MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 6

Le processus — Étapes d’une affaire type de règlement des différends

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6.7 mise en œuvre par le Membre “perdant”

Avec l’adoption du rapport du groupe spécial (et du rapport de l’Organe d’appel) par l’ORD, on a maintenant une “recommandation et une décision” de l’ORD adressées à la partie perdante afin (dans le cas d’une plainte pour violation ayant abouti) qu’elle se conforme au droit de l’OMC ou (dans le cas d’une plainte en situation de non-violation ayant abouti) qu’elle procède à un ajustement mutuellement satisfaisant.

L’article 3:7 du Mémorandum d’accord dispose qu’en l’absence d’une solution mutuellement convenue, le mécanisme de règlement des différends a habituellement pour objectif premier d’obtenir le retrait des mesures en cause s’il est constaté qu’elles sont incompatibles avec le droit de l’OMC. L’article 21:1 du Mémorandum d’accord ajoute que pour que les différends soient résolus efficacement, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l’ORD.

L’ORD est l’organe de l’OMC chargé de surveiller la mise en œuvre des rapports de groupes spéciaux et de l’Organe d’appel (article 2 du Mémorandum d’accord). Comme lors des étapes précédentes de la procédure de règlement des différends, ce sont les Membres de l’OMC, dont les représentants composent l’ORD, qui doivent prendre l’initiative d’inscrire des points à l’ordre du jour des réunions de l’ORD (et non le Secrétariat de l’OMC).

 

Intentions au sujet de la mise en œuvre  haut de page

Le premier devoir du Membre “perdant” est d’informer l’ORD, à une réunion qui se tiendra dans les 30 jours suivant la date d’adoption du ou des rapports, de ses intentions au sujet de la mise en œuvre des recommandations et décisions de l’ORD (article 21:3 du Mémorandum d’accord).

 

Délai de mise en œuvre  haut de page

C’est habituellement à la même réunion que le Membre concerné dit s’il est en mesure ou non de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions. S’il ne lui est pas possible de s’y conformer immédiatement, il a un délai raisonnable pour le faire (article 21:3 du Mémorandum d’accord). Il est donc clair que ce délai n’est pas imparti sans condition, mais seulement s’il est irréalisable de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions.1 Dans la pratique, les Membres de l’OMC prétendent très souvent qu’ils ne peuvent pas se conformer immédiatement aux recommandations et décisions de l’ORD. Il est également vrai que le Membre concerné est fréquemment tenu de modifier sa législation intérieure pour procéder à la mise en œuvre. Lorsque des modifications législatives sont nécessaires, il faut du temps.

Le délai raisonnable ne devrait pas être considéré comme un laps de temps au cours duquel le Membre de l’OMC concerné agit conformément à ses obligations au titre de l’Accord sur l’OMC (en partant de l’hypothèse d’une plainte pour violation ayant abouti2). On a déjà établi dans le rapport adopté du groupe spécial (et dans celui de l’Organe d’appel) que ce n’est pas le cas. Le délai raisonnable est plutôt une période de grâce accordée au Membre concerné pour mettre ses mesures en conformité, pendant laquelle il continue d’appliquer des mesures incompatibles avec l’OMC.3 Pendant cette période, le Membre concerné ne subit pas (encore) les conséquences prévues par le Mémorandum d’accord en cas d’absence de mise en œuvre (c’est-à-dire la nécessité d’offrir une compensation ou d’être frappé de mesures de rétorsion).

Il convient aussi de noter que le délai raisonnable prévu à l’article 21:3 du Mémorandum d’accord ne s’applique pas dans tous les cas. Dans le cas des subventions prohibées, le groupe spécial doit, conformément à l’article 4.7 de l’Accord SMC, “recommand[er] que le Membre qui accorde la subvention la retire sans retard” et doit spécifier le délai dans lequel la mesure doit être retirée.4

Pour ce qui est de déterminer le délai raisonnable, qui démarre le jour de l’adoption du ou des rapports, l’article 21:3 prévoit trois méthodes différentes. Ce délai peut être: i) proposé par le Membre concerné et approuvé par consensus5 par l’ORD; ii) mutuellement convenu par les parties au différend dans les 45 jours suivant la date d’adoption du ou des rapports; ou iii) déterminé par arbitrage.

