RÉPERTOIRE DES RAPPORTS DE L’ORGANE D’APPEL

Exceptions générales: article XIV de l’AGCS

G.4.1 Relation avec l’article XX du GATT de 1994     haut de page

G.4.1.1 États-Unis — Jeux, paragraphe 291
(WT/DS285/AB/R)

L’article XIV de l’AGCS énonce les exceptions générales concernant les obligations découlant de l’Accord de la même manière que l’article XX du GATT de 1994. Ces deux dispositions confirment le droit des Membres de poursuivre les objectifs indiqués dans les paragraphes de ces dispositions même si, ce faisant, ils agissent d’une manière incompatible avec les obligations énoncées dans d’autres dispositions des accords respectifs, sous réserve qu’il soit satisfait à toutes les conditions qui y sont énoncées. Un libellé similaire est utilisé dans les deux dispositions, notamment le terme “nécessaires” et les prescriptions énoncées dans leur texte introductif respectif. En conséquence, comme le Groupe spécial, nous estimons que les décisions antérieures au titre de l’article XX du GATT de 1994 sont pertinentes pour notre analyse au titre de l’article XIV de l’AGCS.

G.4.1.2 États-Unis — Jeux, paragraphe 292
(WT/DS285/AB/R)

L’article XIV de l’AGCS, comme l’article XX du GATT de 1994, prévoit une “analyse en deux étapes” d’une mesure qu’un Membre cherche à justifier au titre de cette disposition. Un groupe spécial devrait d’abord déterminer si la mesure contestée relève du champ d’application de l’un des paragraphes de l’article XIV. Il faut pour cela que la mesure contestée traite l’intérêt particulier spécifié dans ce paragraphe et qu’il existe un lien suffisant entre la mesure et l’intérêt protégé. Le lien requis — ou “degré de connexion” — entre la mesure et l’intérêt est spécifié dans le libellé des paragraphes eux-mêmes, avec l’emploi de termes tels que “se rapportant à” et “nécessaires à”. Lorsqu’il a été constaté que la mesure contestée relevait de l’un des paragraphes de l’article XIV, un groupe spécial devrait alors examiner si la mesure satisfait aux prescriptions du texte introductif de l’article XIV.


G.4.2 Article XIV a) — “moralité publique” et “ordre public”     haut de page

G.4.2.1 États-Unis — Jeux, paragraphe 296
(WT/DS285/AB/R)

Dans son analyse au titre de l’article XIV a), le Groupe spécial a constaté que “l’expression “moralité publique” désign[ait] les normes de bonne ou mauvaise conduite appliquées par une collectivité ou une nation ou en son nom”. Le Groupe spécial a en outre constaté que la définition du terme “ordre”, lue conjointement avec la note de bas de page 5 de l’AGCS, “donn[ait] à penser que l’“ordre public” désign[ait] la préservation des intérêts fondamentaux d’une société, tels qu’ils [étaient] reflétés dans l’intérêt et le droit publics”. Le Groupe spécial a ensuite fait référence aux rapports et témoignages présentés au Congrès établissant que le “gouvernement des États-Unis estim[ait] que [la Loi sur les communications par câble, la Loi sur les déplacements et la Loi sur les jeux illicites] [avaient] été adoptées pour répondre à des préoccupations comme celles qui touch[aient] au blanchiment d’argent, au crime organisé, à la fraude, à la pratique du jeu par les mineurs et au jeu pathologique”. Sur cette base, le Groupe spécial a constaté que les trois lois fédérales étaient “des mesures qui vis[aient] la “protection de la moralité publique” et/ou le “maintien de l’ordre public” au sens de l’article XIV a)”.

G.4.2.2 États-Unis — Jeux, paragraphes 297-298
(WT/DS285/AB/R)

Antigua conteste [la constatation du Groupe spécial au titre de l’article XIV a)] pour un motif assez limité, à savoir que le Groupe spécial n’a pas déterminé si les préoccupations indiquées par les États-Unis satisfaisaient au critère énoncé dans la note de bas de page 5 relative à l’article XIV a) de l’AGCS, qui se lit comme suit:

[l]’exception concernant l’ordre public ne peut être invoquée que dans les cas où une menace véritable et suffisamment grave pèse sur l’un des intérêts fondamentaux de la société.

