Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 4

Le fondement juridique d’un différend

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4.2 Les types de plaintes et les allégations prescrites dans le GATT de 1994

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Les articles XXII et XXIII du GATT de 1994 contiennent tous les deux des “dispositions en matière de consultations et de règlement des différends”. Toutefois, c’est l’article XXIII:1 a) à c) qui énonce les circonstances particulières dans lesquelles un Membre de l’OMC est habilité à demander réparation. L’article XXIII:2 précisait à l’origine la forme que cette réparation pouvait prendre mais les conséquences d’un recours au système de règlement des différends pour la partie ayant gain de cause sont aujourd’hui énoncées de manière plus détaillée dans le Mémorandum d’accord. L’article XXIII du GATT de 1994 reste donc important surtout parce qu’il précise au paragraphe 1 les conditions dans lesquelles un Membre peut recourir au système de règlement des différends. L’article XXIII:1 du GATT de 1994 dispose ce qui suit:

“Protection des concessions et des avantages
 

1. Dans le cas où une partie contractante considérerait qu’un avantage résultant pour elle directement ou indirectement du présent Accord se trouve annulé ou compromis, ou que la réalisation de l’un des objectifs de l’Accord est entravée du fait

  1. qu’une autre partie contractante ne remplit pas les obligations qu’elle a contractées aux termes du présent Accord;
      
  2. ou qu’une autre partie contractante applique une mesure, contraire ou non aux dispositions du présent Accord;
      
  3. ou qu’il existe une autre situation,
      

ladite partie contractante pourra, en vue d’arriver à un règlement satisfaisant de la question, faire des représentations ou des propositions écrites à l’autre ou aux autres parties contractantes qui, à son avis, seraient en cause. Toute partie contractante ainsi sollicitée examinera avec compréhension les représentations ou propositions qui lui auront été faites.”

 

Les différents types de plaintes prévus à l’article XXIII:1 du GATT de 1994  haut de page

Aux alinéas a), b) et c), l’article XXIII:1 prévoit trois options différentes (à savoir a) “ou” b) “ou” c)) qu’un plaignant peut invoquer. Cela dit, le paragraphe introductif de l’article XXIII:1 pose comme condition qu’un Membre doit “considér[er] qu’un avantage résultant pour [lui] directement ou indirectement du présent Accord se trouve annulé ou compromis, ou que la réalisation de l’un des objectifs de l’Accord est entravée” et ce, à cause de l’un des cas de figure mentionnés aux alinéas a), b) et c).

Le premier type de plainte, et de loin le plus courant, est ce que l’on appelle la “plainte pour violation” relevant de l’article XXIII:1 a) du GATT de 1994. Elle suppose “qu’un avantage se trouve annulé ou compromis” du fait “qu’[un autre Membre] ne remplit pas les obligations [qu’il] a contractées” aux termes du GATT de 1994, ce qui est simplement une autre manière de dire qu’il y a une incompatibilité juridique avec le GATT de 1994 ou une violation de cet accord. Un avantage doit aussi être “annulé ou compromis” du fait de l’incompatibilité juridique alléguée.

Le deuxième type de plainte est ce que l’on appelle la “plainte en situation de non-violation” relevant de l’article XXIII:1 b) du GATT de 1994. Elle peut être utilisée pour contester toute mesure appliquée par un autre Membre, même si elle n’est pas incompatible avec le GATT de 1994, à la condition qu’elle se traduise par le fait “qu’un avantage se trouve annulé ou compromis”. Quelques plaintes de ce type ont été déposées en vertu du GATT de 1947 et dans le cadre de l’OMC.

Le troisième type de plainte est ce que l’on appelle la “plainte motivée par une autre situation” relevant de l’article XXIII:1 c) du GATT de 1994. Au sens littéral, elle pourrait viser n’importe quelle situation du moment qu’un avantage se trouve “annulé ou compromis”. Or, bien que quelques plaintes de ce genre aient été déposées dans le cadre de l’ancien GATT, aucune n’a jamais donné lieu à un rapport de groupe spécial. Aucun plaignant ne s’est prévalu à ce jour de l’article XXIII:1 c) du GATT de 1994 à l’OMC.

Du fait de l’admissibilité des plaintes “en situation de non-violation” et des plaintes “motivées par une autre situation”, la portée du système de règlement des différends de l’OMC est plus vaste que celle des autres systèmes internationaux de règlement des différends qui se bornent à connaître des violations des accords. Dans le même temps, le système de règlement des différends de l’OMC est plus étroit que ces autres systèmes dans la mesure où la violation doit également entraîner une annulation ou une réduction d’avantages (ou éventuellement aboutir à ce que la réalisation d’un objectif soit entravée). Cette particularité du système de règlement des différends commerciaux internationaux traduit l’intention de préserver l’équilibre des concessions et des avantages négocié entre les Membres de l’OMC. C’était la pratique suivie dans le cadre du GATT, et le droit de l’OMC dispose désormais qu’une violation d’une disposition de l’Accord sur l’OMC est présumée, sauf preuve du contraire, annuler ou compromettre des avantages commerciaux (article 3:8 du Mémorandum d’accord).

