MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 6

Le processus — Étapes d’une affaire type de règlement des différends

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6.10 Contre-mesures imposées par le Membre ayant eu gain de cause (suspension d’obligations)

Autorisation et arbitrage

L’ORD doit accorder l’autorisation de suspendre des obligations dans les 30 jours suivant l’expiration du délai raisonnable, à moins qu’il ne décide par consensus de rejeter la demande. C’est le troisième grand cas dans lequel l’ORD prend sa décision par consensus “inverse” ou “négatif”. En d’autres termes, l’approbation est pratiquement automatique, parce que le Membre requérant à lui seul pourrait empêcher la formation de tout consensus contre l’octroi de l’autorisation.

Si les parties ne se mettent pas d’accord sur la forme de rétorsion proposée par le plaignant, un arbitrage peut être demandé (article 22:6 et 22:7 du Mémorandum d’accord). Ce désaccord peut porter sur la question soit de savoir si le niveau de la rétorsion est équivalent au niveau de l’annulation ou de la réduction des avantages, soit de savoir si les principes régissant la forme de la suspension autorisée sont respectés. Si les membres du groupe spécial initial sont disponibles, c’est le groupe spécial initial qui assure l’arbitrage, sinon le Directeur général désigne un arbitre. L’article 22:6 du Mémorandum d’accord dispose aussi que le délai pour mener à bien l’arbitrage est de 60 jours suivant la date à laquelle le délai raisonnable est venu à expiration et que le plaignant ne doit pas procéder à la suspension d’obligations pendant l’arbitrage.

Les arbitres déterminent si le niveau de la suspension de concessions proposée est équivalent au niveau de l’annulation ou de la réduction des avantages. Cela signifie qu’ils calculent la valeur approximative de la perte commerciale due à la mesure dont il a été constaté qu’elle était incompatible avec les règles de l’OMC ou autrement annulait ou compromettait des avantages. S’il est allégué que les principes et procédures régissant la rétorsion croisée (article 22:3 du Mémorandum d’accord) n’ont pas été suivis, l’arbitre examine également cette allégation (article 22:7 du Mémorandum d’accord).

Les parties doivent accepter la décision de l’arbitre comme définitive et ne pas demander un second arbitrage. L’ORD est informé dans les moindres délais du résultat de l’arbitrage. Sur demande, il accorde l’autorisation de suspendre des obligations sous réserve que la demande soit compatible avec la décision de l’arbitre, à moins qu’il ne soit décidé par consensus de rejeter la demande (article 22:7 du Mémorandum d’accord).

Bien qu’il ait obtenu l’autorisation de l’ORD de suspendre des obligations, un plaignant peut choisir de ne pas procéder à la suspension mais plutôt d’utiliser l’autorisation comme un levier de négociation avec le Membre devant procéder à la mise en œuvre.

 

Règles spéciales relatives aux contre-mesures (Accord SMC)  haut de page

Là encore, des règles spéciales existent dans l’Accord SMC. S’agissant des subventions prohibées, dans le cas où le défendeur n’a pas donné suite à la recommandation de l’ORD dans le délai spécifié par le groupe spécial pour le retrait de la subvention, l’ORD accorde au Membre plaignant l’autorisation de prendre des “contre-mesures appropriées”, à moins qu’il n’existe un consensus négatif contre (article 4.10 de l’Accord SMC). En cas d’arbitrage au titre de l’article 22:6 du Mémorandum d’accord, l’arbitre est chargé de déterminer si les contre-mesures proposées sont appropriées (article 4.11 de l’Accord SMC).

Dans la pratique du règlement des différends, on constate que le critère du “caractère approprié” autorise des contre-mesures pouvant être d’un niveau plus élevé, et non strictement “équivalent”, au niveau de l’annulation ou de la réduction des avantages causée par la subvention prohibée. Cela semble permettre de prendre au titre de l’Accord SMC des contre-mesures qui ont un effet d’incitation à la mise en conformité plus grand que celles qui sont prises conformément aux règles ordinaires du Mémorandum d’accord.