La première méthode, à savoir l’approbation par l’ORD, n’a jamais été utilisée à ce jour. L’ORD a toutefois, à certaines occasions, approuvé la demande formulée par le Membre concerné de proroger un délai raisonnable qui avait été déterminé au préalable par arbitrage.6

Dans les cas où l’ORD n’approuve pas la proposition d’un Membre et où les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur un délai raisonnable, les parties peuvent avoir recours à un arbitrage en vertu de l’article 21:3 c) du Mémorandum d’accord. Cette procédure est engagée lorsqu’une partie fait une demande d’arbitrage, qu’elle communique au président de l’ORD.7 Bien que l’arbitre puisse être une personne ou un groupe de personnes8, tous les arbitres agissant en vertu de l’article 21:3 c) du Mémorandum d’accord à ce jour étaient des membres en exercice ou d’anciens membres de l’Organe d’appel. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le choix d’un arbitre dans un délai de dix jours après que la question a été soumise à arbitrage, le Directeur général désigne l’arbitre dans les dix jours après avoir consulté les parties (note de bas de page 12 relative à l’article 21 du Mémorandum d’accord).

L’arbitre devrait partir du principe que le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations du groupe spécial ou de l’Organe d’appel ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d’adoption du ou des rapports. Toutefois, ce délai peut être plus court ou plus long, en fonction des circonstances (article 21:3 c) du Mémorandum d’accord). Le délai de 15 mois est un “principe” et non un délai moyen ou type. Ce principe est également conçu dans le Mémorandum d’accord comme un délai maximum sous réserve des “circonstances”.9 Reconnaissant le principe qui consiste à “donner suite dans les moindres délais” aux décisions et recommandations, plusieurs arbitres ont soutenu que “le délai raisonnable, déterminé conformément à l’article 21:3 c), devrait être le délai le plus court possible dans le cadre du système juridique du Membre pour mettre en ouvre les recommandations et décisions de l’ORD”.10 Cela ne revient pas à conférer un avantage à ceux des Membres qui sont dotés de procédures législatives et décisionnelles internes lentes et contraignantes, mais à donner au Membre concerné le temps dont il a réellement besoin dans le cadre de ses procédures normales, en l’incitant à faire preuve de toute la souplesse possible11, mais sans exiger de lui qu’il “utilise une procédure législative extraordinaire”.12

C’est au Membre mettant en ouvre qu’incombe la charge de démontrer que la durée de n’importe quelle période de mise en œuvre proposée constitue un “délai raisonnable”, et cette charge sera d’autant plus lourde que la période de mise en œuvre proposée sera plus longue.13 Il n’entre pas dans le mandat de l’arbitre en vertu de l’article 21:3 c) du Mémorandum d’accord de suggérer des moyens de mise en œuvre ni d’évaluer si la mesure proposée par le Membre concerné assure la mise en conformité avec le droit de l’OMC. S’il existe plusieurs manières de procéder à la mise en conformité, le Membre concerné a la faculté de choisir parmi ces options. La question de savoir si l’option choisie assure une totale conformité doit être tranchée conformément à la procédure de l’article 21:5 du Mémorandum d’accord.14 Pour ces raisons, les arbitres déterminent le “délai raisonnable” sur la base de la proposition du Membre concerné.15

Les délais raisonnables impartis par les arbitres à ce jour vont de six à 15 mois. Ceux qui ont été convenus entre les parties vont de quatre à 18 mois.

S’agissant des plaintes en situation de non-violation, l’article 26:1 c) du Mémorandum d’accord dispose que l’arbitre agissant en vertu de l’article 21:3 c) “peut, à la demande de l’une ou l’autre des parties, inclure une détermination du niveau des avantages qui ont été annulés ou compromis, et des suggestions concernant les moyens d’arriver à un ajustement mutuellement satisfaisant; ces suggestions ne seront pas contraignantes pour les parties au différend”.

