Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 1

Introduction au système de règlement des différends de l’OMC

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1.3 Les fonctions, objectifs et principaux traits du système de règlement des différends

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Clarifier les droits et les obligations par l’interprétation

La portée exacte des droits et des obligations énoncés dans l’Accord sur l’OMC n’est pas toujours évidente à la seule lecture des textes juridiques. Les dispositions juridiques sont souvent rédigées en termes généraux pour être d’application générale et englober une multitude de cas individuels, qui ne peuvent pas tous être expressément réglementés. Il n’est donc pas toujours facile de répondre à la question de savoir si l’existence d’un certain ensemble de faits entraîne une violation d’une prescription juridique figurant dans une disposition donnée. Dans la plupart des cas, on ne peut répondre qu’après avoir interprété les termes juridiques qui se trouvent dans la disposition en question.

De plus, les dispositions juridiques figurant dans les accords internationaux manquent souvent de clarté car il s’agit de formules de compromis résultant de négociations multilatérales. Les divers participants au processus de négociation rapprochent souvent leurs positions divergentes en convenant d’un texte pouvant être compris de plus d’une façon afin de satisfaire aux exigences de différents intervenants nationaux. Ainsi, les négociateurs peuvent avoir des lectures différentes, voire contradictoires, d’une disposition donnée.

C’est pourquoi, comme dans tout cadre juridique, les cas individuels exigent souvent une interprétation des dispositions pertinentes. On pourrait penser que les procédures de règlement des différends de l’OMC ne peuvent pas donner lieu à une telle interprétation dans la mesure où l’article IX:2 de l’Accord sur l’OMC dispose que la Conférence ministérielle et le Conseil général de l’OMC ont “le pouvoir exclusif d’adopter des interprétations” dudit accord. Or, le Mémorandum d’accord dispose expressément que le système de règlement des différends a pour objet de clarifier les dispositions de l’Accord sur l’OMC “conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public” (article 3:2 du Mémorandum d’accord).

Le Mémorandum d’accord reconnaît donc la nécessité de clarifier les règles de l’OMC et prescrit que cette clarification doit s’effectuer conformément aux règles coutumières d’interprétation. En outre, l’article 17:6 du Mémorandum d’accord reconnaît implicitement que les groupes spéciaux peuvent élaborer des interprétations du droit. Le “pouvoir exclusif” mentionné à l’article IX:2 de l’Accord sur l’OMC doit donc être compris comme la possibilité d’adopter des interprétations “faisant autorité” généralement valables pour l’ensemble des Membres de l’OMC — à l’inverse des interprétations des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, qui ne s’appliquent qu’aux parties et à l’objet d’un différend particulier. En conséquence, le mandat prescrit par le Mémorandum d’accord de clarifier les règles de l’OMC est sans préjudice des droits des Membres de demander des interprétations faisant autorité au titre de l’article IX:2 de l’Accord sur l’OMC (article 3:9 du Mémorandum d’accord).

Pour ce qui est des méthodes d’interprétation, le Mémorandum d’accord mentionne les “règles coutumières d’interprétation du droit international public” (article 3:2 du Mémorandum d’accord). Si le droit international coutumier est normalement non écrit, il existe une convention internationale qui a codifié certaines de ces règles coutumières d’interprétation des traités. Plus particulièrement, les articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités renferment bon nombre des règles coutumières d’interprétation du droit international public. Bien que la référence contenue dans l’article 3:2 du Mémorandum d’accord ne renvoie pas directement à ces articles, l’Organe d’appel a décidé qu’ils pouvaient servir de point de référence pour déterminer les règles coutumières applicables.1 Les trois articles disposent ce qui suit:

Article 31
Règle générale d’interprétation haut de page
 

1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
 

2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus:
 

    1. tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité;
       
    2. tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.
       

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte:
 

    1. de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions;
       
    2. de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité;
       
    3. de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
       

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties.

Article 32
Moyens complémentaires d’interprétation haut de page
 

Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31:
 

    1. laisse le sens ambigu ou obscur; ou
       
    2. conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.
       
Article 33
Interprétation de traités authentifiés en deux ou plusieurs langues haut de page
 

1. Lorsqu’un traité a été authentifié en deux ou plusieurs langues, son texte fait foi dans chacune de ces langues, à moins que le traité ne dispose ou que les parties ne conviennent qu’en cas de divergence un texte déterminé l’emportera.
 

2. Une version du traité dans une langue autre que l’une de celles dans lesquelles le texte a été authentifié ne sera considérée comme texte authentique que si le traité le prévoit ou si les parties en sont convenues.
 

3. Les termes d’un traité sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques.
 

4. Sauf le cas où un texte déterminé l’emporte conformément au paragraphe 1, lorsque la comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens que l’application des articles 31 et 32 ne permet pas d’éliminer, on adoptera le sens qui, compte tenu de l’objet et du but du traité, concilie le mieux ces textes.

Il ressort de ces articles sur l’interprétation des traités que l’Accord sur l’OMC doit être interprété suivant le sens ordinaire à attribuer aux mots figurant dans la disposition pertinente, dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but de l’accord. Le sens ordinaire d’un terme figurant dans une disposition doit être déterminé sur la base du texte même. Les définitions que l’on trouve de ce terme dans le dictionnaire peuvent être utiles à cet effet. Par “contexte”, on entend le type de conclusions pouvant être tirées compte tenu, par exemple, de la structure, du contenu ou de la terminologie d’autres dispositions figurant dans le même accord, en particulier celles qui précédent et suivent la règle à interpréter. Par l’“objet et le but”, on entend l’objectif explicite ou implicite de la règle en question ou de l’accord dans son ensemble.

Dans la pratique, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel semblent s’appuyer davantage sur le sens ordinaire et sur le contexte que sur l’objet et le but des dispositions à interpréter. L’historique de la négociation de l’accord n’est qu’un outil d’interprétation subsidiaire (article 32 de la Convention de Vienne) auquel on ne doit recourir que pour confirmer l’interprétation suivant le sens ordinaire, le contexte et l’objet et le but ou si le résultat de l’interprétation est ambigu, obscur, manifestement absurde ou déraisonnable. L’un des corollaires des règles d’interprétation est que l’on doit donner sens et effet à tous les termes d’un accord, plutôt que d’en rendre des pans entiers redondants ou inutiles.2 Inversement, le processus d’interprétation n’autorise pas à imputer à un accord des termes qu’il ne contient pas.3 Pour ce qui est de l’article 33 de la Convention de Vienne, l’Accord sur l’OMC fait foi en anglais, espagnol et français.

 

Notes:

1. Rapport de l’Organe d’appel, Etats-Unis — Essence, page 18; rapport de l’Organe d’appel Japon — Boissons alcooliques II, page 12. retour au texte

2. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Essence, page 28. retour au texte

3. Rapport de l’Organe d’appel CE — Matériels informatiques, paragraphe 83. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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