Nous ne voyons rien qui permette de conclure que le Groupe spécial n’a pas évalué si le critère énoncé dans la note de bas de page 5 avait été rempli. Comme Antigua le reconnaît, le Groupe spécial a expressément fait référence à la note de bas de page 5 d’une manière qui montrait qu’il interprétait la prescription qui y était énoncée comme faisant partie du sens attribué à l’expression “ordre public”. Bien qu’“aucune autre mention” n’ait été faite, dans le rapport du Groupe spécial, de la note de bas de page 5 ou de son texte, ce fait à lui seul n’établit pas que le Groupe spécial n’a pas évalué si les intérêts servis par les trois lois fédérales remplissaient le critère prévu dans la note de bas de page. Ayant défini l’expression “ordre public” comme incluant le critère figurant dans la note de bas de page 5, et ayant ensuite appliqué cette définition aux faits qui lui étaient soumis pour conclure que les mesures “vis[aient] la “protection de la moralité publique” et/ou le “maintien de l’ordre public””, le Groupe spécial n’était pas tenu, en outre, d’établir une détermination explicite et distincte selon laquelle le critère de la note de bas de page 5 avait été rempli.


G.4.3 Article XIV a) — charge de la preuve     haut de page

G.4.3.1 États-Unis — Jeux, paragraphes 309-310
(WT/DS285/AB/R)

Il est largement admis qu’il incombe à une partie défenderesse invoquant un moyen de défense affirmatif de démontrer que sa mesure, jugée incompatible avec les règles de l’OMC, satisfait aux prescriptions liées au moyen de défense invoqué. Dans le contexte de l’article XIV a), cela signifie que la partie défenderesse doit montrer que sa mesure est “nécessaire” pour réaliser les objectifs se rapportant à la moralité publique ou à l’ordre public. À notre avis cependant, il n’incombe pas à la partie défenderesse de montrer, d’emblée, qu’il n’y a pas de mesures de rechange raisonnablement disponibles pour réaliser ses objectifs. En particulier, une partie défenderesse n’a pas besoin d’indiquer l’ensemble des mesures de rechange moins restrictives pour le commerce puis de montrer qu’aucune de ces mesures ne réalise l’objectif souhaité. Les Accords de l’OMC ne prévoient pas une telle charge irréalisable et, en fait, souvent impossible.

Par contre, il incombe à la partie défenderesse d’établir prima facie que sa mesure est “nécessaire” en présentant des éléments de preuve et des arguments qui permettent à un groupe spécial d’évaluer la mesure contestée compte tenu des facteurs pertinents à “soupeser et à mettre en balance” en l’espèce. Ce faisant, la partie défenderesse peut indiquer pourquoi les mesures de rechange ne permettraient pas de réaliser les mêmes objectifs que la mesure contestée, mais elle n’a aucune obligation de le faire pour établir, d’emblée, que sa mesure est “nécessaire”. Si le groupe spécial conclut que le défendeur a établi prima facie que la mesure contestée était “nécessaire” — c’est-à-dire qu’elle “se situ[ait] beaucoup plus près du pôle “indispensable” que du pôle opposé: “favoriser” simplement” — un groupe spécial devrait alors constater que la mesure contestée est “nécessaire” aux termes de l’article XIV a) de l’AGCS.

G.4.3.2 États-Unis — Jeux, paragraphe 311
(WT/DS285/AB/R)

Si, toutefois, la partie plaignante invoque une mesure de rechange compatible avec les règles de l’OMC qu’à son avis la partie défenderesse aurait dû adopter, la partie défenderesse sera tenue de démontrer pourquoi sa mesure contestée reste néanmoins “nécessaire” à la lumière de la mesure de rechange en question ou, autrement dit, pourquoi la mesure de rechange proposée n’est pas, en fait, “raisonnablement disponible”. Si une partie défenderesse démontre que la mesure de rechange n’est pas “raisonnablement disponible”, compte tenu des intérêts ou des valeurs recherchés et du niveau de protection souhaité par la partie, il s’ensuit que la mesure contestée doit être “nécessaire” aux termes de l’article XIV a) de l’AGCS.

