Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 6

Le processus — Étapes d’une affaire type de règlement des différends

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6.5 L’examen en appel

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Mandat de l’Organe d’appel et possibilité de compléter l’analyse juridique

Pour ce qui est du contenu du rapport de l’Organe d’appel, le Mémorandum d’accord prescrit que l’Organe d’appel doit traiter chacune des questions de droit et des interprétations données par le groupe spécial dont il a été fait appel (article 17:6 et 17:12 du Mémorandum d’accord). L’Organe d’appel peut confirmer, modifier ou infirmer les constatations et les conclusions juridiques du groupe spécial (article 17:13 du Mémorandum d’accord). Toutefois, dans les cas où certaines constatations juridiques du groupe spécial ne sont plus pertinentes parce qu’elles sont liées à une interprétation du droit infirmée ou modifiée par la section ou fondées sur cette interprétation, l’Organe d’appel déclare parfois ces constatations “sans fondement et sans effet juridique”.

Dans de nombreux cas, l’Organe d’appel modifie en partie les constatations et les conclusions juridiques du groupe spécial parce qu’il est d’accord avec la conclusion finale du groupe spécial mais pas nécessairement avec son raisonnement. Si l’Organe d’appel est d’accord avec les deux, il confirme les constatations et les conclusions du groupe spécial. S’il n’est pas d’accord avec la conclusion du groupe spécial, il l’infirme.

Dans ce dernier cas en particulier, la fonction de l’Organe d’appel ne doit pas être considérée comme se limitant à l’examen des rapports des groupes spéciaux. Il y a également un différend à régler (article 3:3 et 3:2 du Mémorandum d’accord). Dans le cas, par exemple, où l’Organe d’appel infirme la conclusion du groupe spécial selon laquelle une certaine disposition a été violée, il se pourrait que la mesure prise par le défendeur soit néanmoins incompatible avec une autre disposition de l’OMC. Souvent, le plaignant a également allégué une incompatibilité avec cette autre disposition, soit à titre subsidiaire, soit d’une manière cumulative. Toutefois, il est arrivé fréquemment que le groupe spécial, ayant constaté une violation de la première disposition, n’ait pas examiné l’allégation subsidiaire ou ait choisi de ne pas examiner l’allégation cumulative au titre du principe d’économie jurisprudentielle. Dans ce cas, si l’Organe d’appel se borne à infirmer les constatations et conclusions erronées du groupe spécial, le différend ne sera pas entièrement réglé. Le plaignant devra alors tout reprendre à zéro en engageant une nouvelle procédure de règlement des différends.

Deux approches sont habituellement suivies dans les procédures de nombreuses cours d’appel dont le mandat se limite aux questions de droit. L’une consiste à trancher la question en suspens au stade de l’appel. En effet, de nombreuses cours d’appel ont ce pouvoir (souvent sans obligation) lorsque l’affaire est “mûre” pour qu’une telle décision soit prise (c’est-à-dire qu’il n’y a plus de nouveaux faits à examiner). L’autre approche (la seule possible lorsqu’un point de fait demeure non résolu) consiste à renvoyer l’affaire à l’instance chargée de juger les faits. En l’espèce, cette instance est le groupe spécial. Le pouvoir de renvoyer une affaire à un niveau inférieur s’appelle le pouvoir de renvoi mais il n’existe pas dans le système de l’OMC.

