des étapes indiqué, ou l’inverser, ne fait aucune différence. Pour le Groupe spécial, inverser l’ordre indiqué dans l’affaire États-Unis — Essence “semble tout aussi approprié”. Nous ne partageons pas ce point de vue.


O.2.3 États-Unis — FSC,
paragraphe 89 et la note de bas de page 99
(WT/DS108/AB/R)     haut de page

Nous allons tout d’abord nous pencher sur l’argument des États-Unis selon lequel le Groupe spécial a commis une erreur en ne commençant pas son examen de l’allégation des Communautés européennes au titre de l’article 3.1 a) de l’Accord SMC par la note de bas de page 59 de cet accord. Le Groupe spécial a de fait commencé par examiner la définition générale d’une “subvention” qui est donnée à l’article 1.1 de l’Accord SMC. Cette définition s’applique, dans l’ensemble de l’Accord, à tous les différents types de “subvention” qui y sont visés. À notre avis, ce n’était pas une erreur juridique de la part du Groupe spécial de commencer son examen de la question de savoir si la mesure FSC donne lieu à des subventions à l’exportation en examinant la définition générale d’une “subvention” qui est applicable aux subventions à l’exportation visées à l’article 3.1 a). En tout état de cause, que l’examen commence par la définition générale d’une “subvention” donnée à l’article 1.1 ou par la note de bas de page 59, nous estimons que l’allégation des Communautés européennes au titre de l’article 3.1 a) aboutirait au même résultat. Le sens approprié de l’une et l’autre dispositions peut être établi et il peut lui être donné effet, que l’examen de l’allégation des Communautés européennes au titre de l’article 3.1 a) commence par l’article 1.1 ou par la note de bas de page 59.99


O.2.4 Canada — Automobiles,
paragraphe 151     haut de page
(WT/DS139/AB/R, WT/DS142/AB/R)

Dans l’affaire États-Unis — Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, nous avons dit, à propos de l’article XX du GATT de 1994, qu’un groupe spécial ne peut pas ignorer “la structure et la logique fondamentales” d’une disposition lorsqu’il décide de l’ordre des étapes à suivre dans son analyse, au risque de parvenir à des conclusions erronées. De même, en l’occurrence, la structure et la logique fondamentales de l’article I:1, par rapport au reste de l’AGCS, nous obligent à déterminer si la mesure est visée en fait par l’AGCS avant d’en apprécier la compatibilité avec une obligation de fond de l’AGCS.


O.2.5 États-Unis — Sauvegardes concernant l’acier,
la note de bas de page 494 du paragraph 481     haut de page
(WT/DS248/AB/R, WT/DS249/AB/R, WT/DS251/AB/R, WT/DS252/AB/R, WT/DS253/AB/R, WT/DS254/AB/R, WT/DS258/AB/R, WT/DS259/AB/R)

Au paragraphe 10.278 de ses rapports, le Groupe spécial a indiqué qu’il “[avait] supposé aux fins de son examen de la question du lien de causalité” que les producteurs nationaux pertinents avaient été correctement définis et qu’il existait un dommage grave ou une menace de dommage grave. Nous notons que le Groupe spécial n’a pas constaté d’“accroissement des importations” pour cinq catégories de produits — CPLPAC, barres laminées à chaud, fil machine en aciers inoxydables, produits étamés ou chromés et fils en aciers inoxydables. Toutefois, il a dû aussi supposer tacitement qu’aux fins de son analyse du lien de causalité, les importations s’étaient accrues pour ces cinq produits. Nous ne voyons rien d’inapproprié en soi à ce que des groupes spéciaux fassent de telles suppositions, en particulier quand, en agissant ainsi, ils peuvent formuler des constatations qu’ils n’auraient pas faites autrement, facilitant ainsi l’examen en appel. Nous sommes conscients du fait que le volume et la complexité du dossier en l’espèce ont pu inciter le Groupe spécial à appliquer le principe d’économie jurisprudentielle pour plusieurs questions et à s’appuyer sur les suppositions interdépendantes correspondantes. Nous relevons toutefois que le cumul de plusieurs suppositions liées entre elles aurait pu compromettre notre capacité d’achever l’analyse juridique du Groupe spécial si nous avions voulu nous prononcer sur la question du lien de causalité.


O.2.6 Canada — Exportations de blé et importations de grains,
paragraphe 109     haut de page
(WT/DS276/AB/R)

Ainsi, dans chaque cas, c’est la nature de la relation entre deux dispositions qui déterminera s’il existe un ordre d’analyse obligatoire qui, s’il n’est pas suivi, équivaudrait à une erreur de droit. Dans certains cas, cette relation est telle que le fait de ne pas structurer l’analyse suivant l’ordre logique approprié aura des répercussions sur la substance de l’analyse elle-même… .