En résumé, le système de règlement des différends de l’OMC prévoit trois types de plaintes: a) les “plaintes pour de violation”, b) les “plaintes en situation de non-violation” et c) les “plaintes motivées par une autre situation”. Les plaintes pour violation sont de loin les plus fréquentes. Seuls quelques recours ont été déposés sur la base d’une allégation d’annulation ou de réduction d’avantages commerciaux en situation de non-violation. Aucune “plainte motivée par une autre situation” n’a jamais donné lieu à l’établissement d’un rapport de groupe spécial ou de l’Organe d’appel sur la base de l’article XXIII:1 c) du GATT de 1994.

 

La plainte pour violation  haut de page

Comme cela a été décrit plus haut, une plainte pour violation aboutit dans les cas où le défendeur ne remplit pas ses obligations aux termes du GATT de 1994 ou des autres accords visés, et où cela a pour effet d’annuler ou de compromettre un avantage résultant pour le plaignant directement ou indirectement de ces accords. S’il peut être établi devant un groupe spécial et l’Organe d’appel que ces deux conditions sont satisfaites, le plaignant “gagnera” le différend.

Dans la pratique, la première de ces deux conditions, à savoir la violation, joue un rôle beaucoup plus important que la deuxième, à savoir l’annulation ou la réduction d’avantages. Cela est dû au fait qu’une annulation ou une réduction d’avantages est “présumée” exister chaque fois que l’existence d’une violation est établie. Cette présomption est apparue dans la jurisprudence du GATT1 et se trouve aujourd’hui codifiée dans l’article 3:8 du Mémorandum d’accord. L’article 3:8 ne vise que les plaintes pour violation (“dans les cas où il y a infraction”). La présomption énoncée dans cet article porte sur l’annulation ou la réduction d’avantages une fois qu’il est établi qu’il y a infraction à une obligation. Elle ne répond pas à la question de savoir si cette violation existe, et elle ne devrait pas être confondue avec cette question.2

La présomption juridique a pour effet de renverser la charge de la preuve. La notion de présomption juridique et le libellé de la dernière phrase de l’article 3:8 du Mémorandum d’accord impliquent que la présomption énoncée dans cet article peut être réfutée. Or, il n’y a pas un seul cas de réfutation ayant abouti dans toute l’histoire du GATT et de l’OMC à ce jour. Les groupes spéciaux du GATT se sont opposés à toutes les tentatives visant à démontrer qu’il n’y avait pas d’effet réel sur le commerce.3 Par exemple, le fait qu’un contingent d’importation n’avait pas été pleinement utilisé n’a pas suffi à prouver l’absence d’annulation ou de réduction d’avantages du fait que les contingents se traduisaient par des coûts de transaction plus élevés et un surcroît d’incertitudes pouvant affecter les plans d’investissement.4 Dans un autre cas, un groupe spécial a rejeté l’allégation selon laquelle la mesure incompatible avec le GATT n’avait pas d’effets sur le commerce ou n’avait que des effets négligeables du fait que la prescription en matière de traitement national du GATT de 1947 ne protégeait pas le volume d’exportations escompté, mais le rapport compétitif escompté entre les produits importés et nationaux.5 L’Organe d’appel a approuvé ce raisonnement.6 Un groupe spécial du GATT est allé jusqu’à observer que la présomption avait, en pratique, été considérée comme irréfutable.7

Dans la pratique suivie pour le règlement des différends à l’OMC, les groupes spéciaux invoquent généralement l’article 3:8 du Mémorandum d’accord (hormis dans les différends soumis au titre de l’AGCS) une fois qu’ils ont conclu que le défendeur a violé une règle d’un accord visé. À moins que le défendeur (cas exceptionnel) ne tente de réfuter la présomption, les groupes spéciaux ne consacrent qu’un bref paragraphe à la fin de leurs rapports à la question de l’annulation ou de la réduction d’avantages. On notera que les types de plaintes soumises en vertu de l’AGCS diffèrent légèrement.

 

Notes:

1. Rapport du Groupe spécial Recours de l’Uruguay à l’article XXIII, paragraphe 15. retour au texte

2. L’Organe d’appel a confirmé cette distinction dans son rapport sur l’affaire États-Unis — Chemises et blouses de laine, page 15. retour au texte

3. Rapport du Groupe spécial Italie — Machines agricoles, paragraphes 21 et 22; le rapport du Groupe spécial Canada — LEIE, paragraphe 6.7. retour au texte

4. Rapport du Groupe spécial Japon — Cuir II (États-Unis) 6, paragraphes 54 à 56. retour au texte

5. Rapport du Groupe spécial États-Unis — Fonds spécial pour l’environnement, paragraphe 5.1.9. retour au texte

6. Rapport de l’Organe d’appel CE — Bananes III, paragraphes 252 et 253. retour au texte

7. Rapport du Groupe spécial États-Unis — Fonds spécial pour l’environnement, paragraphe 5.1.7. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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