Étant donné l’absence de pouvoir de renvoi à l’OMC, la première approche, qui veut que l’Organe d’appel tranche la question en suspens, devient plus impérieuse. En effet, l’Organe d’appel a à plusieurs reprises “complété l’analyse juridique” afin de régler un différend. Cela n’a été possible que dans les cas où il y avait suffisamment de constatations de fait dans le rapport du groupe spécial ou de faits non contestés dans son dossier pour permettre à l’Organe d’appel d’examiner et de trancher la question en suspens. Lorsque cela n’a pas été le cas, l’Organe d’appel n’a pas été en mesure de compléter l’analyse juridique parce qu’il n’était pas autorisé à faire de nouvelles constatations de fait. En outre, l’insuffisance des faits rapportés n’est pas la seule raison pour laquelle l’Organe d’appel a refusé de compléter l’analyse juridique. Dans un cas, l’affaire CE — Amiante, il a refusé d’examiner une question “nouvelle” parce qu’elle n’avait pas été examinée de façon suffisamment approfondie au stade du groupe spécial, soit dans l’affaire en question soit lors de différends antérieurs.1

 

Conclusions et recommandations de l’Organe d’appel  haut de page

Un rapport de l’Organe d’appel contient deux parties: la partie descriptive et la partie relative aux constatations. La partie descriptive présente le contexte factuel du différend et l’historique de la procédure et résume les arguments des participants et participants tiers. Dans la partie relative aux constatations, l’Organe d’appel examine dans le détail les questions soulevées en appel, établit ses conclusions et le raisonnement à l’appui de ces conclusions, et indique si les constatations et conclusions du groupe spécial dont il est fait appel sont confirmées, modifiées ou infirmées. Cette partie contient également des conclusions additionnelles pertinentes, par exemple s’il a été constaté que le défendeur a agi en violation d’une disposition de l’OMC autre que celle qui avait été examinée par le groupe spécial.

Pour ce qui est des recommandations et des suggestions, les articles 19 et 26 du Mémorandum d’accord s’appliquent aux rapports de l’Organe d’appel comme à ceux des groupes spéciaux. Dans les cas où il est conclu que la mesure contestée est incompatible avec un accord visé, l’Organe d’appel recommande que le Membre défendeur la rende conforme à ses obligations en vertu dudit accord (article 19:1 du Mémorandum d’accord, première phrase). Dans la pratique, ces recommandations sont adressées à l’ORD, qui doit ensuite demander au Membre concerné de rendre la mesure conforme aux dispositions pertinentes du droit de l’OMC. Comme le groupe spécial, l’Organe d’appel peut aussi suggérer au Membre concerné des façons de mettre en ouvre la recommandation (article 19:1 du Mémorandum d’accord, deuxième phrase), mais il n’a pas usé de ce droit jusqu’ici. Lorsqu’une plainte en situation de non-violation aboutit, l’Organe d’appel recommande normalement que les parties procèdent à un ajustement mutuellement satisfaisant (article 26:1 b) du Mémorandum d’accord).

Enfin, le rapport de l’Organe d’appel est distribué à tous les Membres de l’OMC et devient accessible au public sous la forme d’un document de la série WT/DS (la cote se termine par “AB/R”, ce qui donne WT/DS###/AB/R). Les participants reçoivent fréquemment un exemplaire confidentiel du rapport avec jusqu’à un jour d’avance.

 

Désistement d’appel  haut de page

La règle 30 1) des Procédures de travail permet à l’appelant de se désister à tout moment. Les Membres de l’OMC ont le pouvoir discrétionnaire non seulement d’engager un différend mais aussi de mettre fin à la procédure. La possibilité de se désister d’un appel traduit la préférence que le Mémorandum d’accord accorde au fait que les parties trouvent une solution mutuellement acceptable à leur différend (article 3:7 du Mémorandum d’accord).

