Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 10

Les questions de droit soulevées dans les procédures de règlement des différends

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10.8 La nature de la législation intérieure en tant qu’objet d’un différend

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La qualification de la législation intérieure, lorsqu’elle devient l’objet du règlement d’un différend, est un aspect intéressant relatif à la distinction entre les questions de droit et les questions de fait. Cette distinction est pertinente, entre autres choses, pour la portée de l’examen en appel.

La législation intérieure est fréquemment en cause dans les différends. L’article XVI:4 de l’Accord sur l’OMC dispose que “[c]haque Membre assurera la conformité de ses lois, réglementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu’elles sont énoncées dans les Accords figurant en annexe”. Ainsi, dans un différend, il est fréquent que la plainte ne porte pas sur la question de savoir si une taxe intérieure imposée par le défendeur sur une cargaison de produits importés, par exemple de la vodka, est compatible avec l’article III:2 du GATT de 1994; par contre, le plaignant conteste directement la loi fiscale intérieure en tant que telle en faisant valoir qu’elle est incompatible avec l’article III:2 du GATT de 1994 lorsque différentes taxes intérieures sont imposées par ladite loi sur deux sortes différentes de produits “similaires”, comme le shochu et la vodka. En d’autres termes, la plainte visera l’existence de la loi plutôt que son application particulière. En pareil cas, plusieurs questions relatives à la législation intérieure doivent être examinées avant que la question de sa conformité aux règles de l’OMC ne puisse être tranchée.

La plus importante de ces questions est probablement celle de savoir si la législation intérieure en cause est impérative ou dispositive lorsqu’elle prévoit une mesure qui contrevient au droit de l’OMC. Comme on l’a déjà vu, les Membres peuvent contester avec succès des lois en tant que telles (c’est-à-dire l’existence de la loi elle-même) uniquement si ces lois sont impératives. Cependant, on ne sait pas toujours très bien si telle loi intérieure est impérative ou dispositive pour ce qui est des mesures incompatibles avec les règles de l’OMC. La question pourrait dépendre d’une foule de facteurs comme le cadre juridique interne, la manière dont la loi en question opère conjointement avec d’autres dispositions juridiques internes, les relations entre les différentes branches du gouvernement, et la façon dont les autorités et les tribunaux interprètent la législation intérieure. Un groupe spécial devrait alors formuler, à la lumière de ces facteurs, une détermination sur la question de savoir si la loi est impérative ou dispositive au sens de l’OMC. En droit interne, une telle détermination constituerait certainement une question de droit. Cependant, est-ce également le cas dans le cadre du règlement des différends de l’OMC? Dans l’affirmative, l’évaluation par le groupe spécial de la question de savoir si la loi intérieure est ou non impérative serait susceptible d’être examinée en appel. En revanche, s’il s’agit d’une question de fait, elle ne le serait pas. Il existe d’autres questions se rapportant à la nature, au contenu et à la structure des lois ou mesures internes contestées qui soulèvent la même interrogation: s’agit-il d’une question de droit ou d’une question de fait au regard du droit de l’OMC? L’Organe d’appel a eu l’occasion de s’exprimer sur la question de savoir comment qualifier, aux fins du droit de l’OMC, les législations intérieures.

Dans l’affaire Inde — Brevets (États-Unis), par exemple, l’Organe d’appel a insisté sur le fait que le groupe spécial avait pour tâche de déterminer si les “instructions administratives” de l’Inde étaient conformes à ses obligations de l’Inde au regard de l’Accord sur les ADPIC. À cette fin, le groupe spécial était habilité à chercher à bien comprendre l’application des dispositions de la législation intérieure en question, et était même tenu de le faire. De là, l’Organe d’appel a conclu qu’il devait également étudier l’examen de cette législation intérieure de l’Inde effectué par le Groupe spécial.1 Dans l’affaire États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, l’Organe d’appel, se fondant sur sa propre jurisprudence, a conclu ce qui suit: “la législation nationale des Membres de l’OMC peut non seulement démontrer l’existence de faits, mais elle peut aussi montrer le respect ou le non-respect d’obligations internationales. . Un tel examen constitue une qualification juridique par un groupe spécial. Et, par conséquent, l’examen par un groupe spécial d’une législation nationale afin d’en déterminer la compatibilité avec les obligations dans le cadre de l’OMC est susceptible d’un examen en appel au titre de l’article 17:6 du Mémorandum d’accord”.2

À l’inverse, dans l’affaire États-Unis — Article 301, Loi sur le commerce extérieur, le groupe spécial a indiqué qu’il lui était “demandé d’arrêter le sens des articles 301 à 310 en tant qu’éléments de fait et de vérifier si ces éléments de fait constitu[ai]ent, de la part des États-Unis, un comportement contraire à leurs obligations au regard de l’OMC”.3 Selon cette approche, il semblerait que l’établissement de ces éléments de fait par le groupe spécial ne soit pas une question de droit susceptible d’un examen en appel.

 

Notes:

1. Rapport de l’Organe d’appel Inde — Brevets (États-Unis), paragraphes 66 et 68. retour au texte

2. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 105. retour au texte

3. Rapport du Groupe spécial États-Unis — Article 301, Loi sur le commerce extérieur, paragraphe 7.18 (pas d’italique dans l’original). retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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