MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 7

L’effet juridique des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’Appel et des recommandations et décisions de l’ORD

Les chapitres précédents expliquaient les différentes procédures prescrites dans le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Les chapitres qui viennent maintenant traiteront de questions spécifiques offrant de l’intérêt. Le présent chapitre examine l’effet juridique des décisions rendues par les groupes spéciaux, l’Organe d’appel et l’ORD.

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7.1 Les effets juridiques dans le cadre d’un différend particulier

Les recommandations et décisions de l’ORD

Lorsque l’ORD adopte un rapport de groupe spécial (ou de l’Organe d’appel), les conclusions et recommandations contenues dans ce rapport deviennent contraignantes pour les parties au différend. Le Mémorandum d’accord indique que, lorsque les parties ne peuvent trouver une solution mutuellement convenue, l’objectif premier est normalement d’obtenir le retrait de la mesure dont il est constaté qu’elle est incompatible avec les dispositions de l’Accord sur l’OMC (article 3:7 du Mémorandum d’accord). Dans une plainte pour violation ayant abouti, le groupe spécial (ou l’Organe d’appel) a constaté une incompatibilité avec les dispositions de l’Accord sur l’OMC et a formulé cette constatation dans ses conclusions. Le groupe spécial (ou l’Organe d’appel) conclut alors en recommandant que le Membre concerné rende sa mesure conforme au droit de l’OMC (article 19:1 du Mémorandum d’accord). L’article 21:1 du Mémorandum d’accord ajoute que pour que les différends soient résolus efficacement, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l’ORD.

Le Mémorandum d’accord précise clairement que la compensation et la suspension de concessions (contre-mesures) ne sont que des mesures temporaires ne permettant pas de résoudre le différend (articles 3:721:6 et 22:1 du Mémorandum d’accord). La seule mesure corrective permanente consiste, pour la partie perdante, à “rendre sa mesure conforme” aux accords pertinents visés, comme le prévoit l’article 19 du Mémorandum d’accord. En outre, pour les raisons indiquées ci-après, le terme “recommandation” qui figure à l’article 19:1 et l’expression “recommandation et décision” ne devraient pas être interprétés comme donnant à la partie le pouvoir discrétionnaire de décider s’il y a lieu ou non de suivre la recommandation.

Premièrement, il n’est pas inutile de rappeler que les groupes spéciaux et l’Organe d’appel appliquent simplement le droit de l’OMC contenu dans les accords visés. Ils ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les Accords de l’OMC (articles 3:2 et 19:2 du Mémorandum d’accord). Une conclusion d’un groupe spécial ou de l’Organe d’appel selon laquelle une certaine mesure est incompatible avec le droit de l’OMC ne fait donc que refléter et énoncer la situation juridique procédant de l’Accord sur l’OMC, indépendamment de la décision qui règle le différend. Du fait qu’elles constituent des obligations juridiquement contraignantes auxquelles tous les Membres sont tenus de se conformer1, les dispositions des accords visés comportent déjà l’obligation de s’abstenir de toute action incompatible. Par conséquent, le rapport (adopté) d’un groupe spécial ou de l’Organe d’appel fait obligation à la partie perdante de faire cesser l’incompatibilité avec les règles de l’OMC (et vient s’ajouter à l’obligation première de ne pas maintenir, pour commencer, des mesures incompatibles avec les règles de l’OMC).

Deuxièmement, le Mémorandum d’accord indique clairement qu’un Membre qui ne rend pas conforme à l’Accord sur l’OMC sa mesure incompatible avec les règles de l’OMC risque d’avoir à en subir les conséquences: soit il devra offrir une compensation avec l’accord du plaignant, soit il pourra s’exposer à des contre-mesures de rétorsion.

Troisièmement, le Mémorandum d’accord indique expressément qu’en cas de plainte en situation de non-violation ayant abouti, il n’y a pas d’obligation de retirer la mesure compatible avec les règles de l’OMC (article 26:1 b) du Mémorandum d’accord). Cela laisse supposer qu’il existe une telle obligation en cas de plainte pour violation ayant abouti.

Pour les raisons susmentionnées, on peut dire que la recommandation figurant dans un rapport de groupe spécial (ou de l’Organe d’appel) adopté — si ce rapport conclut à l’existence d’une violation des règles de l’OMC — qui vise à ce que le défendeur mette sa mesure en conformité avec l’Accord sur l’OMC a force obligatoire pour le défendeur.