O.2.7 Canada — Exportations de blé et importations de grains,
paragraphe 122     haut de page
(WT/DS276/AB/R)

… l’approche adoptée par le Groupe spécial en l’espèce doit être distinguée de l’approche adoptée par les groupes spéciaux dans les affaires États-Unis — Crevettes et Canada — Automobiles. Ces groupes spéciaux ont directement procédé à une analyse au titre d’une disposition, sans avoir effectué une quelconque analyse au titre d’une disposition prévoyant une étape analytique logiquement antérieure, ni formulé une quelconque hypothèse au sujet de cette disposition.


O.2.8 Canada — Exportations de blé et importations de grains,
paragraphe 126-129     haut de page
(WT/DS276/AB/R)

… nous souhaitons dire que nous sommes quelque peu préoccupés par la manière dont le Groupe spécial a effectué son analyse de la compatibilité du régime d’exportation de la CCB avec l’article XVII:1 a) et b). Suivant un principe général, les groupes spéciaux sont libres de structurer l’ordre de leur analyse comme ils l’entendent. Ce faisant, ils peuvent juger utile de tenir compte de la manière dont une allégation leur a été présentée par un Membre plaignant. En outre, les groupes spéciaux peuvent décider de partir d’hypothèses pour faciliter le règlement d’une question particulière ou pour pouvoir formuler des constatations factuelles additionnelles et subsidiaires et contribuer ainsi au règlement d’un différend si celui-ci devait aller jusqu’au stade de l’appel.

En même temps, les groupes spéciaux doivent s’assurer qu’ils procèdent sur la base d’une analyse correctement structurée pour interpréter les dispositions de fond en cause. Comme l’Organe d’appel l’a constaté dans les affaires États-Unis — Crevettes et Canada — Automobiles, les groupes spéciaux qui ignorent ou brûlent une étape antérieure logique de l’analyse courent le risque de compromettre ou d’invalider des constatations ultérieures. Ce risque est aggravé dans le cas de deux dispositions juridiquement liées, entre elles, lorsque l’une de ces dispositions doit, sur le plan de la cohérence logique et analytique, être analysée avant l’autre, comme c’est le cas des alinéas a) et b) de l’article XVII:1 du GATT de 1994.

En outre, le recours excessif à des hypothèses pour faciliter l’analyse peut nuire à la clarté de l’analyse d’un groupe spécial ou avoir d’autres effets négatifs au stade de l’appel… .

L’enchevêtrement de l’analyse et de l’hypothèse peut, dans certains cas, créer un certain degré d’incertitude quant aux constatations précises qu’un groupe spécial a effectivement faites. Cela pourrait créer des difficultés pour les parties lorsqu’il s’agit de décider de faire appel ou non et de quoi. Nous recommandons donc que, lorsqu’ils recourent à des hypothèses en tant qu’outil pour faciliter l’analyse — ce qui peut être utile, nous le reconnaissons —, les groupes spéciaux veillent à indiquer clairement et explicitement en quoi consistent exactement les hypothèses et ce qu’ils ont conclu sur la base de ces hypothèses.


O.2.9 États-Unis — Coton upland,
paragraphes 431-433     haut de page
(WT/DS267/AB/R)

Comme il est indiqué ci-dessus, l’article 6.3 c) ne dit rien sur l’ordre des étapes à suivre pour évaluer si une subvention a pour effet d’empêcher des hausses de prix dans une mesure notable. Nous relevons que l’article 6.8 indique que l’existence d’un préjudice grave conformément aux articles 5 c) et 6.3 c) devrait être déterminée sur la base des renseignements communiqués au Groupe spécial ou obtenus par celui-ci, y compris les renseignements communiqués conformément aux dispositions de l’Annexe V de l’Accord SMC. L’Annexe V donne des indications limitées concernant le type de renseignements sur lesquels un groupe spécial pourrait fonder son évaluation au titre de l’article 6.3 c). Mais nous trouvons peu d’autres indications sur cette question. Le texte de l’article 6.3 c) n’exclut toutefois pas l’approche suivie par le Groupe spécial, à savoir examiner d’abord s’il existe un empêchement de hausses de prix dans une mesure notable, puis, s’il est constaté qu’il existe, entreprendre d’examiner si l’empêchement de hausses de prix dans une mesure notable est l’effet de la subvention. Le Groupe spécial a apparemment considéré qu’en l’absence d’empêchement de hausses de prix dans une mesure notable, il n’aurait pas besoin de procéder à l’analyse de l’effet de la subvention. Nous ne voyons pas d’erreur de droit dans cette approche.