L’article 21:3 c) du Mémorandum d’accord prévoit que la décision arbitrale doit être remise dans les 90 jours suivant l’adoption du groupe spécial (et de celui de l’Organe d’appel) mais ce délai est presque toujours trop court, du fait également que la demande d’arbitrage est souvent formulée tardivement.16 Ainsi, les parties sont le plus souvent convenues de proroger ce délai. Par ailleurs, elles peuvent demander à l’arbitre de suspendre la procédure ou retirer la demande d’arbitrage en vue de trouver une solution mutuellement convenue sur la question de la mise en œuvre.17

 

Notes:

1. Voir la décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Brevets pharmaceutiques, paragraphe 45. retour au texte

2. Dans le cas d’une plainte en situation de non-violation ayant abouti, le Membre concerné est en conformité avec le droit de l’OMC, mais il annule ou compromet des avantages conférés au plaignant. retour au texte

3. Ou d’annuler ou compromettre des avantages conférés à un autre Membre, dans le cas d’une plainte en situation de non-violation. retour au texte

4. Conformément à l’article 26:2 du Mémorandum d’accord, l’article 21:3 du Mémorandum d’accord ne s’appliquerait pas non plus dans le cas d’une plainte motivée par une autre situation. De l’avis de certains Membres et experts du droit commercial, l’article 8:2 et 8:3 de l’Accord sur les sauvegardes prévoit aussi une procédure s’écartant en partie de l’article 21:3 du Mémorandum d’accord et court-circuitant ainsi le délai raisonnable. retour au texte

5. Article 2:4 du Mémorandum d’accord. retour au texte

6. États-Unis — FSC, WT/DS108/11, 2 octobre 2000;  États-Unis — Article 110 5), Loi sur le droit d’auteur, WT/DS160/14, 18 juillet 2001; et États-Unis — Loi de 1916, WT/DS136/13, 18 juillet 2001. retour au texte

7. Voir, par exemple, la demande d’arbitrage de la Corée dans l’affaire États-Unis — Tubes et tuyaux de canalisation, WT/DS202/14, 2 mai 2002. retour au texte

8. Note de bas de page 13 relative à l’article 21 du Mémorandum d’accord. retour au texte

9. Décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Brevets pour les produits pharmaceutiques, paragraphe 45. retour au texte

10. Décision de l’arbitre dans l’affaire CE — Hormones, paragraphe 26, citée avec approbation dans la décision de l’arbitre dans l’affaire Indonésie — Automobiles, paragraphe 26, décision de l’arbitre dans l’affaire Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 37, décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Brevets pharmaceutiques, paragraphe 47, décision de l’arbitre dans l’affaire États-Unis — Loi de 1916, paragraphe 32. retour au texte

11. Voir la décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Automobiles, paragraphe 47; la décision de l’arbitre dans l’affaire États-Unis — Article 110 5), Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 39; la décision de l’arbitre dans l’affaire États-Unis — Loi de 1916, paragraphe 39; la décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Durée d’un brevet, paragraphe 64; la décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Brevets pour les produits pharmaceutiques, paragraphe. 63. retour au texte

12. Décision de l’arbitre dans l’affaire Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 42. retour au texte

13. Décision de l’arbitre dans ll’affaire Canada — Brevets pour les produits pharmaceutiques, paragraphe 47; cité avec approbation dans la décision de l’arbitre dans l’affaire États-Unis — Loi de 1916, paragraphe 32. retour au texte

14. Décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Brevets pour les produits pharmaceutiques, paragraphe 42. retour au texte

15. Décision de l’arbitre dans l’affaire Canada — Brevets pour les produits pharmaceutiques, paragraphe 43. retour au texte

16. En outre, ces arbitrages ont évolué, passant d’une détermination peu motivée du délai longue d’un paragraphe dans la première décision (Décision de l’arbitre dans l’affaire Japon — Boissons alcooliques II, paragraphe 27) à des examens juridiques complets et à un raisonnement détaillé dans les décisions plus récentes, ce qui exige des délais plus longs pour les débats, la rédaction et la traduction. retour au texte

17. Décision de l’arbitre dans l’affaire États-Unis — Tubes et tuyaux de canalisation, paragraphes 6 à 9. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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