G.4.3.3 États-Unis — Jeux, paragraphe 323
(WT/DS285/AB/R)

… une partie défenderesse doit fournir des éléments prima facie établissant que sa mesure contestée est “nécessaire”. Un groupe spécial détermine si ces éléments sont fournis au moyen de l’indication, et du soupesage et de la mise en balance, des facteurs pertinents, comme cela a été fait dans l’affaire Corée — Diverses mesures affectant la viande de bœuf, pour ce qui est de la mesure contestée… .


G.4.4 Article XIV a) — critère de la nécessité — autres mesures raisonnablement disponibles     haut de page

G.4.4.1 États-Unis — Jeux, paragraphe 304
(WT/DS285/AB/R)

… le critère de la “nécessité” prévu dans la disposition concernant les exceptions générales est un critère objectif. Il est certain que la description donnée par un Membre des objectifs d’une mesure et de l’efficacité de son approche réglementaire — comme en témoignent par exemple les textes des lois, l’historique de la législation et les déclarations d’organismes publics ou de fonctionnaires — sera pertinente pour déterminer si la mesure est objectivement “nécessaire”. Toutefois, un groupe spécial n’est pas lié par ces descriptions, et il peut aussi trouver des indications dans la structure et le fonctionnement de la mesure et dans des éléments de preuve contraires présentés par la partie plaignante. En tout état de cause, un groupe spécial doit, sur la base des éléments de preuve versés au dossier, évaluer de façon indépendante et objective la “nécessité” de la mesure dont il est saisi.

G.4.4.2 États-Unis — Jeux, paragraphes 306-308
(WT/DS285/AB/R)

Le processus [consistant à soupeser et à mettre en balance une série de facteurs pour déterminer la “nécessité”] commence par une évaluation de l’“importance relative” des intérêts ou valeurs promus par la mesure contestée. Après avoir évalué l’importance des intérêts particuliers en jeu, un groupe spécial devrait ensuite passer aux autres facteurs qui doivent être “soupesés et mis en balance”. L’Organe d’appel a mis en relief deux facteurs qui, dans la plupart des cas, seront pertinents pour la détermination par un groupe spécial de la “nécessité” d’une mesure, même si celle-ci ne porte pas nécessairement de manière exhaustive sur les facteurs qui pourraient être examinés. Le premier facteur est la contribution de la mesure à la réalisation des objectifs qu’elle poursuit; le second facteur est l’incidence restrictive de la mesure sur le commerce international.

Il faudrait donc procéder à une comparaison entre la mesure contestée et les solutions de rechange possibles, et les résultats de cette comparaison devraient être examinés à la lumière de l’importance des intérêts en cause. C’est sur la base de ce “soupesage et [de cette] mise en balance” et de la comparaison des mesures, compte tenu des intérêts ou valeurs en jeu, qu’un groupe spécial détermine si une mesure est “nécessaire” ou à titre subsidiaire, si une autre mesure, compatible avec les règles de l’OMC, est “raisonnablement disponible”.

La prescription, prévue à l’article XIV a), selon laquelle une mesure doit être “nécessaire” — c’est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir de mesure de rechange compatible avec les règles de l’OMC “fraisonnablement disponible” — reflète la communauté de vues des Membres concernant le fait qu’il ne faudrait pas s’écarter à la légère des obligations de fond de l’AGCS. Toutefois, il peut être constaté qu’une mesure de rechange n’est pas “raisonnablement disponible” lorsqu’elle est de nature purement théorique, par exemple, lorsque le Membre défendeur n’est pas capable de l’adopter ou lorsque la mesure impose une charge indue à ce Membre, par exemple des coûts prohibitifs ou des difficultés techniques substantielles. Par ailleurs, une mesure de rechange “raisonnablement disponible” doit être une mesure qui préserverait le droit du Membre défendeur d’assurer le niveau de protection qu’il souhaite pour ce qui est de l’objectif poursuivi au titre de l’alinéa a) de l’article XIV.