On pourrait soutenir que, le Groupe spécial ayant décidé de séparer son analyse de l’empêchement de hausses de prix dans une mesure notable de son analyse des effets des subventions contestées, son analyse de l’empêchement de hausses de prix aurait dû porter sur les prix sans faire référence aux subventions et à leurs effets… .

Toutefois, le sens ordinaire du verbe transitif “suppress” (empêcher des hausses) suppose l’existence d’un sujet (les subventions contestées) et d’un objet (en l’espèce, les prix sur le marché mondial pour le coton upland). Cela semble indiquer qu’il serait difficile de se prononcer sur l’empêchement de hausses de prix dans une mesure notable sans tenir compte de l’effet des subventions. La définition d’“empêchement de hausses de prix” donnée par le Groupe spécial, qui est exposée ci-dessus, rend compte de ce problème; elle comprend la notion selon laquelle les prix “n’augmentent pas alors qu’ils l’auraient fait en d’autres circonstances” ou qu’ils “augmentent effectivement mais que l’augmentation est inférieure à ce qu’elle aurait été en d’autres circonstances”. Dans ce contexte, l’expression “en d’autres circonstances” fait référence à une situation hypothétique d’où sont absentes les subventions contestées. Le fait que le Groupe spécial a peut-être examiné certains des mêmes facteurs ou certains facteurs similaires dans son raisonnement au sujet de l’empêchement de hausses de prix dans une mesure notable et dans son raisonnement au sujet des “effets” n’est donc pas nécessairement erroné.


O.2.10 États-Unis — Coton upland,
paragraphe 628     haut de page
(WT/DS267/AB/R)

Avant d’aller plus loin, nous abordons l’ordre suivi par le Groupe spécial dans son analyse des allégations du Brésil à l’encontre des programmes de garantie du crédit à l’exportation des États-Unis. Nous ne constatons pas que l’ordre d’analyse du Groupe spécial était faux ni qu’il constituait une erreur de droit. Les États-Unis n’ont d’ailleurs pas formulé une telle allégation en appel. Néanmoins, nous sommes frappés par le fait que le Groupe spécial n’a examiné l’article 10:2 qu’à la fin de son analyse, alors que cette disposition constituait l’élément central du moyen de défense des États-Unis selon lequel, actuellement, les disciplines de l’Accord sur l’agriculture ne s’appliquaient pas du tout aux garanties de crédit à l’exportation.


O.2.11 États-Unis — Jeux,
paragraphe 292     haut de page
(WT/DS285/AB/R)

L’article XIV de l’AGCS, comme l’article XX du GATT de 1994, prévoit une “analyse en deux étapes” d’une mesure qu’un Membre cherche à justifier au titre de cette disposition. Un groupe spécial devrait d’abord déterminer si la mesure contestée relève du champ d’application de l’un des paragraphes de l’article XIV. Il faut pour cela que la mesure contestée traite l’intérêt particulier spécifié dans ce paragraphe et qu’il existe un lien suffisant entre la mesure et l’intérêt protégé. Le lien requis — ou “degré de connexion” — entre la mesure et l’intérêt est spécifié dans le libellé des paragraphes eux-mêmes, avec l’emploi de termes tels que “se rapportant à” et “nécessaires à”. Lorsqu’il a été constaté que la mesure contestée relevait de l’un des paragraphes de l’article XIV, un groupe spécial devrait alors examiner si la mesure satisfait aux prescriptions du texte introductif de l’article XIV.

 

99. Nous notons que la relation entre l’article 1.1 et la note de bas de page 59 de l’Accord SMC est, par conséquent, différente pour cette raison de la relation entre le texte introductif de l’article XX du GATT de 1994 et les exceptions particulières énumérées aux alinéas a) à j) de cet article. Dans notre rapport sur l’affaire États-Unis — Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes — (“États-Unis — Crevettes”), nous avons fait observer que l’application des critères généraux énoncés dans le texte introductif de l’article XX du GATT de 1994 est rendue très difficile, voire impossible, si l’interprète du Traité n’identifie pas et n’examine pas d’abord l’exception spécifique en cause (WT/DS58/AB/R, adopté le 6 novembre 1998, paragraphe 120).    haut de texte


Les textes reproduits ici n’ont pas le statut juridique des documents originaux conservés par le Secrétariat de l’OMC à Genève.