La situation est différente pour les plaintes en situation de non-violation. Le rapport de groupe spécial (ou de l’Organe d’appel) adopté est également contraignant pour ce qui est de sa conclusion sur le point de savoir si un avantage résultant pour le plaignant d’un accord visé s’est trouvé annulé ou compromis. Cependant, le Mémorandum d’accord indique expressément qu’il n’y a pas d’obligation de retirer la mesure compatible avec les règles de l’OMC qui a eu pour effet d’annuler ou de compromettre un avantage. Le groupe spécial ou l’Organe d’appel recommande donc simplement que les parties trouvent un ajustement mutuellement satisfaisant (article 26:1 b) du Mémorandum d’accord).

Un rapport de groupe spécial (ou de l’Organe d’appel) adopté est aussi contraignant pour le plaignant. Cela vaut en particulier pour les cas où celui-ci n’a pas gain de cause concernant toutes ses allégations de violation ou d’annulation ou de réduction d’avantages en situation de non-violation. L’article 23:2 a) du Mémorandum d’accord interdit au plaignant de déterminer de manière unilatérale qu’il y a eu violation de l’Accord sur l’OMC ou que des avantages ont été annulés ou compromis, si cela n’est pas conforme aux constatations contenues dans le rapport du groupe spécial ou de l’Organe d’appel adopté par l’ORD.

 

Les obligations en cas de “violation à l’échelon régional ou local”  haut de page

Une restriction à ce qui vient d’être dit s’applique lorsqu’une plainte pour violation ayant abouti porte sur une mesure prise par des gouvernements ou administrations régionaux ou locaux sur le territoire d’un Membre. Pareilles mesures sont imputables au Membre en question et peuvent faire l’objet d’un différend. La différence entre ces mesures et celles adoptées par les autorités relevant du gouvernement central de ce membre est que le gouvernement central, qui représente le Membre à l’OMC (y compris dans les procédures de règlement des différends), pourrait ne pas être à même d’obtenir le retrait de la mesure. Le droit interne de ce membre, par exemple la Constitution, pourrait limiter les pouvoirs du gouvernement central vis-à-vis des autorités régionales ou locales. Cela peut être le cas, par exemple, dans les États fédéraux, où le gouvernement central n’est pas toujours habilité à intervenir en ce qui concerne les actes législatifs ou administratifs émanant des gouvernements régionaux ou locaux.

En conséquence, le Membre responsable a pour seule obligation, en ce qui concerne la mise en œuvre, de prendre toutes mesures raisonnables en son pouvoir pour faire en sorte que le droit de l’OMC soit observé (article 22:9 du Mémorandum d’accord). L’article XXIV:12 du GATT de 1994 contient un libellé identique. Il s’agit d’une exception spécifique et limitée au principe selon lequel les sujets de droit international sont responsables des activités de toutes les branches du pouvoir au sein de leurs appareils gouvernementaux, y compris toutes les autorités régionales ou autres subdivisions du gouvernement.

La restriction prévue à l’article 22:9 ne devrait pas être généralisée ni étendue à d’autres autorités d’un Membre jouissant d’un certain degré d’indépendance, par exemple un pouvoir judiciaire indépendant. Même si un gouvernement est dans l’incapacité de remédier à une violation des règles de l’OMC du fait que cette dernière a été commise par un organe judiciaire indépendant, le Membre en question est pleinement responsable de cette violation dans le cadre du système de règlement des différends de l’OMC. Un principe général du droit international veut qu’il ne soit pas possible d’invoquer le droit interne pour justifier un manquement à ses obligations internationales.

L’article 22:9 limite les obligations d’un Membre en matière de mise en œuvre seulement pour ce qui est de la mise en conformité avec l’Accord sur l’OMC (moyennant le retrait de la mesure incompatible). Dans le cas où le Membre concerné n’a pas été en mesure d’obtenir que l’Accord sur l’OMC soit observé sur son territoire, les dispositions relatives au règlement des différends qui concernent la compensation et la suspension d’obligations sont pleinement d’application (article 22:9 du Mémorandum d’accord).

 

Notes:

1. L’Accord sur l’OMC contient naturellement aussi des obligations qui ont un caractère moins contraignant. Toutefois, les règles de l’OMC en cause dans les différends portant sur une violation ont pleinement force obligatoire. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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