G.4.4.3 États-Unis — Jeux, paragraphe 315
(WT/DS285/AB/R)

Dans son analyse de la “nécessité” au regard de l’article XIV a), le Groupe spécial semblait penser que, pour qu’une mesure soit acceptée comme étant “nécessaire” au titre de l’article XIV a), le Membre défendeur devait avoir d’abord “envisagé et épuisé” toutes les autres mesures compatibles avec les règles de l’OMC et raisonnablement disponibles avant d’adopter sa mesure incompatible avec les règles de l’OMC. Cette interprétation a conduit le Groupe spécial à conclure qu’en l’espèce, les États-Unis avaient “l’obligation de tenir des consultations avec Antigua avant et pendant l’imposition de leur prohibition à l’égard de la fourniture transfrontières de services de jeux et paris”. Parce qu’il a constaté que les États-Unis n’avaient pas engagé de telles consultations avec Antigua, le Groupe spécial a également constaté que les États-Unis n’avaient pas établi que leurs mesures étaient “nécessaires” et par conséquent provisoirement justifiées au titre de l’article XIV a).

G.4.4.4 États-Unis — Jeux, paragraphes 317-320
(WT/DS285/AB/R)

À notre avis, l’analyse de la “nécessité” effectuée par le Groupe spécial était viciée car elle ne portait pas essentiellement sur une mesure de rechange qui était raisonnablement disponible pour permettre aux États-Unis de réaliser les objectifs déclarés concernant la protection de la moralité publique ou le maintien de l’ordre public. L’engagement de consultations avec Antigua, en vue de parvenir à un règlement négocié permettant de réaliser les mêmes objectifs que les mesures contestées des États-Unis, n’était pas une solution de rechange appropriée que le Groupe spécial devait examiner car les consultations sont par définition un processus dont les résultats sont incertains et elles ne peuvent donc pas faire l’objet d’une comparaison avec les mesures en cause en l’espèce.

Par ailleurs, nous notons que le Groupe spécial a fondé sa prescription imposant les consultations en partie sur “l’existence d’[un] engagement spécifique en matière d’accès aux marchés [dans la liste des États-Unis annexée à l’AGCS] concernant le commerce transfrontières des services de jeux et paris”. Nous ne voyons pas en quoi l’existence d’un engagement spécifique dans la Liste d’un Membre affecte la “nécessité” d’une mesure pour ce qui est de la protection de la moralité publique ou du maintien de l’ordre public. Pour cette raison également, le Groupe spécial a fait erreur en considérant les consultations comme mesure de rechange raisonnablement disponible pour les États-Unis.

… Antigua allègue que le Groupe spécial “a fait erreur en limitant” sa recherche de solutions de rechange à l’ensemble des mesures réglementaires existantes des États-Unis… .

Nous faisons observer, premièrement, que le Groupe spécial n’a pas dit qu’il limitait sa recherche de solutions de rechange de la manière alléguée par Antigua. Deuxièmement, bien que le Groupe spécial ait commencé son analyse des mesures de rechange en examinant si les États-Unis appliquaient déjà des mesures moins restrictives qu’une prohibition pour réaliser les mêmes objectifs que les trois lois fédérales, son examen ne s’est pas achevé là. À l’évidence, le Groupe spécial a bien examiné des solutions de rechange qui n’étaient pas appliquées actuellement aux États-Unis, comme le montre l’importance (en fin de compte erronée) qu’il a donnée au fait allégué que les États-Unis n’avaient pas mené de consultations avec Antigua. Enfin, nous ne voyons pas pourquoi on aurait dû attendre du Groupe spécial qu’il poursuive son analyse en abordant des mesures de rechange additionnelles, qu’Antigua elle-même n’avait pas indiquées. Comme nous l’avons dit plus haut, il n’incombe pas à la partie défenderesse d’indiquer l’ensemble des mesures de rechange avec lesquelles sa propre mesure devrait être comparée. C’est seulement si une telle solution de rechange est invoquée que cette comparaison est requise. Nous rejetons donc cet aspect de l’appel d’Antigua.