Pour ce qui est des subventions pouvant donner lieu à une action, l’article 7.9 de l’Accord SMC dispose que l’ORD doit (en l’absence d’un consensus contraire) accorder au plaignant l’autorisation de prendre des contre-mesures, si la subvention n’est pas retirée ou les effets défavorables éliminés dans un délai de six mois à compter de la date d’adoption du ou des rapports. Ces contre-mesures doivent être proportionnelles au degré et à la nature des effets défavorables dont l’existence a été déterminée. Dans le cadre de l’arbitrage au titre de l’article 22:6 du Mémorandum d’accord, l’arbitre détermine si les contre-mesures sont proportionnelles au degré et à la nature des effets défavorables (article 7.10 de l’Accord SMC).

 

“Chronologie”  haut de page

L’une des controverses qui se sont fait jour concernant la phase de mise en œuvre du système de règlement des différends porte sur la relation entre l’article 21:5 et l’article 22:2 du Mémorandum d’accord. La question est de savoir laquelle des deux procédures, le cas échéant, a la priorité: la procédure du groupe spécial de la mise en conformité ou la suspension d’obligations. Autrement dit, il s’agit de savoir si le plaignant est habilité à demander l’autorisation de suspendre des obligations avant qu’un groupe spécial (et l’Organe d’appel) n’ait établi conformément à l’article 21:5 du Mémorandum d’accord qu’il n’y a pas eu mise en conformité avec les recommandations et décisions d’un groupe spécial (ou de l’Organe d’appel). D’une part, l’article 22:6 du Mémorandum d’accord prescrit à l’ORD d’accorder l’autorisation de suspendre des obligations dans un délai de 30 jours à compter de l’expiration du délai raisonnable (s’il n’y a pas de consensus négatif). L’arbitrage qui pourrait avoir lieu sur le niveau ou la forme de la rétorsion doit s’achever dans les 60 jours suivant l’expiration du délai raisonnable. Ce délai n’est pas suffisant pour mener à bien l’examen de la mise en conformité au titre de l’article 21:5 du Mémorandum d’accord (90 jours pour le groupe spécial, plus l’appel éventuel) afin de déterminer si les recommandations et décisions de l’ORD ont été intégralement mises en ouvre (c’est-à-dire s’il y a désormais conformité avec les règles de l’OMC ou si un ajustement satisfaisant est intervenu en cas d’annulation ou de réduction d’avantages en situation de non-violation). D’autre part, l’article 23 du Mémorandum d’accord interdit aux Membres de l’OMC de décider unilatéralement si une mesure est incompatible avec les accords visés ou si elle annule ou compromet des avantages.

Ce conflit a atteint son apogée lors du différend CE — Bananes III. Dans les affaires suivantes, les parties sont habituellement parvenues à un accord ad hoc sur la chronologie des procédures en vertu de l’article 21:5 et de l’article 22. Dans certains cas, les parties sont convenues d’engager les procédures au titre de l’article 21:5 et de l’article 22 simultanément puis de suspendre les procédures de rétorsion au titre de l’article 22 (autorisation de l’ORD et arbitrage conformément à l’article 22:6) jusqu’à ce que la procédure prévue à l’article 21:5 soit terminée.1 Dans d’autres cas, les parties sont convenues d’engager les procédures au titre de l’article 21:5 avant de recourir aux procédures de rétorsion au titre de l’article 22, étant entendu que le défendeur ne s’opposerait pas à une demande d’autorisation de suspension de concessions conformément à l’article 22:6 du Mémorandum d’accord du fait de l’expiration du délai de 30 jours dont disposait l’ORD pour accorder son autorisation.

Les tentatives visant à trouver une solution à la question de la chronologie par une interprétation faisant autorité ou un amendement du Mémorandum d’accord n’ont pas abouti jusqu’ici dans les négociations passées et présentes concernant le réexamen du Mémorandum d’accord.

 

Notes:

1. Voir par exemple l’affaire Canada — Produits laitiers, WT/DS103/14; et l’affaire États-Unis — FSC, WT/DS108/12retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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