Un désistement met normalement fin à la procédure d’appel engagée, comme cela a été le cas dans l’affaire Inde — Automobiles.2 Dans cette affaire, l’Organe d’appel a remis un bref rapport d’appel exposant l’historique de la procédure d’appel, et a conclu que ses travaux avaient pris fin du fait du désistement de l’Inde.3

À trois reprises, des appelants se sont désistés pour reformer un appel peu de temps après. Deux fois, cela s’est fait pour des raisons de calendrier (l’objectif étant de repousser tout le processus d’appel de quelques semaines).4 Plus récemment, dans l’affaire CE — Sardines, les Communautés européennes se sont désistées après que le Pérou eut contesté leur déclaration d’appel. Le Pérou a fait valoir que la déclaration d’appel était insuffisamment claire, ce à quoi les Communautés européennes ont réagi en se désistant et en déposant immédiatement une nouvelle déclaration d’appel plus détaillée. Comme dans les deux autres cas de désistement d’appel, ce désistement était explicitement subordonné au droit de déposer une nouvelle déclaration d’appel. Le Pérou a alors contesté le droit des Communautés européennes de retirer une déclaration d’appel sous condition et de former un deuxième appel. L’Organe d’appel a refusé de rejeter l’appel pour cause d’irrecevabilité, comme le demandait le Pérou. Il ne voyait “aucune raison d’interpréter la règle 30 comme accordant le droit de se désister uniquement si ce désistement était inconditionnel”5, à moins que la condition imposée n’affaiblisse le règlement équitable, rapide et efficace du différend et pour autant que le Membre en question engageait les procédures de règlement des différends de bonne foi. 6

 

Délai pour l’achèvement de l’examen en appel  haut de page

Les procédures d’examen en appel doivent généralement être achevées dans un délai de 60 jours, et en tout cas ne pas dépasser 90 jours à compter de la date à laquelle la déclaration d’appel a été déposée. Lorsqu’une procédure d’appel prend plus de 60 jours, l’Organe d’appel doit informer l’ORD des raisons du retard et lui indiquer dans quel délai il estime pouvoir présenter son rapport (article 17:5 du Mémorandum d’accord). Dans la plupart des appels examinés à ce jour, l’Organe d’appel a remis son rapport 90 jours après le dépôt de la déclaration d’appel.7 Pour quelques affaires, en raison de circonstances exceptionnelles, et avec l’accord des participants, l’Organe d’appel a distribué son rapport après l’expiration du délai de 90 jours.8

L’Accord SMC prévoit des délais plus courts pour l’examen en appel s’agissant des différends concernant des subventions prohibées: un délai général de 30 jours et un délai maximal de 60 jours (article 4.9 de l’Accord SMC). Ce délai maximal de 60 jours a également été dépassé lors de deux appels.9

 

Notes:

1. Voir le rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 343, faisant référence aux affaires pertinentes. retour au texte

2. Rapport de l’Organe d’appel Inde — Automobiles, paragraphes 14 à 18. retour au texte

3. Rapport de l’Organe d’appel Inde — Automobiles, paragraphe 18. retour au texte

4. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — FSC, paragraphe 4; rapport de l’organe d’appel États-Unis — Tubes et tuyaux de canalisation, paragraphe 13. retour au texte

5. On peut considérer que le retrait annule la première déclaration d’appel. En conséquence, tant que court le délai pour former un appel (voir la section sur le délai pour former un appel, page 55) le droit d’appel continue d’exister. La condition attachée au désistement dans la présente affaire n’était pas factuelle et ne sortait pas du cadre de la procédure d’appel. Elle n’a donc pas créé d’obstacles d’ordre procédural. retour au texte

6. Rapport de l’Organe d’appel CE — Sardines, paragraphe 141. retour au texte

7. Il n’est guère réaliste dans la pratique d’achever le processus dans un délai de 60 jours dans la mesure où la dernière communication est déposée le 25ème jour, où l’audience se tient entre le 30ème et le 40ème jour et où les deux dernières semaines au moins sont consacrées à la traduction. retour au texte

8. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Plomb et Bismuth II, paragraphe 8; rapport de l’Organe d’appel, CE — Amiante, paragraphe 8; rapport de l’Organe d’appel, Thaïlande — Poutres en H, paragraphe 7. retour au texte

9. Rapport de l’Organe d’appel Brésil — Aéronefs,  rapport de l’Organe d’appel Canada — Aéronefsretour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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