G.4.4.5 États-Unis — Jeux, paragraphe 332
(WT/DS285/AB/R)

Antigua soutient de plus que le Groupe spécial a agi d’une manière incompatible avec l’article 11 du Mémorandum d’accord parce qu’il n’a procédé à aucune évaluation des éléments de preuve factuels concernant spécifiquement les services de jeux et paris d’Antigua lorsqu’il a évalué si la Loi sur les communications par câble, la Loi sur les déplacements et la Loi sur les jeux illicites étaient “nécessaires”. Pour déterminer si les lois en cause étaient “nécessaires” au sens de l’article XIV a), le Groupe spécial a été appelé à évaluer le rapport entre, d’une part, les restrictions imposées par les États-Unis en ce qui concerne la fourniture à distance de services de jeux et, d’autre part, les intérêts en matière de “moralité publique”/“ordre public” identifiés par les États-Unis comme expliquant les restrictions prévues par la Loi sur les communications par câble, la Loi sur les déplacements et la Loi sur les jeux illicites. Les États-Unis n’ont pas explicitement identifié ni la source de la fourniture ni le caractère étranger de la fourniture de services de jeux et paris comme une préoccupation pertinente. En d’autres termes, les éléments de preuve soumis au Groupe spécial par les États-Unis donnent à penser que le lien concerne la fourniture à distance de services de jeux, quelle que soit sa source ou l’origine nationale des fournisseurs. De plus, les lois en cause, telles qu’elles sont libellées, n’établissent aucune distinction quant aux services de jeux d’origines différentes; le Groupe spécial a constaté simplement que les lois prohibaient la fourniture à distance de services de jeux et paris. De ce fait, il n’était pas nécessaire que le Groupe spécial analyse les éléments de preuve concernant la fourniture de services de jeux en provenance spécifiquement d’Antigua, et nous ne voyons aucune erreur dans la décision prise par le Groupe spécial de ne pas procéder à une évaluation du secteur des jeux d’Antigua.


G.4.5 Texte introductif de l’article XIV     haut de page

G.4.5.1 États-Unis — Jeux, paragraphe 339
(WT/DS285/AB/R)

… Le texte introductif met expressément l’accent sur l’application d’une mesure dont le Groupe spécial a déjà constaté qu’elle était incompatible avec l’une des obligations prévues par l’AGCS, mais relevant de l’un des paragraphes de l’article XIV. En prescrivant que la mesure soit appliquée de façon à ne pas constituer une discrimination “arbitraire” ou “injustifiable”, ou une “restriction déguisée au commerce des services”, le texte introductif sert à garantir que les droits des Membres de se prévaloir d’exceptions sont exercés raisonnablement, de façon à ne pas entraver les droits accordés aux autres Membres par les règles de fond de l’AGCS.

G.4.5.2 États-Unis — Jeux, paragraphes 342-344
(WT/DS285/AB/R)

Lorsqu’il a décidé d’évaluer si les mesures satisfaisaient aux prescriptions du texte introductif, le Groupe spécial a expliqué que, même si un tel examen n’était “pas nécessaire”, il voulait “aider les parties à résoudre le différend fondamental en l’espèce”. Antigua allègue que le Groupe spécial a agi d’une manière incompatible avec la décision rendue par l’Organe d’appel dans l’affaire Corée — Diverses mesures affectant la viande de bœuf en déterminant si la Loi sur les communications par câble, la Loi sur les déplacements et la Loi sur les jeux illicites satisfaisaient aux prescriptions du texte introductif après avoir constaté qu’elles n’étaient pas provisoirement justifiées.

… [la déclaration faite par l’Organe d’appel au paragraph 156 de son rapport Corée — Diverses mesures affectant la viande de bœuf] n’impose pas l’obligation pour les groupes spéciaux d’arrêter l’évaluation du moyen de défense présenté par une partie défenderesse une fois qu’ils ont déterminé qu’une mesure contestée n’est pas provisoirement justifiée au titre de l’un des paragraphes de la disposition prévoyant une exception générale.

Pour autant qu’il s’acquitte de son devoir d’évaluer objectivement une question, un groupe spécial est libre de décider quelles questions de droit il doit examiner afin de régler un différend. De plus, dans certains cas, la décision d’un groupe spécial de poursuivre son analyse juridique et de formuler des constatations factuelles au-delà de celles qui sont strictement nécessaires pour régler le différend peut aider l’Organe d’appel, s’il était ultérieurement appelé à compléter l’analyse, comme c’est le cas en l’espèce, par exemple.

G.4.5.3 États-Unis — Jeux, paragraphes 349-351
(WT/DS285/AB/R)

Les États-Unis soutiennent que … le Groupe spécial, en fait, a évalué uniquement si les États-Unis traitaient les fournisseurs de services nationaux différemment des fournisseurs de services étrangers. Une telle évaluation est inadéquate, font valoir les États-Unis, parce que le texte introductif exige également une détermination sur le point de savoir si le traitement différencié, ou la discrimination, est “arbitraire” ou “injustifiable”.

Les États-Unis ont fondé leur moyen de défense au titre du texte introductif de l’article XIV sur l’affirmation selon laquelle les mesures en cause prohibent la fourniture à distance de services de jeux et paris par tout fournisseur, qu’il soit national ou étranger. En d’autres termes, les États-Unis ont cherché à justifier la Loi sur les communications par câble, la Loi sur les déplacements et la Loi sur les jeux illicites en faisant valoir qu’il n’y avait aucune discrimination dans la façon dont les trois lois fédérales étaient appliquées à la fourniture à distance de services de jeux et paris. Les États-Unis auraient pu avancer un argument additionnel selon lequel même si une telle discrimination existait, elle n’équivalait pas à une discrimination “arbitraire” ou “injustifiable”, mais ils ne l’ont pas fait.

À la lumière des arguments dont il disposait, nous ne considérons pas, d’après notre lecture, que le Groupe spécial a ignoré la prescription relative à la discrimination “arbitraire” ou “injustifiable” en présentant le critère au titre du texte introductif de l’article XIV comme étant un critère de “compatibilité”. En fait, le Groupe spécial a déterminé qu’Antigua avait réfuté l’allégation des États-Unis selon laquelle il n’y avait pas de discrimination du tout en montrant que les fournisseurs de services nationaux étaient autorisés à fournir des services de jeux à distance dans des situations où les fournisseurs de services étrangers n’étaient pas autorisés à le faire. Nous ne voyons aucune erreur dans l’approche adoptée par le Groupe spécial.

G.4.5.4 États-Unis — Jeux, paragraphe 354
(WT/DS285/AB/R)

Nous faisons observer, tout d’abord, qu’aucune des trois lois fédérales, telles qu’elles sont libellées, ne fait la distinction entre les fournisseurs de services nationaux et étrangers. Nous pensons comme le Groupe spécial que, dans le contexte de mesures à première vue neutres, il peut néanmoins exister des situations dans lesquelles le fait d’engager des poursuites sélectives contre des personnes équivaut à une discrimination. À notre avis, toutefois, les éléments de preuve dont disposait le Groupe spécial ne pouvaient pas justifier une constatation selon laquelle, malgré la neutralité du libellé de la loi, les faits étaient “peu concluants” pour établir une “non-discrimination” dans la manière dont les États-Unis mettent à exécution la Loi sur les communications par câble. La conclusion du Groupe spécial repose non seulement sur des éléments de preuve inadéquats, mais aussi sur une interprétation incorrecte du type de conduite qui peut, en droit, être qualifiée de discrimination dans l’exécution de mesures.

 


Les textes reproduits ici n’ont pas le statut juridique des documents originaux conservés par le Secrétariat de l’OMC à Genève.